L'étude des émotions d'un point de vue social et culturel
Analyse sectorielle : L'étude des émotions d'un point de vue social et culturel. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar khemiri_i • 24 Décembre 2014 • Analyse sectorielle • 2 676 Mots (11 Pages) • 1 002 Vues
PERFORMANCE, EMOTIONS ET
BUREAUCRATIE1
Ariel EGGRICKX, Maître de Conférences HDR
Agnès MAZARS-CHAPELON ; Maître de Conférences
CREGO Université Montpellier II
Place Eugène Bataillon
34095 Montpellier Cedex 5
Tél : 04 99 58 51 80
Fax : 04 67 14 42 20
Eggrickx@iutmontp.univ-montp2.fr
Mazars@iutmontp.univ-montp2.fr
La théorie des organisations a longtemps fait abstraction des aspects émotionnels dans l’étude des organisations.
Certains travaux mettent en évidence des liens entre les émotions et la performance, ou encore entre les émotions
et la capacité d’apprentissage et capacité de changement. De toutes les configurations possibles, c’est la
bureaucratie qui met le plus l’accent sur le contrôle des émotions. Pourtant, la recherche empirique menée dans 4
Caisses d’Allocations Familiales (CAF) sur le thème de la gouvernance a conduit à un résultat inattendu : l’excès
d’affects négatifs était devenu une caractéristique fondamentale de l’organisation sur une longue période, sans
pour autant la faire basculer dans le chaos. Ces aspects paradoxaux de la bureaucratie semblent particulièrement
féconds pour questionner les liens entre la performance et les émotions dans l’organisation.
Organizational theory traditionally ignores emotions in organization. Recently, some studies pointed out links
between emotions and performance, and also emotions and organizational learning and change. And
considering organizational configurations, bureaucratic organization is the one which particularly aims at
controlling emotions. However, an empirical case study about gouvernance in four French family allowance
offices showed surprisingly that excessive negative affects finally characterized this bureaucratic organization.
These paradoxical aspects of bureaucracy appear particularly interesting for questioning links between
organization performance and emotions.)
Mots Clés : bureaucratie, émotion, performance, apprentissage, changement…
Key Words : bureaucratic organization, emotion, performance, learning, change…
1 Les auteurs tiennent à remercier le bureau de la Recherche à la CNAF (Caisse Nationale des Allocations
Familiales) pour son soutien du projet de recherche, tant en terme de financement que de logistique : choix des
CAF (deux CAF dont l’effectif est compris entre 100 et 200 salariés, deux CAF dont l’effectif est compris entre
300 et 400 salariés), introduction auprès des directeurs et accessibilité à la documentation. La recherche menée
pendant deux ans a permis un large accès aux données qualitatives sur lesquelles s’appuie ce papier.
L’étude de l’émotion en psychologie a longtemps été envisagée dans sa dimension intrapersonnelle,
et de rares auteurs se sont risqués à étudier les émotions d’un point de vue social
et culturel. Les émotions seraient le produit de « constructions sociales » et dépendraient
essentiellement du contexte social dans lequel elles apparaissent (Averill, 1980). Rimé (1989)
soutient que, plus qu’une simple forme de communication, l’émotion est le produit d’une
interaction sociale. Le philosophe Paul Dumouchel (1995) énonce qu’il faudrait concevoir les
émotions comme des formes de communication et de coordination entre les agents.
De façon similaire, la théorie des organisations a longtemps fait abstraction des aspects
émotionnels dans l’étude des organisations. L’école des relations humaines fut précurseur en
ce domaine. Par exemple, Lewin (1959) a établi des liens entre la frustration et la régression
intellectuelle de sujets devant faire des travaux impossibles. Certains ont analysé les effets des
différents styles de leadership sur l’atmosphère des groupes et leur productivité (Lewin,
1959 ; Likert,1974). Selon Argyris (1973), les facteurs émotionnels et la compétence
interpersonnelle auront autant d’importance que les valeurs de rationalité et de compétence
intellectuelle dans les organisations du futur. Des avancées récentes dans le domaine des
sciences cognitives mettent en évidence la nécessaire prise en compte des émotions dans la
compréhension des processus cognitifs et des comportements organisationnels (Damasio,
1994, 1999).
Ces différents travaux incitent à questionner les liens entre les émotions et la performance.
Un climat émotionnel favorable pourrait-il contribuer à renforcer l’implication et le degré de
satisfaction des salariés, et donc simultanément la productivité ? Pourrait-il contribuer à
favoriser l’apprentissage et la mise en oeuvre du changement ? Pour explorer ces liens, la
bureaucratie est potentiellement riche d’enseignements. En effet, de toutes les configurations
possibles, c’est la bureaucratie qui met le plus l’accent sur le contrôle des émotions. L’idéal
type de la bureaucratie
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