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« Décennie perdue » ou émergence d'un nouveau monde économique ?

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Par   •  8 Mars 2015  •  Étude de cas  •  7 215 Mots (29 Pages)  •  701 Vues

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« Décennie perdue » ou émergence d'un nouveau monde économique ?

Il est toujours difficile de vivre la fin d’une époque.

Certains sombrent dans la mélancolie ou prétendent faire revivre les théologies révolutionnaires pourtant enterrées au cours des décennies précédentes, d'autres préfèrent nier l'évidence et annoncer la fin du cauchemar au moindre indice positif, rares sont ceux qui s'adaptent voire tirent profit de la tourmente qui les entraîne.

Ces crises-là ne marquent pas la fin du monde mais seulement la fin d'un monde et laissent entrevoir, à l'observateur lucide, l'émergence d'un monde nouveau dans lequel tout aura été bouleversé pour que l'essentiel ne change pas.

Aujourd'hui, au tout début de la crise, nous pouvons observer ces réactions contrastées entre mélancolie pathologique, messianisme néorévolutionnaire et bouffées d'optimisme hallucinatoire.

Le G8 récemment réuni a eu l'audace d'entrevoir des signes encourageants sans oser pour autant reprendre à son compte la célèbre formule d'Herbert Hoover en 1930 annonçant « prosperity is just around the corner ».

Plus réaliste, la Banque mondiale, le 30 mars 2009, prévoit qu'une « modeste reprise en 2010 est possible, mais très incertaine », tout en ajoutant aussitôt que « la persistance des problèmes bancaires ou même de nouvelles tensions sur les marchés financiers pourraient néanmoins entrainer la stagnation du PIB mondial voire une autre année de déclin en 2010 ».

Le Fonds Monétaire International augmente chaque trimestre son évaluation du montant des dépréciations d'actifs dans le secteur financier qu'il chiffre aujourd'hui à plus de 4 000 milliards de dollars, après l'avoir successivement chiffré à 1 000 puis à 2 000 !

Au coeur de la crise telle que nous la vivons, il convient de rappeler brutalement, avant toute chose l'impossibilité d'un retour à la situation antérieure ainsi que les raisons quantitatives et qualitatives pour lesquelles toute reprise significative est totalement illusoire avant plusieurs années (I). Il nous faut ensuite décrire les deux scenarii qui feront notre actualité pour au moins une décennie de crise mondiale (II) avant d'évoquer tout ce qu'il faudrait mettre en oeuvre sur le plan international et national pour éviter de subir « une décennie perdue » et accepter les mutations incontournables pour fonder un nouveau monde économique (III).

I. L'impossible retour en arrière

1.1 Les grandes crises cycliques et surtout les crises financières sont toujours très longues.

On ne le répètera jamais assez, la crise de 1929 ne s'est pas terminée dans les années 30 et si le New Deal a pu redonner quelques espoirs aux citoyens américains anéantis par la crise, il n'a pas permis aux Etats-Unis de revenir à la prospérité des années 20. Il a fallu les bouleversements de la Seconde guerre mondiale, leurs immenses conséquences en terme de mobilisation de l'appareil productif américain ainsi que la reconstruction de l'Europe et, plus généralement les engagements dans la guerre froide, accompagnés à partir de 1945 d'une très remarquable réorganisation de l'architecture monétaire internationale et des compensations des paiements internationaux pour que, vers le milieu des années 50, le Dow Jones retrouve enfin son niveau d'avant le « jeudi noir » de 1929 !

La crise asiatique de 1990 qui aurait dû nous alerter comme « the canary in the coal mine » avertissait autrefois le mineur de fond des risques du grisou, était loin d'être terminée lorsque la crise actuelle a éclaté aux Etats-Unis en 2007 et s'est transmise au monde entier en 2008.

Le Japon a pourtant, tout au long de ces années, fait exactement ce que nous faisons aujourd'hui : des taux d'intérêt directeur réels nuls ou négatifs, l'injection massive de liquidités par la banque centrale, et un déficit de l'Etat qui a conduit la dette publique japonaise à un niveau extravagant de 120% du PIB.

Dans un récent article du Financial Times d'avril 2009, Martin Wolf remarquait qu'après vingt ans le Japon n'avait pas réussi à sortir du marasme et qu'à l'évidence l'économie mondiale ne pourrait retourner à la situation où elle était avant la crise parce que cette situation était clairement « unsustainable ».

De même, s'il se réjouissait de ce que les politiques publiques avaient peut-être éliminé les risques les plus graves, il remarquait, par une métaphore horticole, qu'il y avait encore beaucoup à faire avant que les fragiles repousses de printemps ne redeviennent des plantes adultes et en bonne santé.

1.2 L'immense décalage entre les efforts de relance budgétaire et la fourniture de liquidités monétaires d'une part et ce que représente l'ardoise de nos années folles d'autre part.

Nous avons déjà remarqué que, sans être franchement exponentielle, la courbe de l'évaluation des dépréciations d'actifs dans le système financier publiée par le FMI avait au moins quadruplé en quelques mois.

Bien des éléments nous permettent d'évaluer à des niveaux plus élevés encore les dépréciations dans les bilans de sociétés financières et dans l'économie réelle.

Remarquons d'abord qu'au cours des dernières années le cumul nominal des valeurs placées hors bilan (over the counter) dans le système financier telles que figurant dans les tableaux statistiques de la Banque for International Settlements (BIS) a approché, fin 2007, les 700 000 milliards de dollars et que l'on peut sans aucun doute évaluer à beaucoup plus que 0,5% du total ce qui doit être déprécié dans ce montant hallucinant qui représente environ douze fois le PIB mondial.

Pour les seuls Etats-Unis d'Amérique, le volume des dépréciations du parc immobilier n'est pas très inférieur à une année de PIB américain, tandis que le montant cumulé des seules hypothèques immobilières garanties par le Trésor public américain à travers les tristement célèbres Fanny Mae et Freddy Mac avoisinent les 6 000 milliards de dollars, avec un taux de pertes considérable, ce qui représente une dépréciation en milliers de milliards de dollars.

La capitalisation boursière mondiale a chuté de moitié en 2008, enregistrant une perte de 30 000 milliards de dollars. Les fonds de pension aux Etats-Unis ont perdu au moins 1 000

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