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Echange, Marché Et Marchandisation

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Par   •  17 Juillet 2013  •  7 925 Mots (32 Pages)  •  972 Vues

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3èmes Journées d’étude HERMES/OMI « Echange, marché et marchandisation », mars 2006, Université de Reims

ECHANGE ET MARCHE : QUELLE REPRESENTATION ?

Arnaud Diemer

GRESE Paris 1, HERMES-OMI Reims

En l’espace de plusieurs décennies, le marché est devenu le symbole et l’enjeu de l’organisation de nos sociétés. L’économie ne serait plus définie comme la « Science des richesses » (Rossi, 1841) ou la « Science des échanges » (Bastiat, 1863), mais comme la « Science des marchés » (Buchanan, 1975). Le marché et ses lois, attracteurs « étranges » dans l’espace économique, auraient ainsi pris l’ascendant sur l’échange et ses grands principes. Cette vision moderne de la science économique contraste quelque peu avec la période durant laquelle l’économie politique était suspectée d’entretenir des liens obscurs avec la philosophie du XVIIIème siècle et le courant idéologue mené par Destutt de Tracy. La société était alors « purement et uniquement [définie comme] une série continuelle d’échanges » (1823, p. 68). Si l’échange est un phénomène attesté dans toutes les sociétés humaines, si tout marché suppose un échange, tout échange ne passe pas par le marché (Mauss, 1991). Ce simple constat tend à rendre compte de la complexité des liens qui unissent le marché à l’échange. Dans le même temps, il soulève quelques difficultés lorsque l’on souhaite se donner une représentation commune ou distincte des deux concepts.

Le texte qui suit, se propose d’aborder la question de la représentation du marché et de l’échange en insistant sur les trois points suivants. Premièrement, nous rappellerons que tout au long des XVIIIème et XIXème siècles, le principe de l’échange est synonyme de gains pour tous ceux qui participent à l’échange (Adam Smith parle de Richesse des Nations). La théorie de l’échange règne sans partage sur l’Economie politique. Le marché, sommairement défini comme le lieu de rencontre entre des acheteurs et des vendeurs, renvoie quant à lui aux foires et aux marchés. En proposant d’aller observer le phénomène de la valeur d’échange là où il produit, en l’occurrence sur le marché, Léon Walras (1874) va engager l’économie politique dans une véritable révolution scientifique. Si la théorie de l’échange constitue la clé d’entrée de son programme, le marché et la concurrence s’imposeront rapidement comme les fondements de la science économique. Deuxièmement, nous préciserons que le marché deviendra tout au long du XX siècle, le symbole et l’enjeu de l’organisation de nos sociétés. Rarement défini1, il deviendra progressivement un concept abstrait, épousant les contours de la science. Toute science ayant besoin d’un langage, on abandonnera irrémédiablement celui de l’échange (associé aux relations bilatérales, à la division du travail, aux relations de proximité) pour celui du marché (identifié par des lois ou grands principes2). Le marché est ainsi rattaché à des conditions d’existence (droits de propriété, valeur-prix, loi de l’offre et la demande, numéraire) et d’efficience (coûts de transaction, information, régulation). Troisièmement, nous montrerons que si le marché puise sa force dans des conceptions (le marché est à la fois un lieu de rencontres, un système d’échanges, un processus historique dans lequel sont ancrées les relations marchandes, un mécanisme d’échanges basés sur un système de prix, un mécanisme d’échanges basés sur la circulation du surplus, un ensemble de relations contractuelles) qui mettent son efficacité au coeur de leur analyse, un certain nombre d’économistes (Arrow, Coase, Williamson…) ont replacé le marché au coeur des échanges. Le marché serait ainsi un mode d’organisation, au même titre que l’organisation interne (l’entreprise) ou les formes hybrides à la Williamson. Cette approche moderne laisserait entendre que la science économique serait revenue à une conception beaucoup plus large des modes de coordination des individus, c’est-à-dire à une véritable théorie de l’échange « unifiée ».

1 Nous renvoyons ici les lecteurs à l’ouvrage de Gérard Debreu (1959), « Theory of Value », qui ne propose aucune clé d’entrée au mot marché. L’auteur se contente de définir les notions de marchandises et de prix (auxquelles le marché se trouve implicitement rattacher).

2 On note ainsi que la valeur d’échange disparaît au profit d’une théorie de la valeur, que la monnaie passe de l’état de fluide ou de lubrifiant des échanges à celui de numéraire, d’étalon de mesure…

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3èmes Journées d’étude HERMES/OMI « Echange, marché et marchandisation », mars 2006, Université de Reims

I. DE L’ECHANGE AUX MARCHES

De 1776, année marquée par la parution des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations d’Adam Smith, à 1900, date de la publication du Nouveau Dictionnaire d’économie politique de Say et Chailley (c’est également l’année de la parution de la 4ème édition des Eléments d’économie politique pure de Léon Walras), le principe et la théorie de l’échange règnent sans partage sur l’Economie politique. Le marché est sommairement défini comme le lieu de rencontre entre des acheteurs et des vendeurs de marchandises. Si les bases de l’Economie politique sont enfin posées, une révolution « marginaliste » est cependant en marche. La valeur d’échange se produisant sur un marché (Walras, 1873), les économistes vont centrer leurs travaux sur cette organisation des échanges sans pour autant la définir précisément. L’échange se vide progressivement de son contenu, il renvoie à d’autres notions : le commerce, les débouchés, la liberté des échanges (Liesse, Sumner, 1900).

A. Le principe de l’échange

Le Dictionnaire d’économie politique de Coquelin et Guillaumin (1854) constitue au XIXème siècle, la référence incontournable pour tout intellectuel sensible aux questions économiques. Le langage de cette nouvelle discipline que l’on baptise Economie politique doit être stabilisé, et chacun souhaite apporter sa contribution (Bastiat, Baudrillart, Blanqui, Block, Chevalier, Courcelle-Seneuil, Dunoyer, Dupuit, Molinari…participeront à la rédaction du dictionnaire). A la rubrique « Echange », Coquelin (1854) souligne que les sociétés humaines ont été originellement organisées selon le principe de la communauté. La communauté repose sur le travail en commun et le partage des fruits de ce travail

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