Les Théories De La Firme Entre « Contrats » Et « Compétences »
Commentaires Composés : Les Théories De La Firme Entre « Contrats » Et « Compétences ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mohamedreda • 5 Mars 2013 • 9 786 Mots (40 Pages) • 1 015 Vues
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Les théories de la firme entre « contrats » et « compétences »
Une revue critique des développements contemporains
Benjamin CORIAT, Olivier WEINSTEIN Université Paris 13, CEPN, CNRS. (A paraître in Revue d’Economie Industrielle, N° spécial pour les 30 ans de la REI) Il est généralement admis que la théorie économique de la firme, telle qu’elle est aujourd’hui formulée s’est reconstruite, à partir des années soixante-dix, sur la base de la redécouverte d’un article de Ronald Coase de 1937 qui n’avait connu jusque là que peu d’audience. Dans cet article devenu classique, Coase soulève la question de “ la nature de la firme ” : qu’est-ce qu’une firme, et pourquoi les firmes existent-elles ? L’auteur propose un type de réponse qui reste, dans sa forme générale couramment admise : la firme constitue un mode de coordination économique alternatif au marché. Alors que sur le marché la coordination des comportements des individus se fait par le système de prix, la firme se caractérise par une coordination administrative, par la hiérarchie. Il reste alors à se demander pourquoi le recours à une coordination administrative peut être nécessaire. La réponse de Coase est que la coordination par les prix entraîne des coûts, ignorés dans les analyses standards du marché, ce que l’on appellera par la suite des coûts de transaction. Quand ces coûts sont supérieurs aux coûts d’organisation interne, la coordination dans la firme s’impose. Notons dès maintenant que l’on trouve chez Coase deux thèses, qui seront fortement discutées par la suite : (1) firme et marché constituent deux modes de coordination différentes. (2) Ce qui caractérise fondamentalement la firme, c’est l’existence d’un pouvoir d’autorité, la firme est une organisation hiérarchique. Comme nous allons le montrer ces propositions sont bien à l’origine d’un renouvellement profond des théorisations sur la firme. De Coase à Williamson en passant par Alchian et Demsetz et les théoriciens des droits de propriété, la conceptualisation contractuelle, dont la théorie de l’Agence reste l’expression la plus influente, se présente aujourd’hui comme la nouvelle orthodoxie sur le sujet Le trait majeur de cette approche est de mettre au centre de ses élaborations une vision de la firme conçue comme « noeud de contrats ».
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Cependant, cette voie de recherche si elle se présente aujourd’hui comme dominante, n’est pas la seule voie parcourue dans les reconstructions de la théorie de la firme auxquelles on a assisté au cours des dernières décennies. Commencée avec les travaux pionniers de Cyert, March et Simon, une toute autre perspective, a été parcourue parallèlement à la précédente. Dès les travaux fondateurs (Cyert, 1963) l’interrogation majeure qui anime les auteurs est autre que celle qui prévaut dans l’approche contractuelle. Ce ne sont pas les contrats qui sont centre de l’interrogation mais la nature des relations qui se nouent entre les individus et groupes qui composent la firme. Il s’agit pour les auteurs du courant initié avec les travaux behaviouristes de comprendre pourquoi et comment les individus se coordonnent au sein de l’entité que constitue la firme, et comment s’y prennent les décisions. Ayant posé que la dissonance cognitive et le conflit sont au centre de la firme, la question centrale qui traverse ce courant est celle de savoir comment, à partir des informations et connaissances éclatées et éparses dont disposent chaque individu, la firme parvient à mettre en oeuvre des modes de coordination pour se constituer des avantages relatifs par rapport aux concurrents. Enrichie des travaux de Penrose, puis de l’apport décisif des évolutionnistes, cette voie de recherche st finalement entièrement construite autour de l’idée que ce qui fonde la firme, la justifie et permet de rendre compte de sa nature comme - point absent des approches contractuelles – de la diversité de ses formes - est qu’elle est le lieu de la gestion et de la production de connaissances et compétences spécifiques. Une perspective qui la distingue nettement de la vision Coasienne.
Le présent article entend rendre compte des conditions dans lesquelles les deux voies de théorisation de la firme que nous venons de brièvement caractériser se sont constituées et fortifiées. Il s’agit pour nous - sans prétendre à l’exhaustivité – d’insister sur la cohérence de chacune des démarches, mais aussi sur les difficultés que chacune d’elle a rencontrées dans le cours de l’élaboration des théories de la firme auxquelles elles prétendaient parvenir1
1 En ce sens, cet article constitue une actualisation de notre ouvrage de 1995, (cf. Coriat et Weinstein, 1995). . Une brève conclusion pointe les limites et apories des ces constructions et suggère quelques pistes susceptibles de permettre de progresser vers cette théorie « complète » de la firme qui, selon nous, reste encore inscrite sur l’agenda de la recherche.
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I - LA NOUVELLE ORTHODOXIE : LA VISION CONTRACTUELLE DE LA FIRME
Coase est le point de départ de la conception la vision contractuelle de la firme : qui est aujourd’hui la représentation dominante chez les économistes :. Il y a, comme nous allons le voir, des différences notables, voir des oppositions majeures, entre les différentes variantes de cette conception contractuelle. Mais il y a une unité profonde dans les différents travaux, qui touche tout d’abord à la conception générale des rapports économiques conçus comme des rapports contractuels entre individus libres. L’ensemble des organisations, comme des institutions – voir l’ensemble de la structure de la société - sont conçus comme le résultat d’accords entre individus. Les questions clés concernent alors (1) les problèmes de construction (de ‘design’) des contrats, (2) les conditions qui assurent la mise en oeuvre effective des engagements contractuels (l’ « enforcement » des contrats, dans la terminologie anglo-saxonne), et (3) l’identification des coûts qui en résultent (« Coûts de transaction » ou « coûts d’agence »). Dans cette perspective, la firme s’analyse comme un système particulier de relations contractuelles, elle est un noeud de contrats, entre individus.
Dans cette perspective contractuelle, dont l‘origine pourrait être trouvée dans les premiers développements de la philosophie politique européenne2, l’économie contractuelle néo-institutionnelle introduit deux dimensions essentielles : (i) les problèmes de coordination entre les individus, et de construction des contrats,
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