Aide-soignante / Approche psychosociale et psychopathologique du corps, de la santé et des souffrances somatiques
Dissertation : Aide-soignante / Approche psychosociale et psychopathologique du corps, de la santé et des souffrances somatiques. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Fabz Ouarti • 3 Juillet 2022 • Dissertation • 3 876 Mots (16 Pages) • 499 Vues
Soignant pendant la pandémie de covid-19
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Licence 3 - Année Universitaire 2019/2020
PPS 7 :
Approche psychosociale et psychopathologique du corps, de la santé et des souffrances somatiques
Introduction
J’ai été aide-soignante jusqu’en 2019. J’ai alors mis un terme définitif à cette carrière car je n’arrivais plus à gérer correctement les trois sphères de ma vie : la reprise d’étude, la vie familiale et la vie professionnelle. La reprise d’étude a été une nécessité face à la réalité de terrain, un bilan de compétence m’a permis de faire le point et d’opter pour un parcours long : la psychologie.
Aujourd’hui, avec la pandémie de COVID-19, l’occasion de refaire un point sur mes choix se présente. Cette introspection m’a permis de voir le chemin parcouru sur ces trois années de licence. Dans ce mémoire, je me suis concentrée sur mon expérience du confinement instauré en France depuis le 16 mars et sur le rôle du personnel soignant dans la pandémie de COVID-19. En effet, le personnel soignant semble avoir acquis un rôle différent auprès du public, aussi bien dans les hôpitaux que dans les Ehpad, pour moi, cette pandémie a réveillé une certaine culpabilité à ne pas reprendre le poste d’aide-soignante (AS) et ne pas aider mes anciennes collègues dans cette crise difficile. Elle m’a également permis de me questionner sur la représentation du soignant, sur mon choix de devenir psychologue et ce que j’attends de cette nouvelle profession.
Situation des soignants avec la crise du COVID19
Manque de personnel et appel à l'aide
Lors des deux premières semaines de confinement, la question de retourner travailler en tant qu’AS m’a fortement interpellé. Déjà lors de la période des vacances de février, le spectre d’une pandémie aux portes de la France s’est fait sentir. Le rôle des médias relayant en continue l’évolution de la crise, n’a fait qu’accentuer l’envie de répondre aux appels des maisons d’intérim afin de pallier les manques de personnel. Mes collègues étaient nombreuses à me solliciter, ainsi que mes amies : « comment en tant qu’aide-soignante tu peux ne pas reprendre du service ? Et si la situation s’aggrave ? ». Le doute s’est installé, en effet, comment ne pas aider dans ce temps de crise ? Les appels des hôpitaux relayés par les médias, l’appel des cadres de santé des EHPAD où je travaillais jusqu’à récemment ne cessait d’affluer. La problématique mainte fois rencontrée est aujourd’hui sous le feu des projecteurs :il n’y pas suffisamment de personnels qualifiés. Pour avoir vécu ce manque de personnel, je sais ce que cela engendre : une cadence difficile, une absence de temps pour se ressourcer, le risque d’oublier la personne et ne la considérer plus que comme un corps à s’occuper, s’excuser pour le peu de temps accordé. Travailler ainsi sur du court terme ou sur de courte période est déjà difficile, mais quel serait les conséquences sur le long terme, et en cas de pandémie dans l’établissement, comment gérer le flot de mort quotidien ? Côtoyer la mort est inhérent à la fonction de soignant. En EHPAD, elle n’est ni quotidienne, ni hebdomadaire et malgré la distance que l’on se doit d’instaurer, un lien se tisse avec la personne âgée qui n’est pas forcément malade et peut vivre en EHPAD plusieurs années. Ainsi voir le nombre de mort dans les EHPADs où la contamination a franchi les portes, atteignant les résidents, ajoute à ma culpabilité, la peur aussi. La peur de ne pas pouvoir supporter l’ambiance, les rythmes de travail et de décès, de tomber malade, de contaminer les résidents et mes proches.
Choix d'une reconversion et culpabilité face à la crise
La culpabilité s’est accentuée avec la reprise de mes activités universitaires. Le fait de devoir étudier a supprimé un surplus de temps, mais au lieu de me rassurer, je me suis senti encore plus coupable de na pas avoir pris le parti de retourné travailler avant. Je me suis alors questionnée sur le fait de pas accomplir ce devoir d’entraide citoyen. Il a fallu trouver une stratégie : la première a été de limiter les sources d’informations en supprimant l’accès à la télévision et en ne consultant que deux quotidiens sur internet, la seconde a été de faire le point sur mon choix de reconversion.
J’ai choisi la réorientation professionnelle par épuisement et colère, je ne voulais plus entendre parler de soin. La psychologue de l’orientation, lors d’un bilan de compétence, m’a proposé de poursuivre une carrière en reprenant le cursus au sein d’un IFSI[1]. Mais j’étais alors en pleine désillusion : sur les soignants, sur leur capacité à être humain. Selon Borteyrou et Paillard (2014), l’épuisement émotionnel, c’est-à-dire « l’incapacité pour l’individu de répondre aux exigences de son travail, dues à l’épuisement des ressources émotionnelles, et par un sentiment de fatigues chronique » peut conduire au burn-out et parfois à la maltraitance. Festinger, avec la théorie de la dissonance cognitive explique que lorsque nos comportements sont contraires à nos attitudes, il en résulte un état de dissonance cognitive qui telle la faim ou la soif doit être régulée. Afin de réduire cette dissonance, l’individu va changer son attitude afin de la faire correspondre avec ses comportements. J’ai senti que je glissais et refusais alors de tomber dans la négligence ou la maltraitance, c’est ainsi que j’ai abandonné le travail d’AS. J’ai repris le chemin de l’EHPAD à la fin de la première année de licence avec beaucoup d’appréhension mais par nécessité financière. Puis le plaisir de se sentir utile, les encouragements des résidents, de mes collègues de travail ont fait disparaître la peur. Le fait de ne plus travailler à temps plein, de choisir les lieux d’exercices m’ont permis de redevenir la soignante que j’avais idéalisé. Ce qui m’a conduite à reprendre un service à temps complet très rapidement. J’ai définitivement mis un terme à la profession d’aide-soignante au semestre 4 de la licence non plus parce que je ressentais de l’aversion pour cette profession mais parce que je n’arrivais plus à satisfaire les besoins de la formation et celle de la vie de famille.
Avec la pandémie de COVID-19, quelles seraient les conditions d’exercice ? Manque de personnel, fatigue physique et psychique, peur de rentrer avec la maladie chez soi, la peur de ne plus trouver la force et le temps d’étudier, avec quelle conséquence sur ce semestre particulier, enfin la peur de la réaction des enfants. Ma décision de ne pas y retourner a ainsi été prise.
Représentation du soignant
La représentation des soignants avant et pendant la crise
Lorsque j’ai commencé le parcours d’infirmière, j’avais énormément d’idéaux sur ma future pratique. Je voulais un métier utile, qui donne un sens à ma fonction. Après cinq ans d’informatique, j’avais besoin d’aider, de soigner. Lors de la première année en IFSI, les stages ont conforté mon choix, même si j’ai pris conscience de l’existence de certaines difficultés. Psychiatrie, long séjour, chirurgie, santé publique, médecine générale, autant de secteur parcouru en une année, autant de pratiques, de populations, de missions différentes et spécifique à chaque stage. J’y ai cependant développé une vision positive de l’aide-soignante à l’hôpital, elle surveille les constantes, effectue les soins de nursing, la réfection des lits, et elle a le temps de dialoguer avec les patients lors des soins ce qui lui confère un statut particulier, plutôt sympathique. Le premier poste d’aide-soignante a été en service de soins de suite, ce qui a conforté mon choix de profession. Le second, a été au sein d’un EHPAD, ce poste a été violent : maltraitance par négligence, rythme plus que soutenu, entraide entre AS inexistante. Le problème de la maltraitance des patients a émergé autour des années 2000, c’est pour cette raison que les différentes chartes du patient ont vu le jour, cet état de fait m’étais pourtant inconnu. L’opinion s’est cristallisée sur le comportement de maltraitance physique de certaines soignantes. Le manque de moyen ou de personnel décrié par les professionnels, le monopole de la gestion comptable au sein des institution est passé sous silence. La profession d’AS à mes débuts gratifiant, avec un accueil bienveillant, est devenu de plus en plus difficile : le regard sur la profession a changé, devenant stigmatisant, le regard des autres est difficile car suspicieux lorsque l’on dit que l’on travail en maison de retraite. Dans les hôpitaux le constat ne semble pas mieux : la violence envers les soignants ne relève-t-il pas d’une représentation négative de la maladie, de l’hôpital et par extension du soignant ou, comme le souligne Perrot (2015) d’une incapacité du soignant à agir de manière adaptée aux violences auxquelles il est confronté.
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