Commentaire Arrêt 22 Janvier 2014: responsabilité Du Fait Personnel
Dissertations Gratuits : Commentaire Arrêt 22 Janvier 2014: responsabilité Du Fait Personnel. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Phedre • 1 Mars 2015 • 1 982 Mots (8 Pages) • 4 902 Vues
Par un arrêt du 22 janvier 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur le contrôle de la liberté d’expression.
En l’espèce, le propriétaire d’un tableau confie la vente à un homme. Le vendeur demande à la titulaire de droit moral, la vérification de l’authenticité du tableau par la délivrance d’un certificat d’authenticité ainsi que l’inscription de ladite œuvre au patrimoine son auteur. Un expert a conclu à l’authenticité du tableau, mais la titulaire a refusé d’admettre la délivrance du certificat d’authenticité.
Aucune information n’est donnée quant aux décisions des juridictions de première instance. La Cour d’appel a condamné la titulaire qui du fait de ne pas avoir admis l’authenticité du tableau, alors même qu’une expertise judiciaire l’avait affirmé, portait préjudice au propriétaire du tableau qui voulait que l’œuvre figure dans le catalogue. La Cour a donc condamné la titulaire à verser des dommages-intérêts au propriétaire, à part si cette dernière rectifiait son « erreur » dans le mois suivant la décision.
La question se posant est donc de savoir si le fait que le tableau ne figure pas dans le catalogue est fautif de la part de la titulaire. Le fait pour le responsable d’un catalogue de ne pas publier tel ou tel article, ou dans le cas présent telle ou telle œuvre relève d’une liberté individuelle fondamentale, dans la mesure où le fait de ne pas publier l’information, ne porte pas atteinte à l’intérêt général. De façon plus générale, le dommage résultant de l’exercice d’une liberté fondamentale peut-il être réparé sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ?
Oui d’après la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond au motif qu’aucun texte spécial n’obligeait l’auteur du catalogue à y insérer l’œuvre. Avec cet arrêt, la Cour de cassation réinstaure une nouvelle tendance, puisque depuis les années 2000, cette même Cour, avait tendance à exclure l’article 1382 en la matière. En effet, dans cet arrêt la Cour se couvre du visa de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui précise qu’il faut que la loi mentionne le caractère abusif, pour qu’il y ait faute en l’espèce.
En vérité, depuis ces dernières années, il semblerait que la Cour de cassation soit de plus en plus stricte dans son appréciation de la caractérisation de la faute (I), qui dépendrait sur la possible application des articles de loi concernés (II).
I. Une Cour de cassation de plus en plus exigeante
La jurisprudence de la Cour de cassation, en ces années 2000, a évolué, pour peu à peu faire reculer le seuil de la faute (A). Le problème est particulier, notamment en matière de presse, ou en l’espèce, en matière de silence (B).
A. Une jurisprudence évolutive et limitative
Dans cet arrêt de 2012, la Cour de cassation affirme nettement sa volonté de surpasser ses précédentes jurisprudences. Le 12 juillet 2000, réunie en assemblée plénière, elle affirmait que les abus de liberté d’expression ne pouvaient être réparés sur le fondement de l’article 1382 du Code civil dès lors que ces abus résultaient de la loi du 29 juillet 1981. Par la suite, dans un arrêt du 27 septembre 2005, s’est posée la question de savoir si l’article 1382 suscité pouvait s’appliquer dès lors que les cas d’abus n’étaient pas encadrés par ladite loi. Mais la Cour, toujours dans un esprit de limitation de la mention de faute, répond par la négative en excluant totalement l’article 1382 du Code civil, en ce qui concerne la liberté d’expression. Mais plus récemment avec un article du 10 avril 2013 et avec cet article du 22 janvier 2014, il semble que la Cour veuille repréciser certains points d’application (ou de non-application) de l’article 1382 du Code civil en matière de liberté d’expression. En effet, en l’espèce, la Cour évolue dans sa façon d’énoncer la règle. Au lieu de se servir de la loi de 1981, la Cour utilise l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, afin de préciser qu’il n’y a abus de liberté d’expression que dans les cas prévus par la loi. Mais ce qui pose également problème ici – et qui pose souvent problème dans la matière juridique – c’est plus spécifiquement le silence ou ici, ce que la Cour d’appel a qualifié d’abstention fautive.
B. Un silence accordé ou une abstention fautive ?
La Cour de cassation surprend par cet arrêt en ce que contrairement à la Cour d’appel, elle nie la faute. En l’occurrence, les juges du fond avaient caractérisé nettement cette dernière de « légèreté blâmable », puisque l’authenticité de l’œuvre était avérée de par l’expertise de l’expert. Or, en l’espèce, dans un arrêt du 27 février 1951, un historien avait rédigé un article pour un journal dans lequel il s’était abstenu de mentionner le nom de l’inventeur. L’historien en question avait été condamné pour abstention fautive (tout comme les écrivains peuvent l’être s’il y a manquement à un devoir d’information objective). La Cour de cassation retenait donc bel et bien le silence comme cause de faute. Dans cet arrêt de 2014, affaire certes bien plus récente, le refus n’est pas fondé sur une opinion ou une conviction due au doute sur l'authenticité mais à un manquement à un devoir d'objectivité de l'information. Ainsi Jean Carbonnier, dans Le silence et la gloire, faisait état de ce rapport juridique au silence. En l’espèce, il distinguait le silence injure (le silence qui en ne faisant pas état d’un fait, est perçu comme une critique), du silence piège (le silence qui omet une information dans le but de restreindre l’information ou du moins, pas dans le but d’offenser une personne de façon directe). En l’occurrence, le fait de ne pas avoir voulu mentionner l’œuvre pourtant avérée authentique par un expert semble se rapprocher du silence-injure décrété par Jean Carbonnier dans « Le silence et la gloire », comme il en était fait état dans l’arrêt de 1951. Dès lors, pourquoi la solution de la Cour de cassation
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