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Commentaire d’arrêt – Cass, 1ère civ. 19 décembre 1995, n° 94-10.812

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Par   •  29 Janvier 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  1 919 Mots (8 Pages)  •  536 Vues

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4) Commentaire d’arrêt – Cass, 1ère civ. 19 décembre 1995, n° 94-10.812

Nullité, exception de nullité, délai de prescription, perpétuité … Comment s’y retrouver ? En se basant sur la règle Quae temporalia sunt ad agendum perpetuam sunt ad excipiendum, « L'action est temporaire, l'exception perpétuelle », l'arrêt rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, le 19 décembre 1995, permet de revenir sur ces termes juridiques.

En l’espèce, une personne, à titre privé, a contracté un prêt immobilier assorti d’une clause concernant des frais de gestion. Après plus de cinq ans, le créancier exige de son débiteur le paiement de ces frais de gestion ; ce dernier refuse. La société créancière assigne alors l’emprunteur en justice pour le contraindre à l’exécution de cette clause au contrat de prêt. De son côté, l’emprunteur invoque pour sa défense une exception de nullité.

La Cour d’appel d’Orléans, suivant l’argument de la société créancière, a considéré, le 26 octobre 1993, que le délai de prescription de la nullité était dépassé. Elle a donc enjoint en conséquence l’emprunteur à payer les frais de gestion. L’emprunteur se pourvoit alors en cassation, invoquant toujours une exception de nullité.

La Cour de cassation doit répondre à la question suivante : l’exception de nullité est-elle de nature à faire tomber la condition relative au délai de prescription concernant la nullité d’une clause au contrat ? Quelles conséquences découlent alors de cette exception de nullité ?

Dans son arrêt du 19 décembre 1995, les juges de la Cour de cassation cassent l’arrêt de la Cour d’appel sur le fondement de l’ancien article 1304 du Code civil qui dispose que, sauf loi particulière, un délai de prescription de cinq ans s’applique à la réception d’une demande d’action en nullité. Ils considèrent que la Cour d’appel a violé cet ancien article 1304 du Code civil, en ce qu’elle a confondu dans son analyse la nullité qui est assortie d’un délai de prescription et l’exception de nullité qui, quant à elle, est « perpétuelle ».

Ainsi, cet arrêt rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, permet de distinguer les délais de prescriptions s’appliquant à la nullité et à l’exception de nullité (I), puis d’envisager les conséquences de la recevabilité d’une exception de nullité (II).

 

  1. DELAIS DE PRESCRIPTION DE LA NULLITE ET DE L’EXCEPTION DE NULLITE

Le 19 décembre 1995, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans qui, pour statuer, a confondu les délais de prescription associés à l’action en nullité et à l’exception de nullité. Mais sur quelles bases se fondent le délai de prescription de la nullité (A) et le caractère perpétuel de l’exception de nullité (B) ?

  1. LE CARACTERE PRESCRIPTIBLE DE L’ACTION EN NULLITE

Un contrat ou une clause contractuelle est frappé de nullité lorsqu’il y a violation d’une loi qui protège un intérêt particulier ou l’intérêt général selon que la nullité invoquée sera relative ou absolue.

Dans le cas d’une demande d’action en nullité absolue, le délai de prescription est de trente ans, selon l’ancien article 2262 du Code civil. A contrario, l’ancien article 1304 du Code civil traitant de la nullité relative dispose alors que « dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ».

En l’espèce, le contrat de prêt immobilier est un contrat formé entre une société prêteuse et un particulier. Il s’agit donc d’une nullité relative, destinée à protéger seulement un intérêt particulier. C’est ce que retient la Cour d’appel puisqu’elle fait référence au délai de cinq ans de la prescription.

Par ailleurs, la nullité relative ne peut être invoquée que par la partie protégée par la loi violée, généralement l’emprunteur. Pour que la loi puisse être considérée violée, il est nécessaire que l’exécution du contrat ait commencé. Il est alors peu probable qu’une disposition illégale prévue au contrat en cours de réalisation ne soit pas détectée au cours des cinq premières années. Une remise en cause trop tardive serait contraire, précise Philippe Malaurie[1], « au principe du statu quo : Quieta non movere ».

Mais qu’advient-il si le contrat n’entre en réalisation qu’après la prescription de l’action en nullité ?

  1. LE CARACTERE PERPETUEL DE L’EXCEPTION DE NULLITE

Bien différentes sont les conditions de recevabilité d’une exception de nullité. Au contraire de l’action de recours en nullité, pour pouvoir invoquer une exception de nullité, il est nécessaire que l’action de recours en nullité ne soit plus possible, c’est-à-dire que le délai légal de prescription soit dépassé. Dans ce cas, il ne s’agit plus véritablement d’un délai de prescription mais d’un délai minimal préalable à la demande. Toutefois, cette demande demeure une exception et ne constitue pas le moyen ordinaire.

En effet, cette disposition ne vaut que pour les contrats qui n’ont pas commencé leur exécution depuis donc au moins cinq ans. C’est une situation peu courante, un contrat est généralement formé en vue de son exécution à court terme. Le caractère d’exception vient du fait qu’il est difficilement concevable que, de bonne foi, le contractant n’ait pas détecté le caractère illégal qu’il serait amené à contester seulement après le délai de cinq ans d’exécution.

Ainsi, l’exception de nullité ne peut être invoquée que pour un contrat qui, pendant au moins toute la durée de la prescription du recours possible en nullité, n’aurait pas commencé son exécution. Cette disposition, de nouveau, vise à protéger le contractant d’actions malveillantes de la part de son cocontractant. Il faudrait imaginer un contractant qui serait parvenu à faire signer à son cocontractant un contrat comportant une clause illégale, et qui attendrait la fin du délai de prescription pour en exiger la réalisation. Cette manœuvre, si elle était possible, ne permettrait pas de protéger l’intérêt privé du cocontractant.

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