Gratuité Des Musées Et Valeur Perçue Par Les Publics
Dissertations Gratuits : Gratuité Des Musées Et Valeur Perçue Par Les Publics. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ogoqso • 11 Juin 2015 • 4 459 Mots (18 Pages) • 805 Vues
1Valeur fondatrice des musées, sceau de leur identité originelle, la gratuité avait progressivement disparu au XXe siècle en France pour laisser la place à des politiques tarifaires de plus en plus sophistiquées. Depuis les années 1990, elle fait un retour marquant. Le mouvement a débuté au Royaume-Uni et s’est poursuivi dans toute l’Europe (Gombault, 2002). En France, il débute en 1996. Sur proposition du ministère de la Culture et de la Communication, le musée du Louvre devient gratuit le premier dimanche de chaque mois, à titre expérimental pour deux ans : c’est un succès. Aussi en 1998, la mesure est-elle reconduite sans limitation de durée. En 2000, elle est mise en œuvre dans l’ensemble des musées nationaux et des monuments historiques. Puis, plusieurs villes l’adoptent dans les musées municipaux : en 2002, les musées municipaux parisiens offrent une gratuité permanente, bientôt rejoints par ceux de Dijon, Caen, Bordeaux ou encore du département de l’Isère. Cette évolution, qui peut sembler paradoxale dans un monde muséal pragmatique intégrant de plus en plus l’appel au marché, marque en fait l’apparition de stratégies de prix où la gratuité, une action-prix comme une autre, sert les objectifs d’accessibilité et de promotion de ces institutions (Gombault, 2005).
2Qu’en pensent les publics ? De nombreuses études quantitatives d’impact sur la fréquentation ont été menées principalement à l’étranger (Bailey et al., 1997). Elles décrivent toutes une augmentation de la fréquentation à court terme, qualifiée d’« effet lune de miel » (Dickenson, 1993), mais montrent qu’à plus ou moins long terme, la mesure de gratuité en tant que telle n’aurait pas d’effet sur la fréquentation. Seule une politique d’accompagnement actif de cette mesure, visant à en faire un outil d’implication dans la visite pour les publics, peut produire des résultats. Pourtant, au-delà de ces études d’impact, rares sont les travaux à s’être intéressés à la réception de la mesure de gratuité, et au sens donné par les publics à la gratuité et à leur expérience vécue lors de la visite. En France, on recense seulement l’étude de Gottesdiener et Godrèche (1996), qui s’intéresse aux représentations des dimanches gratuits des publics du musée du Louvre. Pour combler ce manque, le département des Études, de la Prospective et des Statistiques du ministère de la Culture et de la Communication, après avoir mené une série d’études quantitatives sur les effets des mesures de gratuité dans les musées et les monuments nationaux, a confié à une équipe de cinq enseignants chercheurs, en sciences de gestion, la réalisation d’une étude principalement qualitative (Gombault, Petr, Bourgeon-Renault, Le Gall et Urbain, 2006). La recherche visait à comprendre les représentations, les projets d’usage et les comportements des Français face à la gratuité des musées et monuments. Après avoir présenté cette étude et résumé ses principaux résultats, cet article développe l’un d’entre eux : l’importance de la valeur pour les publics dans un contexte de gratuité. Quelle valeur attachent-ils à la visite d’un musée dont l’entrée est gratuite ? Existe-t-il une relation entre ces représentations de la gratuité et la valeur attachée aux musées et à leur visite ?
La gratuité des musées côté publics : présentation de la recherche
Problématique et méthodologie
3La problématique générale de la recherche commandée par le département des Études, de la Prospective et des Statistiques a été formulée de la façon suivante : dans le contexte français, quelles représentations de la gratuité des musées et des monuments, les publics ont-ils et comment celles-ci sont-elles reliées à leurs représentations, projets d’usage et comportements de fréquentation des musées et des monuments ?
4La contribution attendue était de générer une connaissance théorique sur les représentations, les projets d’usage et les comportements des publics, face à la gratuité des musées et des monuments, à partir de données empiriques, et par un raisonnement inductif et itératif, mobilisant des théories pertinentes. Cet objectif exploratoire a été servi par une stratégie de recherche dite de « multiangulation » consistant à comparer de multiples sources de données empiriques et théoriques pour produire de la connaissance. Toutes les tactiques de « multiangulation » ont été utilisées afin de garantir une fiabilité et une validité élevée : « multiangulation » des données, des techniques de production des données, des interprétations produites par les personnes étudiées, des théories, des chercheurs et enfin des paradigmes. La production des données s’est organisée de la façon suivante : un mode central de production des données – 52 entretiens individuels – complété par trois modes complémentaires : 4 entretiens de groupe, 36 observations et entretiens individuels sur site et une enquête quantitative – 580 questionnaires. Le critère central d’échantillonnage de chaque phase de production a été la fréquence de visite : visiteurs habitués (plus de 2 visites dans l’année écoulée), visiteurs occasionnels (au moins une visite dans les cinq dernières années et au plus deux visites dans l’année écoulée), non-visiteurs (qui n’ont pas effectué de visite depuis cinq ans.).
5Les données ont été collectées en 2002 et 2003, de façon synchronique : partout en France, auprès de français (les touristes étrangers n’ont pas été étudiés), en distingushowJoin()ant entre la région Parisienne et les autres régions et entre les zones urbaines et les zones rurales pour les entretiens et l’enquête ; et dans deux sites-tests en Bourgogne – un musée (Magnin à Dijon) et un monument (Châteauneuf-en-Auxois) – en comparant des configurations tarifaires différentes (dimanche payant, dimanche gratuit, Journées du Patrimoine) pour les observations et entretiens de visite. Des analyses de contenu thématiques, empiriques puis théoriques ont été menées par phase et globalement. Elles ont permis de formuler 27 propositions théoriques à valeur d’hypothèses, qui ont été ensuite reprises, discutées et réduites à trois méta-propositions (agrégats de propositions, visant à un niveau de connaissance théorique synthétique et général sur la question abordée).
Trois grands résultats
6Le premier résultat de l’étude montre, que pour les publics, à l’encontre d’une idée reçue, la gratuité est secondaire dans la construction et la réalisation d’un projet de visite.
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