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Le mal et la Providence Divine dans Saint Thomas

Dissertation : Le mal et la Providence Divine dans Saint Thomas. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  17 Octobre 2017  •  Dissertation  •  5 128 Mots (21 Pages)  •  1 090 Vues

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Le mal et la Providence Divine dans Saint Thomas 

Introduction :

Il s’agit d’un thème fort délicat. En effet, nous avons tous fait l’expérience du mal qui nous entoure. Certains de nos contemporains voient en son existence une preuve de la non-existence de Dieu, ou au mieux son indifférence vis-à-vis du triste sort de l’homme (si l’on a retiré toute vision surnaturelle : l’homme est appelé à la vision béatifique, à vivre de la vie même de Dieu... il y a pire comme sort !). Le film Bruce tout-puissant manifeste bien cette attitude de défiance envers Dieu : l’homme serait cette infime fourmi que cet être cruel, assis sur la fourmilière, pourrait sauver en un instant, mais qui, au lieu de ça, préfère lui brûler ses antennes et le regarder hurler à la mort !

L’expérience du mal fait naître en l’homme la souffrance et si nous pouvons imaginer que l’animal puisse souffrir (étant doté de sensibilité), cette souffrance atteint en l’homme un degré inégalable étant un être doté de facultés spirituelles. Jean-Paul II lors de l’audience générale du mercredi 4 juin 1986 dit que cette souffrance de l’homme est « intériorisée, conscientisée et expérimentée dans toutes les dimensions de son être et dans ses capacités d’action, de réaction, de réceptivité et de rejet ». L’homme crie alors vers Dieu, à l’image de Bruce, la colère de ses « pourquoi » ! Ce sentiment d’avoir été rejeté, ignoré par Dieu, le peuple élu l’a également connu : de nombreux psaumes crient vers le Seigneur : pourquoi nous as-tu abandonnés ? Pourquoi laisses-tu l’ennemi triompher ? « Pourquoi dors-tu ? Pourquoi caches-tu ton visage et oublies-tu notre misère, notre oppression ? » (Ps 44)

En effet, la question du mal est un obstacle sérieux dans la vie du croyant. Il se trouve devant une bien singulière énigme : comment concilier un Dieu Amour qui s’est révélé à lui et l’existence du mal ? Si le Tout-Puissant, créateur de toutes choses est si bon, si miséricordieux, alors pourquoi le mal existe-t-il ? Si j’oublie la première partie de la question alors le problème est résolu, mais si je confesse un Dieu-Amour alors pourquoi le mal existe-t-il ?

Ce problème ne date pas d’hier… Déjà Épicure s’interrogeait. Il avança alors 4 hypothèses :

  1. Dieu ne peut pas éviter le mal pourtant, il le voudrait. Il est alors impuissant : c’est impossible !
  2. Dieu ne peut pas et ne veut pas éviter le mal. Il est envieux et impuissant : c’est impossible !
  3. Dieu peut, mais il ne veut pas éviter le mal. Il est envieux, méchant. C’est impossible
  4. Dieu peut et il veut éviter le mal : c'est l'unique possibilité, mais alors d’où vient le mal ?

Et cette question, nombreux sont ceux qui se la posent, à l’image de Hume dans ses Dialogues et qui l’exprima dans un langage plus moderne. La question a pris encore de l’importance avec le tremblement de terre de Lisbonne au XVIIIe. Comment expliquer que Dieu permette de telles catastrophes ? C’est de cette expérience du mal que part C. S. Lewis. Il confesse, dans son introduction, que son refus de Dieu lorsqu’il était athée était principalement dû à cette souffrance, cette violence, qui, semble-t-il, a toujours caractérisé notre monde. Ce n’est que très humblement qu’il nous offre ce petit bijou : le problème de la souffrance, synthétisant ainsi la pensée d’un homme qui ayant beaucoup souffert, a compris à la manière d’un Job que celle-ci ne peut être dépassée en dehors de l’abandon entier à la divine providence.

Cet exposé n’entend pas donner une réponse au problème du mal, mais apporter quelques éléments de réponse grâce à une étude de quelques textes centraux de Saint Thomas d’Aquin sur ce sujet. Il sera articulé autour de 4 questions : dans un premier temps, nous nous intéresserons à ce qu’est le mal, dans un second temps au rapport entre la Divine Providence au mal, celui-ci nous poussera à nous demander si Dieu ne désirerait pas le mal et enfin après avoir bien compris que Dieu n’était nullement l’auteur du mal, nous nous interrogerons sur l’origine de celui-ci.

  1. Qu’est-ce que le mal ?

Ce sera la première des questions auxquelles il nous faudra répondre : définir ce qu’est le mal afin de mieux comprendre son rôle dans le dessein providentiel divin. Au premier abord, cela semble aisé : nous avons tous une idée de ce qu’est le mal. Pourtant, tout comme St Augustin exprimait sa facilité à concevoir ce qu’est le temps, mais aussi sa difficulté pour le définir, ce n’est que laborieusement que nous arrivons à en déterminer la nature.

Saint Thomas s’interrogeant sur celle-ci rappelle que dans une opposition un terme est connu par l’autre (ex : Ténèbres/Lumière). Il faut donc utiliser la notion de bien pour comprendre ce qu’est le mal. Le bien étant tout ce qui est désirable, et toutes choses aspirant à son être, à sa perfection, on en déduit que tout ce qui est créé est bon. Aucun être, aucune réalité ne peuvent être considérés comme étant ce mal. Ainsi, le mal serait l’absence de bien. (Voir Somme Théologique I, Q.48, a.1, réponse)

Le mal n’est donc pas une réalité, mais cela ne veut pas dire qu’il n’est pas réel. Il existe bel et bien. Notre expérience de tous les jours le confirme : je vais bien jusqu’à ce que je n’aille plus bien… Le mal n’est pas quelque chose, mais la privation d’un bien particulier (De malo Q.1, a.1, réponse).

Toute absence de bien est-elle un mal ? L’absence de bien peut être comprise comme négation ou comme privation. Comme négation, elle n’est pas un mal : ce qui n’existe pas n’est pas un mal ! (L’homme ne peut pas voler, cela ne veut pas dire qu’il est mauvais) En revanche, le mal est la privation d’un certain bien (comme la cécité est la privation de la vue). (Somme Théologique I Q.48, a.3, réponse)

Nous devons donc distinguer :

- l’enfant qui, après la naissance, ne voit pas : c’est une imperfection, mais plus tard, il verra.

- de l’enfant aveugle : c’est un mal, car il ne sera jamais en mesure rejoindre sa perfection (voir)

La bonté de l’être en acte ne fait pas de doute. Mais, l'être en puissance est également bon, car malgré ses imperfections, il est ordonné au bien. Ainsi, le sujet du mal c’est le bien ! (Somme Théologique I Q.48, a.3, réponse)

En effet, le péché (gr : amartias) est exprimé comme étant l’action de manquer sa cible. C’est un manque d’amour, un manque de respect, de justice… bref, le mal est, comme le disait déjà Saint Augustin, la privation d’un bien dû.

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