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La pratique des voies d'exécution dans l'Acte Uniforme OHADA

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La pratique des voies d’exécution dans l’Acte Uniforme OHADA

Publié le 24 décembre 2011 par Letanton

2ème Communication présentée par Docteur ONANA ETOUNDI Félix, Magistrat, Juriste Expert près la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA THEME : La pratique des voies d’exécution dans l’Acte Uniforme OHADA Introduction Dans les pays de la zone franc, le droit de l’exécution des décisions de justice hérité du législateur colonial et jusque-là applicable était devenu inadapté aux exigences économiques et sociales nouvelles, engendrant de ce fait une sorte d’insécurité juridique marquée par l’ineffectivité des décisions de justice. En effet, devant les difficultés d’obtenir un recouvrement rapide et efficace des créances dans cet environnement juridique vétuste où les décisions de justice restaient de plus en plus « lettre morte », l’Acte uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution s’est employé à élaborer ce que la doctrine a appelé « un véritable code » dans ce domaine(AURILLAC Michel, L’exécution de la pratique et ses difficultés contre une partie africaine, Revue Camerounaise de l’Arbitrage, 1998, n°2, p.3.). Ainsi, les techniques d’exécution adoptées par ce texte sont nouvelles à plus d’un titre. Elles le sont d’abord parce qu’elles rompent avec le passé, du moins dès l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme fixée au 10 juillet 1998, les mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées avant cette date restant soumises au droit antérieurement applicable dans chaque Etat partie à l’OHADA. Les techniques d’exécution sont ensuite nouvelles par leur assiette. Si la saisie immobilière ne connaît pas de restructuration fondamentale dans cette législation, les saisies mobilières ont été par contre suffisamment rénovées et renforcées. A priori, on a l’impression que dans cette reforme, la nature de chaque bien commande le régime de la saisie à lui appliquer et les différentes saisies sont ainsi le reflet de la division des biens. A chaque bien correspond une mesure appropriée : c’est le cas pour les biens mobiliers corporels (saisie conservatoire, saisie - vente), les créances de sommes d’argent (saisie conservatoire, saisie - attribution), les rémunérations (saisie et cession des rémunérations), les droits d’associés et de valeur mobilières (saisies des droits d’associés et des valeurs immobilières), les aliments (procédure simplifiée pour les créances d’aliments), les immeubles (la saisie immobilière). De la sorte, toutes les richesses peuvent être immobilisées, appréhendées, saisies. L’Acte uniforme offre donc une panoplie de mesures d’exécution aux créanciers. Si l’existence de cette panoplie de mesures d’exécution est déjà, pour parler comme les sociologues, une avancée, son contenu en est une autre, plus remarquable encore. Reste cependant à s’assurer les créanciers en revalorisant le titre exécutoire, a pratiquement relevé un tel défi. Car, la mise en œuvre de l’Acte uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution pose bon nombre de problème dont les solutions pratiques restent controversées, au point de se demander si la législation communautaire ne crée pas plus de problèmes qu’elle n’entendait en résoudre. Cette interrogation prend toute sa signification s’agissant des difficultés d’application de certaines règles générales applicables à toutes les saisies (I), ou des problèmes nés de l’interprétation des dispositions particulières à chaque type de saisie (II). I. LES DIFFICULTES DE MISE EN ŒUVRE DE CERTAINES REGLES GENERALES APPLICABLES À TOUTES LES SAISIES Certaines dispositions générales de l’Acte uniforme relatives aux voies d’exécution posent d’énormes problèmes d’interprétation ou d’application par les juridictions nationales des Etats parties. Sans être exhaustif, on peut citer les articles 28, 29, 30, 32, et 49. 1. L’article 28 de l’Acte uniforme qui subordonne le recours à l’exécution forcée ou aux mesures conservatoires « au défaut d’exécution volontaire » du débiteur pose le problème de savoir si le créancier est tenu de mettre le débiteur en demeure d’exécuter volontairement la condamnation et quelle serait la sanction de l’inobservation d’une telle formalité ? Les juridictions du fond sont en général divisées sur la question. Certains juges camerounais par exemple estiment que l’inobservation de la formalité de mise en demeure prévue dans cet article 28 constitue la violation d’une formalité substantielle sanctionnée par la nullité de la procédure de saisie engagée (cas du Tribunal de Première Instance de Douala déclarant nulle une saisie conservatoire des créances pratiquées sur les comptes d’un débiteur qui n’avait pas été « mise en demeure d’exécuter spontanément la décision de condamnation ») Ord. n°865/Réf du 11janvier 2000, inédite. D’autres juges par contre soutiennent que le défaut d’exécution volontaire dont parle l’article 28 suscité ne saurait obliger un créancier muni d’un titre exécutoire de mettre préalablement en demeure son débiteur au risque même de permettre à celui-ci d’organiser son insolvabilité. C’est ainsi que dans où le débiteur saisi demandait la nullité d’une saisie - attribution pratiquée sur ses comptes au motif qu’il n’avait pas été mis en demeure d’exécuter volontairement la condamnation, le Tribunal de Première Instance de Yaoundé relève que « la saisie - attribution des créances pratiquées sur la base d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible n’a pas besoin d’un commandement préalable et se trouve conforme à l’article 153 de l’Acte uniforme » (Ord. n°459/Réf du 23 novembre 2001, inédite ). La CCJA n’a pas encore été saisie d’une demande d’avis consultatif ni d’un contentieux pour éclairer l’opinion sur la question et mettre un terme à la controverse ! Restent donc vivement attendus, une telle demande de consultation ou un pourvoi en cassation fondé sur la portée de ce texte de l’article 28 de l’Acte uniforme. 2. L’article 29 qui prescrit à l’Etat l’obligation de prêter son concours à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires sous peine d’engager sa responsabilité pose des problèmes d’application. En effet, le Ministère public s’oppose souvent ou interrompt l’exécution des décisions de justice en donnant des injonctions aux huissiers ou aux agents d’exécution. Or, comme ceux-ci relèvent de l’autorité du parquet (l’article 40 du décret camerounais ), ils se voient obligés d’obtempérer à ces instructions sous peine de poursuites disciplinaires. Il y a là une entrave à l’exécution qui va manifestement contre le défi d’effectivité des décisions de justice qu’a entendu relever le droit OHADA. Seulement, l’article 29 de l’Acte uniforme qui prévoit un principe de responsabilité de l’Etat en cas de carence ou de refus de prêter son concours à l’exécution des décisions de justice semble d’application pratique difficile. Car, au nombre des questions que l’on se pose, la responsabilité d’un Etat partie peut-elle être directement engagée devant la CCJA du fait de l’obstruction à une décision de justice ? La question se pose parce que l’on sait qu’en général, la responsabilité de l’Etat obéit aux règles du droit administratif de chaque Etat. Or, le droit administratif ne fait pas encore partie des matières harmonisées par l’OHADA et reste régi par le droit national ; A priori, l’on pourrait donc dire que la CCJA n’est pas compétente pour connaître de l’action en responsabilité administrative d’un Etat qui refuse de faire exécuter une décision de justice, une telle action ressortissant de l’office du juge administratif de droit national. Pour autant que l’incompétence de la CCJA à connaître un tel recours fondé sur l’article 29 de l’Acte uniforme apparaît-elle évidente ? Non assurément puisqu’à partir du moment où le recours est fondé sur la violation d’une disposition d’un Acte uniforme OHADA, la compétence de la CCJA devrait être avérée. Mais, dans une telle hypothèse où la Cour retiendrait sa compétence, se poserait la question de l’article 13 du Traité OHADA qui prévoit que le contentieux des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions nationales. Dans le cas de l’article 29 de l’Acte uniforme qui fonde la responsabilité de l’Etat, il serait concevable qu’une telle responsabilité soit d’abord engagée devant les juridictions nationales compétentes c’est-à-dire devant les juridictions administratives. Une fois donc l’action épuisée, se poserait alors le problème de la compétence et de la recevabilité d’un tel recours devant la CCJA. Actuellement, la CCJA est saisie d’un recours en responsabilité contre l’Etat du Cameroun sur le fondement de l’article 29 de l’Acte uniforme, au motif, souligne le demandeur, que deux Procureurs Généraux de l’Etat du Cameroun avaient formellement empêché par des instructions écrites aux Procureurs de la république à un tiers saisi de se libérer au profit du créancier saisissant alors que la saisie–attribution pratiquée n’avait fait l’objet d’aucune contestation. L’on attend impatiemment la décision de la Cour qui mettra un terme aux supputations. 3. L’article 30 qui affirme l’immunité d’exécution des personnes morales de droit public et des entreprises publiques pose le problème de l’étendue des bénéficiaires de ladite immunité. Pour la jurisprudence camerounaise, le terme « personne » utilisé par l’article 30 alinéa 1er doit être entendu au sens large, ce qui laisse supposer que l’immunité d’exécution bénéficie à toutes les personnes publiques : l’Etat et ses démembrements que constituent les Collectivités Territoriales et Etablissements Publics, ainsi que les Entreprises publiques quelles qu’en soient la forme et la mission. (TPI de Ngaoundéré, Ord. de référé n°03 du 20 décembre 1999, Affaire Université de Ngaoundéré C/NANG MINDANG Hyppolite, Publié dans la Revue Camerounaise Juridis Périodique n°44, Octobre Novembre Décembre 2000, Obs. Fometeu ; TPI de Douala, Ordonnance n°339 du 3 novembre 1998, Affaire ONPC C/SFIC ; Publié dans la Revue Camerounaise Juridis Périodique n°44, Octobre Novembre Décembre 2000, Obs. Fometeu). Critiquant le caractère absolu de cette immunité d’exécution qui restreint l’efficacité du titre exécutoire la doctrine camerounaise a suggéré de restreindre la portée de l’immunité d’exécution des personnes publiques lorsque la saisie est pratiquée sur des biens affectés à une activité industrielle ou commerciale, celle-ci relevant des règles de droit privé. (G. KENFACK DOUAJI, L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public, in Revue Camerounaise de l’Arbitrage, n°18 précité ; Félix ONANA ETOUNDI, L’incidence du droit communautaire OHADA sur le droit interne de l’exécution des décisions de justice dans les Etats parties : cas du Cameroun, Thèse d’Etat en Droit des Affaires, Yaoundé, janvier 2005, p.467). 4. L’article 32 de l’Acte uniforme aux termes duquel « A l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part » pose le délicat problème du sort des défenses à l’exécution provisoire telles qu’organisée en droit interne de chaque Etat partie. Dans un arrêt n° 002/ 2001 du 11 octobre 2001 dit des Epoux KARNIB, la CCJA décide que l’article 32 de l’AUVE interdit les défenses à l’exécution provisoire lorsque celles –ci tendent à suspendre une exécution forcée déjà entamée. Autrement dit, dès lors que l’exécution provisoire est entamée par le premier acte d’exécution, elle ne peut plus être suspendue. Certains commentateurs ont vu et décrié en cette jurisprudence la « mort » des défenses à l’exécution provisoire, d’où le tollé général provoqué dans l’ensemble des Etats parties, relayé par l’intensification du débat doctrinal sur les critiques d’une telle solution. Dans trois arrêts postérieurs dont l’arrêt n° 012 / 2003 du 19 juin 2003 (affaire SEHICHOLLYWOOD S.A C/ SGBC) l’arrêt n° 013/ 2003 du 19 juin 2003 (affaire SOCM SARL C/ SGBC & BEAC), l’arrêt n° 014/ 2003 du 19 juin 2003, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage s’est remise à l’ouvrage pour repréciser le champ d’application exact de cet article 32 de l’AUVE : les défenses à l’exécution provisoire du droit interne demeurent applicables lorsque celles – ci visent non pas à suspendre une exécution forcée déjà engagée, mais plutôt à empêcher qu’une telle exécution ne commence. Malgré les principes ainsi dégagés qui assurent du reste au créancier une protection accrue de son titre de créance dès lors qu’il est mis en œuvre, les solutions de la CCJA n’ont pas pu taire les controverses sur la question, à cause de leur caractère inachevé. Car, l’on s’interroge toujours sur les dangers d’une sécurisation optimale d’un titre exécutoire par provision par essence précaire, et les conséquences irréparables que son aboutissement peut entraîner sur le patrimoine d’un débiteur non définitivement condamné. D’où la suggestion d’une relecture nécessaire de l’article 32 de l’AUVE dans un sens plus équilibré entre la revalorisation d’un titre exécutoire par provision exposé à une éventuelle réformation, et la protection du patrimoine d’un débiteur qui garde encore toutes ses chances de gager le procès à l’échelon élevé. 5. L’article 49 de l’Acte uniforme qui désigne « le Président de la juridiction compétente pour statuer sur « tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire » pose le problème de l’identification de cette juridiction. S’agit –il du juge des référés que l’on connaît dans la quasi-totalité de l’organisation judiciaire des Etats de l’OHADA ou d’un juge de l’exécution autonome ? Dans bon nombre d’Etats parties, le débat crée une confusion dans l’identification de ce juge aux attributions particulières en matière de contentieux de l’exécution. La controverse a pris un relief particulier au Cameroun où la pratique judiciaire est partagée entre deux tendances : la première assimile purement et simplement le juge de l’article au juge des référés du Code de Procédure Civile et Commerciale (TPI de Yaoundé : Ord n°882/C du 28 juillet 2000, Affaire SANO Jérôme C/SCPT inédite ; Ord. n°09/C du 05 Octobre 2000, Affaire BILOA EFFA C/Succession ZIBI Clément inédite). Une autre tendance soutient que le juge de l’article 49 est un juge spécial fait office de juge de l’exécution, différent du juge des référés ordinaires (TPI de Douala, Ord. n°1082 du 11juin 1999 inédite ; Ord. n°698/C du 16 mars 2000, inédite). La CCJA n’a pas encore véritablement été saisie de la question. Pour rompre la controverse et simplifier le contentieux de l’exécution, le législateur pourrait plus nettement créer un juge de l’exécution chargé du contentieux des saisies, de manière à ce que chaque Etat partie l’institue dans son Organisation Judiciaire. II. LES PROBLEMES D’INTERPRETATION ET D’APPLICATION DES REGLES PARTICULIERES A CERTAINES SAISIES La mise en œuvre des règles spécifiques à chaque type de saisie pose un certain nombre de difficultés de nature à relativiser l’objectif de revalorisation du titre exécutoire. On ne traitera que de quelques-unes de ces difficultés. 1. Les saisies conservatoires : l’article 54 de l’Acte uniforme les subordonne à l’existence « d’une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ». Ces deux notions n’ont pas été définies par le législateur OHADA, et c’est aux juridictions nationales qu’il appartient d’en déterminer le contenu. Les juridictions camerounaises par exemple déduisent l’apparence de la créance des faits de chaque espèce. Elles retiennent ainsi que, peut paraître fondée en son principe, la créance d’un entrepreneur constatée par un marché de travaux signé ou un devis accepté et dont les situations ont fait l’objet de traites impayées à l’échéance (TPI de Bafoussam, Ordonnance sur requête n°49 du 19 mars 2001, inédite), la créance de la victime d’un accident de la circulation qui justifie d’un constat amiable ou de gendarmerie et d’une facture ou d’un devis de réparation (TPI de Douala, Ordonnance sur requête n°318 du 16 avril 2001 inédite). Dans le cas de la saisie conservatoire des biens meubles corporels, l’article 56 prévoit que les biens saisis sont rendus indisponibles et l’article 64 § 6 indique que ces biens sont placés sous la garde du débiteur ou d’un tiers désigné d’accord parties…Ces deux dispositions ne sont pas d’application aisée : la première (l’article 54) ne limite pas l’étendue de l’indisponibilité au montant de la créance poursuivie et de ses accessoires (tel que le prévoit le législateur par exemple dans le cas de la saisie conservatoire ou de la saisie –attribution des créances). Il est donc fort à craindre que l’huissier de justice ou l’agent d’exécution ne pratique la saisie conservatoire sur une potion des biens dépassant la valeur de la créance, paralysant ainsi le créancier. La deuxième disposition (l’article 64 § 6) qui confie la garde des biens saisis au débiteur relativise l’effet d’indisponibilité attaché à la saisie. Car si le débiteur vend les biens frappés d’indisponibilité malgré tout, le créancier n’est pas certain de récupérer ses droits. 

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