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Le Neveu De Rameau

Compte Rendu : Le Neveu De Rameau. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Janvier 2013  •  761 Mots (4 Pages)  •  1 483 Vues

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MOI. ― Mais j’ai peur que vous ne deveniez jamais riche.

LUI. ― Moi, j’en ai le soupçon.

MOI. ― Mais s’il en arrivait autrement, que feriez-vous ?

LUI. ― Je ferais comme tous les gueux revêtus ; je serais le plus insolent maroufle qu’on eût encore vu. C’est alors que je me rappellerais tout ce qu’ils m’ont fait souffrir ; et je leur rendrais bien les avanies qu’ils m’ont faites. J’aime à commander, et je commanderai. J’aime qu’on me loue et l’on me louera. J’aurai à mes gages toute la troupe villemorienne, et je leur dirai, comme on me l’a dit, " Allons, faquins, qu’on m’amuse ", et l’on m’amusera ; " qu’on me déchire les honnêtes gens ", et on les déchirera, si l’on en trouve encore ; et puis nous aurons des filles, nous nous tutoierons, quand nous serons ivres, nous nous enivrerons ; nous ferons des contes ; nous aurons toutes sortes de travers et de vices. Cela sera délicieux. Nous prouverons que de Voltaire est sans génie ; que Buffon toujours guindé sur des échasses, n’est qu’un déclamateur ampoulé ; que Montesquieu n’est qu’un bel esprit ; nous reléguerons d’Alembert dans ses mathématiques, nous en donnerons sur dos et ventre à tous ces petits Catons, comme vous, qui nous méprisent par envie ; dont la modestie est le manteau de l’orgueil, et dont la sobriété la loi du besoin. Et de la musique ? C’est alors que nous en ferons.

MOI. ― Au digne emploi que vous feriez de la richesse, je vois combien c’est grand dommage que vous soyez gueux. Vous vivriez là d’une manière bien honorable pour l’espèce humaine, bien utile à vos concitoyens ; bien glorieuse pour vous.

LUI. ― Mais je crois que vous vous moquez de moi ; monsieur le philosophe, vous ne savez pas à qui vous vous jouez ; vous ne vous doutez pas que dans ce moment je représente la partie la plus importante de la ville et de la cour. Nos opulents dans tous les états ou se sont dit à eux-mêmes ou ne sont pas dit les mêmes choses que je vous ai confiées ; mais le fait est que la vie que je mènerais à leur place est exactement la leur. Voilà où vous en êtes, vous autres. Vous croyez que le même bonheur est fait pour tous. Quelle étrange vision ! Le vôtre suppose un certain tour d’esprit romanesque que nous n’avons pas ; une âme singulière, un goût particulier. Vous décorez cette bizarrerie du nom de vertu ; vous l’appelez philosophie. Mais la vertu, la philosophie sont-elles faites pour tout le monde. En a qui peut. En conserve qui peut. Imaginez l’univers sage et philosophe ; convenez qu’il serait diablement triste. Tenez, vive la philosophie ; vive la sagesse de Salomon : Boire de bon vin, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies femmes ; se reposer dans des lits bien mollets. Excepté cela, le reste n’est que vanité.

MOI. ― Quoi, défendre sa patrie ?

LUI. ― Vanité. Il n’y a plus de patrie. Je ne vois d’un pôle à l’autre que des tyrans et des esclaves.

MOI. ― Servir ses amis ?

LUI. ― Vanité. Est-ce qu’on a des amis ? Quand on en aurait, faudrait-il en faire des ingrats ? Regardez-y

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