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Problème de définition des concepts

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Par   •  10 Novembre 2014  •  Commentaire de texte  •  6 579 Mots (27 Pages)  •  863 Vues

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e problème de la définition des concepts occupe une place importante en science politique ou politologie. F. Bertier constate que « dans les sciences, on s'attache de plus en plus à la précision, et qu'on en arrive même à remplacer, en logique formelle, les mots, trop vagues, par des symboles mieux définis ; dans le langage politique, au contraire, continue de régner la plus néfaste confusion ». A. L. Kroeber et Clyde Kluckhohn ont pu réunir plusieurs centaines de définitions divergentes de la culture ; une entreprise analogue concernant l'idéologie donnerait sans doute le même résultat. De plus, le concept d'idéologie, infiniment plus politisé que celui de culture, est guetté par le dogmatisme ; on présente souvent une définition ni plus ni moins relative qu'une autre mais sacralisée par l'aval d'une autorité, ce qui permet de taxer ensuite d'ignorance ou de confusion les tenants des définitions déviantes. Aussi la meilleure – sinon l'unique – façon d'accéder à un début d'objectivité est-elle de rassembler les définitions divergentes pour en dégager un « type idéal », conçu en fonction de sa seule valeur instrumentale. À l'exigence chimérique d'une objectivité absolue, on oppose ainsi une subjectivité acceptée et « fonctionnalisée ».

Un moment arrive, certes, où les résultats d'un grand nombre de recherches confirmées aboutissent à des définitions acceptées par tout le monde. Ce stade est atteint en sciences naturelles et dans le secteur quantifié des sciences humaines, mais la politologie en est encore bien loin ; existe-t-il seulement une définition unanimement admise de concepts aussi importants que ceux de « fascisme », de « gauche » ou de « droite » ? Ignorer ce fait, c'est se donner une dangereuse illusion de « scientificité ». Dès lors, on s'étonnera moins de la place consacrée ici à la recherche d'une définition ; pour une étude de sociologie politique, cette recherche n'est pas à proprement parler le préalable du travail scientifique mais une dimension de ce dernier.

+ sur internetDistinctions fondamentales

+ sur internetConcept neutre et concept péjoratif

Il importe de prime abord de constater une ambiguïté foncière : le terme « idéologie » est utilisé dans un sens tantôt neutre, pour ne pas dire laudatif, tantôt critique (péjoratif). Raymond Aron signale une « oscillation, dans l'usage courant, entre l'acception péjorative, critique ou polémique – l'idéologie est l'idée fausse, la justification d'intérêts, de passions – et l'acception neutre, la mise en forme plus ou moins rigoureuse d'une attitude à l'égard de la réalité sociale ou politique, l'interprétation plus ou moins systématique de ce qui est et de ce qui est souhaitable. À la limite, n'importe quel discours philosophique est baptisé idéologie. À ce moment, l'idéologie devient un terme laudatif et non plus péjoratif » (Aron, Trois Essais sur l'âge industriel). Le marxisme orthodoxe eut peu à peu tendance à revenir à l'acception neutre (H. Chambre, voir aussi infra la définition d'Althusser), ce qui était symptomatique à la fois de son éloignement des conceptions personnelles de Marx et des progrès du processus d'idéologisation du marxisme à la faveur de ses succès politiques.

+ sur internetIdéologie et superstructure

Une seconde distinction, importante quant à ses incidences épistémologiques, est celle entre superstructure et idéologie. Elle peut être rattachée à celle qu'envisagent certains auteurs anglo-saxons entre origine et détermination sociale de la pensée : le concept d'origine désigne une simple relation de causalité sociale, alors que le terme de détermination exprimerait plutôt l'appartenance à une structure partielle « de combat » que l'on peut soupçonner de « distorsion ». D'après cette définition, les superstructures sont donc d'origine sociale ; quant aux idéologies, elles sont déterminées par l'appartenance à une sous-totalité : classe, génération, entité ethnique, ou sous-culture. (La fameuse « loi du milieu » offre, du point de vue sociologique, un assez bon exemple de l'idéologie, définie comme la codification des intérêts particuliers d'une totalité partielle « de combat ».)

+ sur internetLa typologie de Karl Mannheim

On peut enfin – simplifiant quelque peu la typologie de Karl Mannheim – distinguer le concept partiel et particulier (polémique) de l'idéologie, de son concept total et général (structurel). Le premier assume consciemment l'égocentrisme normal de la vie politique : l'idéologie, c'est la pensée politique de l'autre. De plus, il reste au niveau psychologique et incrimine soit la mystification volontaire soit l'erreur due à la « situation de classe ». Pour le concept total (structurel), l'idéologisation est un processus général auquel pratiquement toutes les formes de pensée engagée payent tribut, ce qui explique que pour Mannheim la strate porteuse de conscience authentique n'est pas le prolétariat engagé dans une action historique, mais l'intelligentsia sans attaches (Gabel, Idéologies, 1974). La catégorie centrale de ce concept total et général n'est donc plus la mystification volontaire, ou l'erreur, mais la transformation de l'appareil catégoriel de la pensée en fonction d'une perspective particulière. C'est en somme la relativité d'Einstein appliquée au domaine de la pensée politique.

Dans l'œuvre touffue et souvent critiquée de Karl Mannheim, cette typologie est sans doute durablement valable. Elle permet en effet de décanter le résidu sociocentrique qui imprègne le marxisme et qui risque de stériliser sa critique idéologique ; taxer de mystification délibérée l'idéologie adverse, c'est fermer la porte à l'analyse sociologique. De plus, elle permet de lier le problème de l'idéologie à celui de la fausse conscience (Marx et Engels, Études philosophiques). R. Aron souligne de son côté que, pour la critique marxiste, le thème de l'aliénation et celui de la fausse conscience sont des « thèmes joints ». (D'une Sainte famille à l'autre. Essai sur les marxismes imaginaires.)

+ sur internetIdéologie et fausse conscience

On ne saurait pour autant souscrire à l'opinion simplificatrice de Paul Kahn, qui prétend

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