L'institution gouvernementale : Autonomie et subordination
Analyse sectorielle : L'institution gouvernementale : Autonomie et subordination. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar soufiane007 • 25 Mai 2014 • Analyse sectorielle • 8 904 Mots (36 Pages) • 711 Vues
1 M.A. BENABDALLAH
L'institution gouvernementale: Autonomie et subordination (∗)
Mohammed Amine BENABDALLAH
Professeur à l’Université Mohammed V
Rabat-Souissi
1 - Si, faisant une lecture comparative des différents textes constitutionnels que le Maroc
a connus entre 1962 et 1996, on cherchait à classer en deux rubriques différentes les aspects
qui sont demeurés inchangés et ceux qui ont subi des modifications, on aurait du mal à faire
un choix incontestable quant au statut de l'institution gouvernementale. Son évolution au
cours des cinq révisions constitutionnelles s'est caractérisée par la constance de ses
pouvoirs et, en même temps, par des retouches relativement profondes en ce qui concerne
les modalités de sa désignation et ses relations avec l'institution parlementaire.
Par rapport à l'ensemble des institutions, elle se présente comme celle qui, avec
l'institution monarchique, s'est inscrite dans la continuité d'un système aux sources bien
lointaines. Instrument d'organisation et de direction des affaires de l'Etat, cet ensemble de
hauts fonctionnaires qui, à l'aube du vingtième siècle, répondait au générique de
gouvernement (1), avait déjà existé dans le Maroc des siècles précédents. Sans doute, sa
composition et le nombre le constituant variaient-ils selon la conception de chaque sultan,
mais son existence n'était pas moins constante. De tout temps, comme partout ailleurs, elle
fut confondue avec celle du monarque. Il eût été difficile de concevoir un pouvoir central
qui pût s'exercer sans intermédiaires ou auxiliaires, sans, selon la terminologie consacrée,
ce que l'on appelle des ministres. Sur ce plan, le constituant n'a pas dû déployer un grand
effort d'imagination; la structure gouvernementale n'a pas été créée à partir du néant,
comme le fut, par exemple, l'institution parlementaire (2), elle n'a été que le résultat du
développement et la modernisation du noyau ministériel qui existait auprès du Roi à la
veille du protectorat et du remodelage du statut des premiers gouvernements du Maroc de
nouveau indépendant (3).
2 - Loin d'avoir eu lieu en marge de son environnement, ce remodelage s'est effectué,
∗ REMALD n° 32, 2000, p. 11 et suiv.
1 M. Lahbabi, Le gouvernement marocain à l'aube du vingtième siècle, Les éditions maghrébines, 1975, p.
131.
2 Il est vrai que le célèbre projet de constitution du 11octobre 1908 prévoyait un conseil consultatif, articles 35
et suivants, dont les attributions étaient très voisines de celles d'un parlement, mais il s'agit d'un texte qui n'a
jamais vu le jour. L'idée de parlement y était certainement présente, mais sa concrétisation n'a jamais eu lieu.
Par conséquent, le départ des élections législatives de 1963 aura été un fait nouveau pour toute une
génération.
3 On n'oubliera pas qu'entre 1955 et 1963, l'année des premières élections, le Maroc avait déjà connu huit
gouvernements dont les chefs étaient: M. Bekkaï, du 7 décembre 1955 au 25 octobre 1956; M. Bekkaï, du 28
octobre 1956 au 16 avril 1958 ; A. Balafrej, du 12 mai 1958 au 3 décembre 1958 ; A. Ibrahim, du 24
décembre 1958 au 21 mai 1960; S.M. Mohammed V, du 27 mai 1960 au 4 janvier 1961 ; S.M. Mohammed V,
du 4 janvier 1961 au 26 février 1961 ; S.M. Hassan II, du 26 février 1961 au 2 juin 1961 et S.M. Hassan II, du
2 juin 1961 au 13 novembre 1963.
2 M.A. BENABDALLAH
nous semble-t-il, en fonction de deux données essentielles: la prépondérance du pouvoir
royal et le principe de la séparation des pouvoirs.
A première vue, on peut être frappé par le caractère antinomique de ces deux données,
mais à la réflexion on peut se rendre compte que s'il est vrai qu'au-dessus des trois pouvoirs
traditionnellement admis, l'institution royale occupe un rang à part, il n'en reste pas moins
que prenant en compte le principe de la séparation, le constituant a fait en sorte qu'entre le
parlement, le gouvernement et l'autorité judiciaire, la confusion n'est point envisageable (4).
Sur un plan, le constituant n'a fait que constater l'existence d'un pouvoir monarchique tirant
sa légitimité en dehors de la constitution elle-même (5), tandis que sur un autre, il a créé les
relais nécessaires à son exercice dans un cadre où la référence à la modernité, tout en étant
la règle, doit, quand il le faut, céder le pas à des interprétations empruntes de colorations
politico-religieuses où la tradition s'affirme comme principe déterminant à telle enseigne
que certaines notions de droit public deviennent comme bousculées (6). S'il ne fait aucun
doute que le constituant a établi les relations entre
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