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La dispute des économistes, Gilles Raveaud

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Par   •  27 Octobre 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  3 270 Mots (14 Pages)  •  2 129 Vues

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 La dispute des économistes, Gilles Raveaud

Les économistes  sont très souvent en désaccord quant aux grandes problématiques économiques contemporaines. Qu’il s’agisse du chômage, ou du commerce international par exemple, les économistes, à l’orgueil considérable, se contredisent, et véhiculent sans le savoir une vision floue de l’économie d’aujourd’hui. C’est pour cela que Gilles Raveaud, professeur à l’université de Paris VIII et auteur de cet essai pense qu’il n’existe pas une seule et unique façon  de penser l’économie mais que bien au contraire celle-ci détient un caractère multidimensionnel. Par extension, s’il n’existait qu’une seule vision de l’économie, celle-ci ne fonctionnerait pas du fait qu’il ne s’agirait que d’un ensemble d’idées théoriques et non concrètes. En réalité, ce n’est pas ce qui se produit étant donné que l’économie, science très récente, n’est pas perçue de la même manière par ces observateurs (ici les économistes). Mais ce n’est pas pour autant que cette « dispute » des économistes est nuisible au système, bien au contraire ! C’est d’ailleurs cette pensée économique  « plurielle » que défend ce livre.  

Quatre représentations de l’économie sont ainsi développées dans cet ouvrage, le but étant de pouvoir mettre en relation l’économie comme marché (A. Smith), comme circuit  (J.M. Keynes), comme lieu de rapport de force  (K. Marx) et enfin l’économie sous une approche environnementale et sociale (K. Polanyi).

Le libéralisme économique ou le rêve fou des économistes de l’école classique

Adam Smith (1723-1790), de formation philosophique, est un des précurseurs du libéralisme économique. A l’aube de la révolution industrielle en Angleterre, en  1776, il publie ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, dans lesquelles il tente de découvrir comment certaines nations ont-elles pu se développer et le cas échéant, comment sont-elles devenues riches.  Selon Adam Smith, un seul mot d’ordre : l’échange !

En effet,  Adam Smith part de la maxime : ne jamais faire chez soi ce qui coutera moins cher à acheter ou à faire faire et l’étend aux échanges extérieurs. D’après sa théorie des avantages absolus, chaque nation doit se spécialiser dans le production de biens et services qu’elle produit à un coût inférieur au rendement et doit délaisser la production des biens où sa productivité (son efficacité) est la plus faible dans la mesure où elle pourra les importer : c’est la division internationale du travail. Pour Smith, tout le monde y trouve son intérêt.

De plus, Smith défend l’idée d’équité  d’une société dans laquelle il existe un salaire minimum permettant d’assurer une égalité entre les individus et où aucun d’entre eux ne serait laisser en marge de celle-ci. Cette idée est d’autant plus valable en cas de prospérité économique, même si toutefois il n’existe pas toujours une situation de juste partage des richesses. Pour le protégé d’Hutcheson, le profit est une part du produit du travail de l’ouvrier que le capitaliste lui prend.  Bien qu’étant libéral, Smith met en évidence le nécessaire interventionnisme étatique dans certains domaines publics comme l’éducation.

Au nom du libre-échange, il se montre très critique vis-à-vis des nations protectionnistes, des réglementations et de la fixation des salaires par les entreprises. Selon Smith, les échanges sont à l’origine de la richesse. Ainsi, le marché est un lieu virtuel ou réel où sont mis en relation des offreurs (c’est-à-dire des vendeurs) et des demandeurs (des acheteurs). Même si cette théorie, selon laquelle la satisfaction est générale autour du prix d’équilibre, n’est pas démontrée par Smith, elle est cependant admise par les libéraux. Dès lors, le produit sera échangé au prix d’équilibre (rencontre de l’offre et de la demande), et les lois du marché articulent ce mécanisme de telle sorte que lorsque l’offre augmente, les prix diminuent et lorsque la demande augmente, les prix augmentent. Mais cette hausse des prix « stimule » l’offre.

Le prix permet alors de stabiliser les quantités offertes et demandées et devient indispensable pour rendre compte du besoin des consommateurs vis-à-vis des entreprises : le prix joue un rôle d’intermédiaire. On parle alors de régulation de l’économie par le prix. C’est pourquoi les libéraux pensent que l’Etat ne doit pas intervenir car il ne correspondrait alors pas aux besoins naturels et spontanés des individus et que les prix ne doivent être fixés par aucune personne morale ou physique

Ce type de marché parfait n’existe pas, il faut le créer, diraient les libéraux. Ce modèle répondrait alors aux règles strictes et irréalistes du marché en concurrence pure et parfaite (CCP). C’est d’ailleurs le rôle de l’Union Européenne que de faire respecter ces règles. Au sein de cette union, la concurrence doit être libre (= aucun secteur d’activité réservé à tel ou tel individu en particulier) et non faussée (=aucun privilège ne doit être entreprit par des Etats vis-à-vis des entreprises nationales au détriment des entreprises étrangères). De même,  la consommation doit être au service du consommateur en affichant un triple bénéfice : liberté de choix, baisse des prix et hausse de la qualité. Il est important de noter que cette situation est impossible en monopole, dénoncé par les libéraux.  Le libéralisme, étant source de progrès, ce dernier génère de la concurrence qui met fin au monopole.  En définitive, le libéralisme démocratise le marché : dans le cadre de l’UE, l’Etat n’est plus garant du bien commun, le consommateur est alors libre d’agir sur le marché, en fonction de ses propres intérêts égoïstes.

Mais le libéralisme n’est pas sans risque ! Le marché agrandit l’écart entre les meilleurs et les plus mauvais, les inégalités augmentent alors, le principe d’équité n’est alors plus respecté. De plus, paradoxalement, le marché impose aux individus de vivre en tant que consommateur et ceci contre leur gré. En outre, le marché est un mécanisme instable lors de perturbations exogènes (négatives) agissant sur l’offre et/ou la demande, et où le prix d’équilibre ne peut plus être garantit. Enfin, celui-ci peut alimenter les déséquilibrages à l’instar des marchés financiers et la spéculation (radicalement en opposition avec le principe de stabilité).

Ce « laissez-faire » (baisse des salaires, hausse du chômage) des libéraux n’est pas une solution selon Keynes mais un danger de grande ampleur.

L’alternative keynésienne : le circuit

 Pour John Maynard Keynes (1883-1946), le marché ne peut réguler lui-seul l’économie. Keynes postule que l’individualisme est à l’origine du chômage. Ainsi, les consommateurs raisonnent en termes de coût et avantage et cherchent à défendre avant tout autre chose leurs propres intérêts. A cela, l’auteur de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936) ajoute que les invendus et le chômage sont les caractéristiques premières d’une économie de marché et que celle-ci s’accompagne également de crise et de déficits ; venant ainsi « casser » le modèle idéal des libéraux. Keynes va même jusqu’à dire que le marché peut s’auto détruire : l’équilibre n’est pas toujours garantit car l’offre n’est pas toujours égale à la demande. Le plein emploi n’est alors pas assuré.  Selon l’économiste de Bretton-Woods, les entrepreneurs sont au cœur du système. En effet, ces derniers peuvent décider aussi bien de relancer l’économie (par l’innovation et in fine la création d’emploi) que de la tuer (fermeture d’usines et licenciement). Ces entrepreneurs adoptent un comportement rationnel car ils souhaitent prendre la meilleure décision pour leurs intérêts. Keynes préconise donc une intervention des pouvoirs publics et de la banque centrale pour mettre en œuvre un déséquilibre nécessaire du marché afin que celui n’agisse plus seul.  C’est en ce point précis qu’il se distingue des économistes de l’école classique.  

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