L'ordre international

REGNAULT Jean-Baptiste. Cours de M. Renault.

Sujet : « L’ ‘‘ordre international’’»? On emploie l’expression tous les jours, dans les sphères du pouvoir comme dans celles des médias mais, en même temps, les guerres, les violences de tous ordres, les alliances qui se font et se défont, les politiques étrangères zigzagantes semblent bien loin de refléter même le début d’un ordre international. [...] Jamais même l’expression ancienne d’‘‘anarchie internationale’’ n’a semblé aussi séduisante qu’aujourd’hui. [...] Plus on regarde le présent avec les lunettes du passé, moins on comprend» in BERTRAND BADIE, Nous ne sommes plus seuls au monde, Paris, La Découverte, 2016.

        Les joutes verbales qui marquent le début de l'application de la politique étrangère de l'administration Biden (avec les représentants du Parti Communiste chinois, mais aussi le président Poutine) nous montrent bien que, d'un mandat à un autre, un Etat peut changer de politique y compris dans le domaine des relations internationales. Mais alors, un Etat doit pour cela être libre de contraintes trop lourdes, ou bien pouvoir s'en libérer à tout moment, ce qui offre une certaine instabilité à toute relation internationale. Sans cette garanti de stabilité (qui découle de l'assurance qu'un Etat respectera ses engagements), on doit alors se questionner sur l'effectivité de ce que l'on entend souvent désigné comme "l'ordre international".

        On peut définir un ordre, qu'il soit international ou nom, comme un ensemble plus ou moins cohérent, plus ou moins stable, de principes, règles, pratiques. Ces dispositions sont intériorisées par les acteurs concernés et la garantie de leur respect est assurée par un système de sanction. Selon une définition donnée par Gilles Bertrand dans un article de 2004 dans la "Revue Internationale et Stratégique", un ordre international est "un ordre, un système, voire une « société » dont les acteurs ou les unités les plus importantes sont les États-nations". La notion d'ordre international prend donc racine dans la mise en place de l'ordre Westphalien, un ordre relativement constituées alors par les monarchies européennes. Mais ce que l'on entend généralement (dans les médias, au quotidien) par ordre international, c'est à la fois la coopération et la pacification internationale, qui s'illustre à la fois par l'interdépendance croissante des Etats mais aussi par la présence d'un grand nombre d'organisations intergouvernementales faisant autorité (au moins symboliquement). La notion qui lui est opposée dans le texte de B. Badie, "Anarchie internationale", provient de l'ouvrage de R. Aron, "Paix et Guerre entre les Nations" (1962), dans lequel on peut lire que "Les Etats [...] ne consentent pas à s'engager inconditionnellement à soumettre à un arbitrage [...] des questions qu'ils considèrent comme d'intérêt vital [... ]. Ce double refus [...] implique un élement d'anarchie internationale". Ainsi, l'Anarchie Internationale proviendrait de l'impossibilité mécanique pour les Etats de respecter les règles du jeu de l'ordre international quoi qu'il lui en coûte.

        Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et en conséquence de l'échec cuisant de la Société Des Nations dans l'entre-deux guerres, un véritable tissu d'interdépendances (économiques, militaires, industrielles) s'est mis en place, avec pour compléments la présence de l'arme dissuasive ultime, ainsi que d'organisations intergouvernementales, d'Organisations Non-Gouvernementales (ONG) et de sociétés (légales ou non) transnationales toujours plus puissantes. Ces évolutions ont forcé l'Etat à plus de prudence, et semblent avoir diminué son rôle tant sur le plan interne qu'externe, faisant espérer une pacification mondiale progressive et une stabilisation internationale. Alors que l'ordre bipolaire de la seconde moitié du XXE siècle a montré son incapacité à stabilisé correctement les relations internationales, certains pensaient que l'horizon d'après la chute du bloc sovétique était l'hégémonie américaine et la globalisation du modèle démocratique. Hors, la scène internationale semble plutôt s'être complexifiée, face à l'emergence de nombreux nouveaux acteurs dont l'influence ne cesse de grandir, face aux échecs répétés des Nations Unies à imposer ou au moins implanter son modèle démocratique sur l'ensemble du globe.

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