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Marquage du comportement et des caractéristiques de l'adolescence

Analyse sectorielle : Marquage du comportement et des caractéristiques de l'adolescence. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  15 Février 2015  •  Analyse sectorielle  •  6 157 Mots (25 Pages)  •  624 Vues

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1Nous avons, dans le cadre d’une recherche universitaire1, entrepris de nous intéresser à différentes pratiques de marquage en vogue chez les adolescents, pratiques qui interrogent, des politiques aux institutions qui s’occupent des jeunes. Nous avons observé de multiples usages, mais c’est surtout l’utilisation diversifiée des supports qui nous a interpellée. En effet, si certains jeunes utilisent leur corps propre pour y laisser une trace, des scarifications aux tatouages, piercings ou brandings, d’autres préfèrent recourir au marquage du mobilier urbain, avec le tag et le graf qui envahissent aussi les murs des villes. Ce mur devient une véritable « peau symbolique », « métaphore de la peau humaine », comme le souligne Lani-Bayle2. La rue peut en effet être considérée elle-même comme une métaphore de l’espace psychique où les adolescents projettent leurs fantasmes, leurs rêves et leurs conflits intérieurs3.

2Nous avons donc souhaité, en allant au-delà du tabou et de l’interdit qui entourent ces pratiques, comprendre quels peuvent être les enjeux psychiques de ces marquages du mur. Quels peuvent en être les bénéfices pour ces adolescents ? Devant un tel engouement, ne peut-on voir là un moyen, un outil, une médiation créée, autorisant en quelque sorte l’adolescent à communiquer, étrangement peut-être, mais à entrer en relation malgré tout ? Bien qu’il s’agisse de phénomènes sociaux, notre recherche tenait en effet à s’inscrire dans une approche relevant de la psychologie, articulant l’axe de la psychologie sociale, qui aide à comprendre les phénomènes groupaux, à un axe clinique qui permet une approche du sujet dans son individualité. Nous partions en effet de l’hypothèse que coïncident des pratiques sociales (comme les comportements de marquage, objets de notre étude) et des spécificités de l’adolescence, en tant qu’elle entraîne une réorganisation et une maturation des équilibres passés, sur le plan corporel et psychique : toutes les identités et continuités de l’enfance sont remises en question et l’adolescent intègre les vicissitudes de la libido avec les exigences du social pour se créer une identité. Cette hypothèse ne signifie pas pour autant que cette correspondance inclut à nos yeux un rapport de causalité linéaire. L’optique de notre étude nous invitait à passer outre la désapprobation sociale qui entoure ces pratiques, en tentant de discerner et de mettre en lumière les significations propres qu’y trouvent les jeunes. Nous sommes donc partie de l’idée que ces marques ne seraient pas fortuites mais soutiendraient une cohérence et un sens non négligeables pour le sujet, et avons ainsi abordé le tag et le graf sous ce même angle, en nous attachant à examiner le lien potentiel entre ces pratiques et les conflits internes témoignant de la construction adolescente.

3Pour notre travail de recherche, nous avons rencontré des adolescents dans leurs établissements scolaires (collèges et lycées). Ainsi, nous avons pu recueillir les réponses d’environ 1200 élèves du secondaire4, lors d’une première enquête concernant les marquages du mur5. En plus de ce recueil quantitatif, nous avons mené des entretiens avec 14 élèves de la seconde à la terminale, majoritairement des garçons, qui ont accepté de s’exprimer sur leur pratique de tag et/ou de graf. Ces entretiens cliniques les amenaient à développer l’origine de leurs pratiques, les significations qu’ils y associaient, à s’exprimer sur le vécu de leur adolescence, leur rapport au groupe et à l’environnement familial. Par la suite, nous avons pu confirmer nos résultats par le biais d’une autre recherche6, pour laquelle nous avons fait passer des questionnaires à plus de 700 élèves, toujours du secondaire. Ces questionnaires étaient davantage détaillés7 et permettaient d’avoir des éléments précis sur les rapports des adolescents à leur ville et aux murs.

4Dans ces deux travaux, nous faisions l’hypothèse que ces marques murales venaient « signer » la problématique adolescente, posant concrètement dans l’espace des signes du développement des adolescents, et parfois de leur mal-être. La première recherche a permis de mettre en évidence une ressemblance dans l’utilisation des marquages corporels (tatouage, piercing) chez les filles, et du marquage du mur chez les garçons. En effet, le marquage du corps et le marquage du mur ont une finalité identique pour les jeunes, à lier à la problématique adolescente : notamment des intérêts communs quant à la construction identitaire, sexuée et à la définition d’un rôle et d’une place dans la société. Pour ces mêmes raisons, les filles vont avoir recours à leur corps, alors que les garçons poseront leurs marques sur des supports externes tels les murs. Par la suite, nous avons voulu interroger plus précisément les enjeux et les apports du tag et du graf, en nous référant à une clinique psychanalytique. C’est donc à partir de notre écoute de psychologue clinicien que nous avons élaboré notre réflexion et pensé nos rencontres avec ces jeunes adolescents.

5Dans cet article, nous préciserons rapidement ce que l’on entend par tag et graf et présenterons qui sont les adolescents tagueurs, en nous appuyant sur quelques données statistiques significatives tirées de notre recherche. Ensuite, seront évoqués les caractéristiques et enjeux du tag chez l’adolescent, ce qui nous permettra dans un dernier temps de montrer comment un psychologue, dans une perspective clinique, peut s’emparer du tag, ou plutôt du discours porté sur le tag, associant ainsi du signe, du langage et du sens à la trace, la marque.

Graf et tag

6La plupart du temps, tag et graf s’exercent conjointement.

7Le tag est une production brève, en traits simples et d’une seule couleur, réalisant une signature ou un paraphe (pseudonyme d’un individu ou d’un groupe) résultant souvent de jeux sur le langage (« Osé ») ou l’orthographe (« Koma »), faisant parfois référence à des personnages de bandes dessinées, de dessins animés, de films (« Dock », « Bart ») ; ce peut être aussi tout simplement des initiales (« CV »). Ce « hiéroglyphe moderne urbain8 » est reproduit à l’identique le plus grand nombre de fois possible sur tous les supports du mobilier urbain. Toutefois, pour beaucoup, comme pour Louis et Prinaz9, le tag demeure un « gribouillis du graffiti d’art ». Ces signatures, en effet, même si elles paraissent « d’enfer » aux yeux des initiés, restent illisibles aux yeux des profanes. Le

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