Incipit Moderato: Cantabile
Dissertation : Incipit Moderato: Cantabile. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar atchoumm89 • 1 Avril 2013 • 740 Mots (3 Pages) • 1 791 Vues
I
— Veux-tu lire ce qu’il y a d’écrit au-dessus de ta partition ? demanda la dame.
— Moderato cantabile, dit l’enfant.
La dame ponctua cette réponse d’un coup de crayon sur le clavier. L’enfant resta immobile, la tête tournée vers sa partition.
— Et qu’est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?
— Je ne sais pas.
Une femme, assise à trois mètres de là, soupira.
— Tu es sûr de ne pas savoir ce que ça veut dire, moderato cantabile ? reprit la dame.
L’enfant ne répondit pas. La dame poussa un cri d’impuissance étouffé, tout en frappant de nouveau le clavier de son crayon. Pas un cil de l’enfant ne bougea. La dame se retourna.
— Madame Desbaresdes, quelle tête vous avez là, dit-elle.
Anne Desbaresdes soupira une nouvelle fois.
— À qui le dites-vous, dit-elle.
L’enfant, immobile, les yeux baissés, fut seul à se souvenir que le soir venait d’éclater. Il en frémit.
— Je te l’ai dit la dernière fois, je te l’ai dit l’avant-dernière fois, je te l’ai dit cent fois, tu es sûr de ne pas le savoir ?
L’enfant ne jugea pas bon de répondre. La dame reconsidéra une nouvelle fois l’objet qui était devant elle. Sa fureur augmenta.
— Ça recommence, dit tout bas Anne Desbaresdes.
— Ce qu’il y a, continua la dame, ce qu’il y a, c’est que tu ne veux pas le dire.
Anne Desbaresdes aussi reconsidéra cet enfant de ses pieds jusqu’à sa tête mais d’une autre façon que la dame.
— Tu vas le dire tout de suite, hurla la dame. L’enfant ne témoigna aucune surprise. Il ne répondit toujours pas. Alors la dame frappa une troisième fois sur le clavier, mais si fort que le crayon se cassa. Tout à côté des mains de l’enfant. Celles-ci étaient à peine écloses, rondes, laiteuses encore. Fermées sur elles-mêmes, elles ne bougèrent pas.
— C’est un enfant difficile, osa dire Anne Desbaresdes, non sans une certaine timidité.
L’enfant tourna la tête vers cette voix, vers elle, vite, le temps de s’assurer de son existence, puis il reprit sa pose d’objet, face à la partition. Ses mains restèrent fermées.
— Je ne veux pas savoir s’il est difficile ou non, Madame Desbaresdes, dit la dame. Difficile ou pas, il faut qu’il obéisse, ou bien.
Dans le temps qui suivit ce propos, le bruit de la mer entra par la fenêtre ouverte. Et avec lui, celui, atténué, de la ville au cœur de l’après-midi de ce printemps.
— Une dernière fois. Tu es sûr de ne pas le savoir ?
Une vedette passa dans le cadre de la fenêtre ouverte.
L’enfant, tourné vers sa partition, remua à peine – seule sa mère le sut – alors que la vedette lui
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