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Droit Public: la demande d'un véritable patrimoine d'affectation

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Par   •  21 Février 2014  •  1 679 Mots (7 Pages)  •  1 142 Vues

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C. LA DEMANDE D'UN VÉRITABLE PATRIMOINE D'AFFECTATION

1. La notion de patrimoine d'affectation

Le patrimoine d'affectation consiste à affecter un patrimoine à l'activité professionnelle de façon à protéger le patrimoine familial de l'entrepreneur, sans créer de personne morale distincte de l'entrepreneur.

Cette notion vient directement remettre en cause le principe civiliste ancien et constant d'unicité du patrimoine, qui veut que chaque personne n'ait qu'un patrimoine : à une seule personne correspond un seul patrimoine. C'est donc l'ensemble du patrimoine qui répond aux obligations contractées, sous réserve des sûretés.

Ainsi, l'article 2284 du code civil dispose :

« Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. »

L'article 2285 dispose quant à lui :

« Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. »

L'universalité des biens qui sont dans le patrimoine de l'entrepreneur individuel constitue le gage de l'intégralité des créanciers de l'entrepreneur, que leurs créances soient de nature personnelle ou bien nées à l'occasion de l'activité professionnelle.

Dès lors, pour séparer les patrimoines personnel et professionnel, il faut séparer les personnes, c'est-à-dire créer une personne morale distincte à laquelle sont apportés les biens professionnels.

Si le droit allemand connaît et pratique depuis longtemps la notion de patrimoine d'affectation14(*), le droit français, sous l'empire du principe d'unicité du patrimoine, l'ignore quasi complètement. Même si l'on relève quelques atteintes discrètes au principe d'unicité, son caractère général et absolu ne s'en trouve guère atteint.

Institué par l'ordonnance de la marine de 168115(*) et toujours présent en droit maritime international contemporain, le patrimoine de mer, autrement appelé fortune de mer, selon une dénomination ancienne, constitue la forme la plus exacte de patrimoine d'affectation. Il s'agit du patrimoine d'affectation de l'armateur d'un navire, qui comprend le navire, son fret et ses accessoires, destiné à servir de gage exclusif aux créances nées de l'expédition maritime de ce navire, de façon à limiter sa responsabilité et à ne pas être responsable sur l'ensemble de son patrimoine des aléas de la navigation, d'autant qu'il confie la navigation à un tiers, le capitaine. En d'autres termes, le patrimoine terrestre de l'armateur n'a pas à répondre des dettes nées de son patrimoine maritime. Le siège des créances n'est plus l'armateur lui-même mais le patrimoine de mer. Ainsi, l'abandon du navire et de sa cargaison au terme de l'expédition peut délivrer l'armateur de toutes les créances nées de l'expédition, quand bien même elles seraient d'un montant supérieur. Aujourd'hui cependant, les règles existant dans le domaine de la responsabilité maritime réduisent largement la portée effective de la notion de patrimoine de mer.

Le bien de famille insaisissable, résultant de la loi du 12 juillet 1909, bien que tombé en désuétude16(*), s'analyse également comme une atteinte portée au principe d'unicité du patrimoine, puisque la libre disposition du bien de famille échappe à son propriétaire.

D'autres mécanismes juridiques sont présentés comme s'apparentant à une forme de patrimoine d'affectation : l'acceptation de succession sous bénéfice d'inventaire ou de renonciation17(*), qui fait coexister deux patrimoines dans le chef d'une même personne, mais de façon temporaire par nature, ou encore les substitutions fidéicommissaires18(*), qui ont pour objet de singulariser au sein du patrimoine d'un donataire des biens ayant fait l'objet de la donation et devant être rendus ultérieurement à certains descendants du donateur.

Instituée par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 à l'initiative de notre collègue Philippe Marini, la fiducie est parfois présentée comme une forme de patrimoine d'affectation introduite dans le droit français. Il faut plutôt la comprendre comme une affectation de patrimoine, dans la mesure où elle est un contrat ayant pour objet de transférer en pleine propriété, à titre temporaire, à un fiduciaire, des biens ou droits en vue de faire assurer leur gestion au bénéfice d'un tiers, avant leur restitution au terme du contrat. Bien que propriétaire, le fiduciaire ne peut en exercer les prérogatives que dans les limites du but prévu au contrat de fiducie.

Toujours est-il que, si notre droit n'est pas complètement exempt de toute formule se rapprochant de la notion de patrimoine d'affectation, ces formules demeurent très marginales ou bien ne constituent pas de véritables patrimoines d'affectation. On peut ainsi affirmer que le principe d'unicité du patrimoine demeure à ce jour largement préservé.

2. La longue marche du patrimoine d'affectation

Le patrimoine d'affectation constitue une revendication ancienne et constante des artisans et, plus largement, des entrepreneurs individuels et de leurs représentants.

Le point de départ de la réflexion sur le patrimoine d'affectation en France remonte à février 1978, avec la remise du premier rapport sur le sujet, fruit des travaux d'un groupe de travail interministériel sous la présidence du professeur Claude Champaud. Ce rapport, qui préconisait la création d'une « entreprise personnelle à responsabilité limitée », répartissait les biens de l'entrepreneur en trois patrimoines : un patrimoine affecté à l'entreprise, gage des créanciers professionnels, un patrimoine personnel à l'usage de la famille, insaisissable par ces créanciers, et un patrimoine intermédiaire,

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