Frederick Cooper, « le concept de mondialisation sert-il à quelque chose? »/GRATALOUP, Christian, « Introduction : Le temps du Monde », in Géohistoire de la mondialisation : Le temps long du monde, Paris : Armand Colin, 2010, p.13-20.
Fiche de lecture : Frederick Cooper, « le concept de mondialisation sert-il à quelque chose? »/GRATALOUP, Christian, « Introduction : Le temps du Monde », in Géohistoire de la mondialisation : Le temps long du monde, Paris : Armand Colin, 2010, p.13-20.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Eglantine Puel • 7 Avril 2018 • Fiche de lecture • 1 575 Mots (7 Pages) • 2 018 Vues
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Texte 1: Frederick Cooper, « le concept de mondialisation sert-il à quelque chose? »
« Le concept de mondialisation sert-il à quelque chose ? » est un article universitaire publié en 2001 par la revue trimestrielle Critique internationale et écrit par Frederick Cooper. Critique internationale est une revue scientifique publiée par les Presses de Sciences Po en collaboration avec le Centre national du livre depuis 1998. Décrite comme une revue comparative de sciences sociales, elle se définit par une approche empirique et une perspective comparatiste visant à éclairer les sciences sociales du politiques autour de plusieurs problématiques et thématiques transversales. Quant à l'auteur, Frederick Cooper est un universitaire américain qui a notamment enseigné l'histoire à la New York University, à l'Université Paris-VII, à l’École Normale Supérieure ou encore à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. [a]Grand spécialiste de l'histoire de l'Afrique, ce qui explique sa connaissance pointue des dynamiques du commerce triangulaire ainsi qu'une focale particulière sur les ressorts et les conséquences de la colonisation en Afrique dans cet article, l'historien explore ici les multiples implications du terme « mondialisation », ses acceptions et ses limites. Il le met en relief à travers le prisme de l'histoire et en questionne ses diverses interprétations au cours du temps. La date de publication de l'article -2001- est alors intéressante dans le sens où il s'inscrit dans un contexte d'hégémonie idéologique américaine depuis l'avènement du « nouveau monde » après la chute de l'URSS. Frederick Cooper cherche ici à éviter le piège du terme fourre-tout et à questionner la définition de « mondialisation ».
L'article se base autour d'un questionnement général sur la pertinence du terme en lui-même, que Frederick Cooper critique par l'utilisation du suffixe -isation qui inscrit le mot dans dans une temporalité encore en cours et qui en fait un phénomène, un processus acté. [b]L'auteur met ainsi en exergue le fait que revendiquer un phénomène ne suffit pourtant pas à le rendre réel et pertinent en tant qu'analyse du monde contemporain. Par ailleurs, il base l'argumentation de son article sur les méthodes d'analyse de la mondialisation et critique notamment l'approche anhistorique qui lui est accordée et qui semblerait induire que la mondialisation corresponde à un changement soudain et brutal sans se questionner sur les mécanismes sous-jacents et sur l'historicité du processus.[c] Frederick Cooper s'inscrit alors dans une démarche compréhensive et propose un éclairage du phénomène par 3 discours différents. Les deux premiers apparaissent largement contradictoires, entre le discours dit de la « Fanfaronnade du banquier » qui correspond à l'idée selon laquelle la mondialisation est bénéfique car elle permet la disparition des entraves et obstacles aux échanges libéraux mondiaux et celui de la « Lamentation social-démocrate » qui accepte l'existence de la mondialisation comme un fait inéluctable mais qui n'y voit aucun bénéfice pour le genre humain et qui cherche à l'adoucir par l'État Providence. Enfin, le dernier discours mis en avant par l'auteur de l'article correspond à une synthèse entre les deux premiers et, nommé la « Danse des flux et des fragments », reprend la dimension à la fois inévitable et déstabilisatrice de la mondialisation tout en mettant en avant la reconfiguration de l'espace et du « local » qu'elle contribue à établir. [d]
Part de l'approche pertinente à laquelle s'adonne Frederick Cooper dans cet article réside dans le parallèle qu'il établit avec le phénomène de « modernisation » prégnant dans les années 1960 et 1970 et dans la façon dont elle fut analysée à l'époque.[e] Il rapproche ainsi cette théorie de celle de la mondialisation en critiquant l'effet de prophétie auto-réalisatrice commun aux deux phénomènes et entraîné par la proclamation, par l'ensemble des réseaux intellectuels dominants, de l'entrée dans une nouvelle ère -celle de la modernisation, puis de la mondialisation-.
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L'intérêt de cet article réside également dans l'approche nuancée qu'il apporte à travers un travail de recherche largement documenté et étayé par des thèses d'auteurs divers (James et Wilson et l'esclavagisme comme prémisse de la mondialisation, Pomeranz et la « grande divergence » du XIXème siècle entre Europe et Chine, Manz et l'Empire Mongol du XIVème siècle, etc.). Cependant, une faiblesse que l'on pourrait reprocher à Frederick Cooper est son discours parfois un peu contradictoire : en effet, après avoir contesté la vision trop anhistorique de la mondialisation et avoir proposé un éclairage en explorant les similarités et divergences entre la période du commerce triangulaire, celle de la colonisation et le commerce actuel prégnant sur le continent africain, il conclut en affirmant que l'analyse de la mondialisation serait plus pertinente si elle étudiait avant tout les mécanismes d'interaction et la constitution des réseaux au cours du temps plutôt que de tenter d'établir des parallèles et des comparaisons historiques.
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