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Peut-on étendre l’autarcie morale à la dimension de la cité ?

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Par   •  1 Mai 2013  •  1 733 Mots (7 Pages)  •  1 066 Vues

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Etre juste c’est mettre le centre de sa vie dans la loi morale. Cette centration se constitue à partir de la déception à l’égard des promesses de la vie empirique : plaisirs sensibles, puissance, richesse, gloire. Toutes ces satisfactions, certes bien réelles, dépendent en grande partie des circonstances et restent donc à ce titre précaires. Une seule chose dépend de soi, l’accord raisonnable avec soi-même, à partir de quoi l’individu conquiert un bonheur imperdable. Socrate meurt en accord avec lui-même dans le désaccord avec la doxa de son temps. Les stoïciens définissent le bonheur par le critère unique de l’accord intérieur. Ils ont compris l’essentiel. Rien n’est plus simple, rien n’est plus commun. Lorsqu’il apprend qu’un innocent doit être condamné à sa place, Jean Valjean devenu monsieur Madeleine, préfère après une longue nuit tourmentée se livrer à la justice plutôt que de vivre confortablement (Les Misérables, première partie, livre 7)!

Peut-on étendre l’autarcie morale à la dimension de la cité ? C’est le problème politique. L’expérience courante montre que l’individu ne veut pas nécessairement la loi, c’est pourquoi il faut des lois (externes). La cité doit allier le juste commun avec l’utile particulier à travers la différenciation des tâches. Platon élabore le schéma d’une cité rationnelle où la classe productive est subordonnée à la classe publique des gardiens, elle même dirigée par la classe savante. La justice tient dans le fait que chacun est à sa place en fonction de ses capacités, que chaque groupe social remplit sa fonction pour le maintien du tout. La loi constitue l’universel présent pour celui qui ne peut s’élever à l’universel. La cité organique ainsi dessinée a sa propre suffisance.

Cette suffisance objective s’accompagne toutefois de la conscience aiguë de la difficulté de la réalisation du juste. Au sein de l’école stoïcienne, peu d’adeptes ont employé le nom de sage à la première personne. Quant à la cité juste, Platon est fort pessimiste sur son accomplissement. Il voit plutôt des cités dégénérées, où le principe de l’intérêt particulier tend à prévaloir sur le principe de l’intérêt général (cf. les livres VIII et IX de la République). L’intérêt particulier tire l’individu et les groupes sociaux vers leur égoïsme au préjudice de la réciprocité et de la justice proportionnelle. C’est pourquoi la justice n’a jamais fini d’être réalisée. La forme la plus haute de l’éducation est le dialogue, grâce auquel chacun peut reconnaître l’humain en l’autre. Or, les échecs du dialogue attestent du fait que le trouble de l’immédiat n’est jamais maîtrisé. On voit donc que, si le juste est une vertu complète, c’est aussi une vertu exigeante et incommode.

On peut cependant mettre en question la suffisance de la vertu de justice en réfléchissant sur le formalisme de la loi et les contradictions de l’action.

Première limite: l’insuffisance à l’égard du sentiment.

Suffit-il d’être juste pour être heureux? La réponse à la question dépend de l’anthropologie à laquelle on se réfère. Si l’on pose, comme les philosophes grecs, que l’homme est essentiellement raison et secondairement sentiment (animalité), alors on doit conclure que la justice est vertu complète, qu’il suffit d’être juste. Socrate meurt sereinement ! En revanche, si l’on se réfère à l’anthropologie initiée par la foi biblique, il faut alors admettre que le sentiment n’est pas un accident de la nature humaine. Au sein du sentiment il y a le désir de reconnaissance de soi-même dans sa singularité auquel le Dieu de La Bible est le premier à donner droit. L’individu ne peut clore son existence dans la médiation assurée du rapport à soi et des rapports aux autres, il est ouverture de soi à l’autre dans le risque absolu du sans réponse et du sans retour. Cf. te Christ sur la croix : “Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?“ (Evangile selon saint Matthieu, ch.27). Bref, au dessus de La Loi, Il y a l’amour, l’abandon volontaire de la personnalité abstraite avec te sentiment de se retrouver et de se compléter dans et par L’autre. Au fond de l’existence se découvre une dialectique qui n’est pas celle de la médiation (par la discussion et par Les lois), mais celle de l‘appel et de l’attente de l’autre qui répond librement, gracieusement. On comprend que Pascal puisse reprocher aux stoïciens Leur superbe ! Dans L’Entretien avec M. de Saci, il montre la force et les Limites du stoïcisme. Epictète a bien compris la grandeur de L’homme, qui vient de sa liberté, mais il n’a pas compris sa faiblesse, c’est pourquoi ‘’connaissant Le devoir de l’homme et ignorant son impuissance, il se perd dans La présomption’’. Seule la foi nous éclaire sur l’union paradoxale de La grandeur et de La faiblesse propre à l’homme.

Les chrétiens ajoutent à La “vertu cardinale” de ta justice la “vertu théologale” de La charité. IL ne suffit pas de respecter l’autre dans tout ce qui concerne les échanges et les partages, mais il convient d’aider l’autre à la mesure de sa faiblesse et de sa singularité. Evoquons ici une scène célèbre au début des Misérables. Myriel héberge Jean Valjean. Ce dernier fuit au milieu de La nuit en lui volant ses couverts en argent, qui sont sa seule richesse. Lorsque Jean Valjean revient

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