Commentaire D'arrêt 21/06/2013: Communauté d’agglomération du Pays de Martigues
Dissertations Gratuits : Commentaire D'arrêt 21/06/2013: Communauté d’agglomération du Pays de Martigues. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar zupa • 18 Novembre 2014 • 2 353 Mots (10 Pages) • 6 345 Vues
CE, Section, 21 juin 2013, « Communauté d’agglomération
du Pays de Martigues »
Le rapporteur public, une création quelque peu surprenante et incompréhensible du droit administratif, trouve enfin son statut expliqué de manière claire et presque pédagogique dans l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 21 juin 2013, statuant sur l’affaire de la Communauté d’agglomération du Pays de Martigues (no 352427).
Le 18 avril 2006, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la Communauté d’agglomération du Pays de Martigues a exploiter un centre de stockage de déchets non ultimes, situé au lieu-dit du « Vallon du Fou » sur le territoire de Martigues. Le comité d’intérêt du quartier de Saint Pierre, une des communes de Martigues, s’oppose à cette installation.
En première instance, le Comité d’intérêt du quartier de Saint Pierre a saisi le tribunal administratif de Marseille qui, le 20 novembre 2008 a annulé l’arrêté en question dans la partie autorisant le stockage de déchets non ultimes et a exigé de la part du préfet de procéder aux modifications de celui-ci. Le 9 février 2009 le préfet a pris un arrêté modificatif imposant de nouvelles prescriptions. Ensuite, la Communauté d’agglomération du Pays de Martigues a interjeté appel. Sa requête a été rejetée le 4 juillet 2011 par la cour administrative d’appel. Dans cette situation, la Communauté d’agglomération du Pays de Martigues se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.
Pour fonder sa décision, le Conseil d’Etat rappelle les règles régissant l’exercice du rapporteur public, comme : son indépendance vis-à-vis des parties dans l’expression de son opinion et solution proposée, l’obligation de faire connaitre à celles-ci le sens de ses conclusions avant l’audience, en précisant les motifs qui l’ont conduit à recommander la solution suggérée, et ce dans un « délai raisonnable ». Le rapporteur public est aussi obligé, sous peine d’irrégularité de la décision, de notifier aux parties les évolutions éventuelles de sa position.
Concernant le bien-fondé de l’affaire, le Conseil d’Etat a évoqué qu’appartenait « au juge de plein contentieux de statuer sur l’étendue des obligations mises a charge par exploitants » et qu’aucune erreur de droit n’a été commise par la cour administrative d’appel lorsqu’elle confirmait la décision de la première instance. Il a aussi soulevé le fait que le permis d’exploitation d’une installation de stockage de déchets doit être remis sous réserve d’être accompagné de restrictions tendant à donner garantie que seuls déchets stockés peuvent être les déchets ultimes, c’est-à-dire réutilisables ou valorisables, et que donc « la cour n’a pas commis d’erreur en droit en jugeant qu’il appartient au préfet » de préciser les restrictions applicables.
La Communauté d’agglomération du Pays de Martigues a, pour sa part, levé le fait que le rapporteur public ne lui a pas communiqué les motifs pour lesquels il a proposé à la cour administrative d’appel de rejeter sa requête et donc a entaché d’irrégularité la procédure s’étant déroulé devant celle-ci.
Le fait que le rapporteur public n’a pas communiqué aux parties avant l’audience, les motifs de la proposition de rejet d’une requête par le Conseil d’Etat, alors qu’il les a informées du sens de ses conclusions, peut-il entrainer l’irrégularité de la procédure dans son ensemble ?
Le Conseil d’Etat répond par la négative à cette question et dans sa décision du 21 juin 2013 rejette le pourvoi formée par la Communauté d’agglomération du pays de Martigues en relevant qu’elle « n’est pas fondée à soutenir que l’arrêt attaqué aurait été rendu au terme d’une procédure irrégulière » si le rapporteur public lui a communiqué dans les délais le sens de ses conclusions, en omettant de les informer « des motifs qui l’ont conduit à proposer le rejet de sa requête d’appel ».
La décision du Conseil d’Etat du 21 juin 2013 reprend tous les éléments constitutifs du statut du rapporteur public. Ce verdict apporte une contribution inestimable à la détermination du rôle du rapporteur public (I), ainsi qu’un éclaircissement nécessaire sur la part discrétionnaire de cette fonction (II).
I. Un apport inestimable à la détermination du rôle du rapporteur public
Le rapporteur public, nommé ainsi depuis le décret du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions, était pendant des années une sorte de « persona obscura » de la juridiction administrative. Malgré sa rapide évolution au cours de ces dernières années, notamment sous l’influence de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, des zones d’ombre concernant sa place au sein de la justice persistaient. L’arrêt du Conseil d’Etat du 21 juin 2013, Communauté d’agglomération du Pays de Martigues vient éclaircir ces incertitudes. En effet, il fournit un apport précieux à la définition des compétences du rapporteur public (A) ainsi qu’une réaffirmation forte de ses obligations (B).
A'. Un apport précieux à la définition des compétences du rapporteur public
Dès le deuxième considérant, le Conseil d’Etat s’applique à la lourde tache pédagogique ayant visiblement pour but de chasser toutes les incertitudes concernant la fonction du rapporteur public. Ainsi, il explique son statut dans la procédure administrative – en faisant appel à l’article L.7 du code de justice administrative, il insiste sur le fait que c’est « un membre de la juridiction (…) (qui) expose publiquement et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent ». Difficile d’exprimer d’une manière plus claire la réaffirmation de la vision du rôle de ce magistrat un peu spécial par la Haute juridiction administrative, en tant qu’un acteur indépendant et impartial de la procédure, une vision exprimée déjà le 10 juillet 1957 par l’arrêt « Gervaise » et confirmée le 29 juillet 1998 avec l’arrêt « Mme Esclatine ». Sa mission est « d’exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaitre, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion ».
Positionné ainsi, un peu en dehors de la procédure, le rapporteur public n’en
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