L'intimité au temps de la production de soi
Dissertation : L'intimité au temps de la production de soi. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar etiennedeler • 18 Novembre 2021 • Dissertation • 2 242 Mots (9 Pages) • 421 Vues
L’intimité au temps de la production de soi.
« Le virus nous rappelle à notre humanité et à notre condition d'êtres profondément sociaux, inséparables les uns des autres » énonçait le philosophe français Edgard Morin sur Twitter le 14 mars 2020.
En effet en cette période de pandémie rythmée par les confinements, un retour sur soi était inévitable. Coupés de relations sociales, nous nous sommes retrouvés livrés à nous-mêmes et en même temps nous avons pris conscience que l’autre, les autres nous sont indispensables pour nous construire.
Ainsi, l’intimité, ce qui est intérieur et profond semble être un terme antinomique avec la production de soi, c’est à dire le fait de se construire comme un être singulier à travers nos sociétés collectives.
Dans nos sociétés contemporaines la transparence semble être devenue une maxime, le secret est de plus en plus condamné, les informations de masse, les réseaux sociaux, le transport aérien qui se démocratise, tout est plus simple et plus proche.
Dans ce sens, il convient de se demander quelle place occupe l’intimité au temps de la production de soi ?
L’intimité est-elle nécessaire à la construction de soi ? Le débat est ouvert. (I) Il semblerait que dans nos sociétés contemporaines, la construction de soi suppose l’exposition de l’intime sur la place publique. (II) Enfin, force est de constater que l’aporie de l’intime peut entraîner une destruction de soi. (III)
Tout individu au cours de sa vie ne cesse d’évoluer, de se construire. Un développement qui se fait de plusieurs manières. Pour Emmanuel Macron, le confinement allait permettre aux citoyens français de se retrouver, se redécouvrir. L’intimité est-elle nécessaire à la construction de soi ? Le débat est ouvert.
La construction de soi au mépris de l’intime ? Pour grand nombre de penseurs c’est en s’ouvrant au monde que l’on change, se transforme.
Il semblerait que l’individu se fait dans le monde extérieur, c’est en se révélant aux autres qu’il se construit. Selon le philosophe existentialiste Jean-Paul Sartre, l’intimité n’est que mascarade dans le processus de construction de soi. Dans son livre Situation I, il énonce « ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons … choses parmi les choses, hommes parmi les hommes».
Parler, voyager, rencontrer, c’est ainsi que l’on se construit. Le révolutionnaire Ernesto Guevara à la fin de ses études de médecine a fait un tour d’Amérique du Sud et s’est rendu compte de la misère sociale c’est ainsi qu’il a décidé de devenir un « sauveur » du peuple (cf : diario de motocicleta).
L’anthropologue Jean-Pierre Vernant dans son ouvrage L’individu, la mort et l’amour explique que dans l’Antiquité grecque, l’individu se cherche et se trouve dans autrui. Ce n’est que plus tard dans l’histoire que l’Homme sera constitué avec ses pensées intimes.
En effet la construction de soi peut se faire en s’ouvrant aux autres, cependant, l’intime peut aussi jouer un rôle primordial pour son développement personnel.
Se construire dans un monde où nous jouons un rôle ou un personnage semble compliqué. Le dramaturge Olivier Py dans sa pièce Les Illusions Comiques montre à quel point nous ne sommes pas nous même sur la scène publique. Pour lui Monsieur Fau n’est pas un personnage, « il joue un personnage ». Se construire lorsque nous ne sommes pas nous même semble difficile.
En effet, selon Bergson dans Les données immédiates de la conscience, notre vécu intérieur n’a rien à voir avec notre moi superficiel modelé par les conventions sociales. Nous sommes construits par la société et ne sommes pas libres de nous développer comme bon nous semble. Ainsi il nous est nécessaire de retourner dans notre intimité pour nous construire.
Pour Foucault l’individu a des secrets enfouis qui constituent son identité. Un moi profond très différent du moi social.
L’exposition du moi privé dans le moi social pose problème. On constate une forte opposition entre le monde anglo-saxon et français.
Historiquement au États-Unis, l’intimité de l’individu et la morale privée sont déterminantes en matière de comportement public. Lorsque que l’on a appris que Clinton avait eu des relations sexuelles dans le Bureau Ovale de la Maison Blanche avec Monica Lewinsky, un scandale a explosé.
Tandis qu’en France, la révélation de Paris Match en 1994 quant à l’existence de la fille de Mitterrand, Mazzarine Pingeot, n’a pas fait scandale. Il y a, du moins il y avait une division profonde entre les vertus publiques des hommes d’États et leur vie intime.
Cependant, depuis quelques temps le monde semble s’américaniser… C’est l’analyse de l’intellectuel Régis Debray dans son récent ouvrage Civilisation. En ce sens, nous devenons tous américains, nous ne sommes plus en licence mais en bachelor, nous mangeons dans des fast-foods, l’obésité fait des ravages dans les classes populaires françaises tandis que les classes supérieures hexagonales soignent leur ligne à l’image de leurs homologues californiens … Depuis quelques années, on observe ainsi que l’intimité de l’homme politique devient de plus en plus importante quant à sa capacité à gouverner.
Nous sommes aujourd’hui dans des sociétés qui prônent la transparence en même temps on constate une importante libération de la parole. En effet l’exposition de l’intime sur la place publique permet de se construire à l’image de l’ouvrage Je ne serai pas arrivée là si… de Annick Cojean.
De nos jours, les différences sont de plus en plus acceptées. Se dévoiler, se livrer sur la place publique est une action de plus en plus courante, elle semble même nécessaire.
Les mouvements LGBT, le fait de se présenter comme gay, transgenre, exposer son intimité sur la place publique permet de se construire. Il faut se dire, s’assumer pour se construire.
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