La Jalousie, La Paranoïa Et L'homosexualité
Documents Gratuits : La Jalousie, La Paranoïa Et L'homosexualité. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar firooo • 4 Décembre 2012 • 3 933 Mots (16 Pages) • 1 759 Vues
(391)A.– La jalousie ressortit à ces états affectifs que l’on peut classer, comme on le fait pour la tristesse, comme états normaux. Quand elle paraît manquer dans le caractère et la conduite d’un homme, on est justifié à conclure qu’elle a succombé à un fort refoulement, et en joue dans la vie inconsciente un rôle d’autant plus grand. Les cas de jalousie anormalement renforcée, auxquels l’analyse a affaire, se montrent triplement stratifiés. Ces trois assises ou degrés de la jalousie méritent les dénominations de :
1.– jalousie de concurrence, ou jalousie normale ;
2.– jalousie de projection ;
3.– jalousie délirante.
Sur la jalousie normale, il y a peu à dire du point de vue de l’analyse. Il est facile de voir qu’essentiellement elle se compose de la tristesse ou douleur de croire perdu l’objet aimé, et de la blessure narcissique, pour autant que celle-ci se laisse isoler de la précédente ; elle s’étend encore aux sentiments d’hostilité contre le rival préféré, et, dans une mesure plus ou moins grande, à l’auto-critique qui veut imputer au propre moi du sujet la responsabilité de la perte amoureuse. Cette jalousie, pour normale que nous la dénommions, n’est pour cela nullement rationnelle, je veux dire issue de situations actuelles, commandée par le moi conscient en fonction de relations réelles et uniquement par lui. Elle prend, en effet, sa racine profonde dans l’inconscient, prolonge les toutes primes tendances de l’affectivité infantile, et remonte au complexe d’Œdipe (392)et au complexe fraternel, qui sont de la première période sexuelle. Il reste très digne de remarque qu’elle soit vécue par maintes personnes sous un mode bisexuel, je veux dire chez l’homme, qu’à part la douleur au sujet de la femme aimée et la haine contre le rival masculin, une tristesse aussi, qui tient à un amour inconscient pour l’homme, et une haine contre la femme, vue comme rivale, agissent en lui pour renforcer le sentiment. Je sais un homme qui souffrait très fort de ses accès de jalousie, et qui, selon son dire, traversait ses tourments les plus durs dans une substitution imaginative consciente à la femme infidèle. La sensation qu’il éprouvait alors d’être privé de tout recours, les images qu’il trouvait pour son état, se dépeignant comme livré, tel Prométhée, à la voracité du vautour, ou jeté enchaîné dans un nid de serpents, lui-même les rapportait à l’impression laissée par plusieurs agressions homosexuelles, qu’il avait subies, tout jeune garçon.
La jalousie du second degré, jalousie de projection, provient, chez l’homme comme chez la femme, de l’infidélité propre du sujet, réalisée dans la vie, ou bien d’impulsions à l’infidélité qui sont tombées dans le refoulement. C’est un fait d’expérience quotidienne, que la fidélité, surtout celle qu’on exige dans le mariage, ne se maintienne qu’au prix d’une lutte contre de constantes tentations. Celui-là même qui en soi les nie, ressent pourtant leur pression avec une telle force, qu’il sera enclin à adopter un mécanisme inconscient pour se soulager. Il atteindra ce soulagement, j’entends l’absolution de sa conscience, en projetant ses propres impulsions à l’infidélité sur la partie opposée, à qui il doit fidélité. Ce motif puissant peut alors se servir des données immédiates de l’observation qui trahissent les tendances inconscientes de même sorte de l’autre partie, et trouverait encore à se justifier par la réflexion que le ou la partenaire, selon toute vraisemblance, ne vaut pas beaucoup plus que l’on ne vaut soi-même
Les usages sociaux ont mis ordre à ce commun état de choses avec beaucoup de sagesse, en laissant un certain champ au goût de plaire de la femme mariée et au mal de conquête du mari. Par cette licence, on tend à drainer l’irrépressible tendance à l’infidélité et à la rendre inoffensive. La convention établit que les deux parties (393)n’ont pas mutuellement à se tenir compte de ces menus entrechats sur le versant de l’infidélité, et il arrive le plus souvent que le désir qui s’enflamma à un objet étranger s’assouvisse, dans un retour au bercail de la fidélité, près de l’objet qui est le sien. Mais le jaloux ne veut pas reconnaître cette tolérance conventionnelle, il ne croît pas qu’il y ait d’arrêt ni de retour dans cette voie une fois prise. Ni que ce jeu de société, qu’est le « flirt » même, puisse être une assurance contre la réalisation de l’infidélité. Dans le traitement d’un tel jaloux on doit se garder de discuter les données de fait sur lesquelles il s’appuie ; on ne peut viser qu’à le déterminer à les apprécier autrement.
La jalousie qui tire origine d’une telle projection a déjà presque un caractère délirant, mais elle ne s’oppose pas au travail analytique qui révélera les fantasmes inconscients, propres à l’infidélité du sujet lui-même.
Il en va moins bien de la jalousie de la troisième espèce, jalousie véritablement délirante. Elle aussi vient de tendances réprimées à l’infidélité, mais les objets de ses fantasmes sont de nature homosexuelle. La jalousie délirante répond à une homosexualité « tournée à l’aigre », et a sa place toute désignée parmi les formes classiques de la paranoïa. Essai de défense contre une trop forte tendance homosexuelle, elle pourrait (chez l’homme) se laisser circonscrire par cette formule : Je ne l’aime pas lui, c’est elle qui l’aime .
Dans un cas donné de délire de jalousie, il faut s’attendre à voir la jalousie tirer sa source de l’ensemble de ces trois assises, jamais seulement de la troisième.
B.– La paranoïa. – Pour des raisons connues, les cas de paranoïa se soustraient le plus souvent à l’examen analytique. Cependant, j’ai pu ces derniers temps tirer de l’étude intensive des deux paranoïaques quelque chose qui était pour moi nouveau.
Le premier cas fut celui d’un jeune homme qui présentait, pleinement épanouie, une paranoïa de jalousie, dont l’objet était son épouse d’une fidélité au-dessus de tout reproche. Il sortait alors d’une période orageuse, dans laquelle il avait été dominé sans rémission (394)par son délire. Lorsque je le vis, il présentait encore des accès bien isolés qui duraient plusieurs jours, et, point intéressant, débutaient régulièrement le lendemain d’un acte sexuel, qui se passait d’ailleurs à la satisfaction des deux parties. On est en droit d’en conclure qu’à chaque fois, après que fut assouvie la libido hétérosexuelle, la composante homosexuelle, réveillée avec elle, se frayait son expression par l’accès de jalousie.
Le
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