Qu'est-ce Qu'une Théorie Des Relations Internationales ?
Mémoires Gratuits : Qu'est-ce Qu'une Théorie Des Relations Internationales ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar elbakali • 17 Août 2013 • 8 675 Mots (35 Pages) • 2 001 Vues
Monsieur Raymond Aron
Qu'est-ce qu'une théorie des relations internationales ?
In: Revue française de science politique, 17e année, n°5, 1967. pp. 837-861.
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Aron Raymond. Qu'est-ce qu'une théorie des relations internationales ?. In: Revue française de science politique, 17e année,
n°5, 1967. pp. 837-861.
doi : 10.3406/rfsp.1967.393043
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1967_num_17_5_393043
Qu'est-ce qu'une Théorie
des Relations Internationales ?
RAYMOND ARON
PEU DE mots sont aussi souvent employés par les économistes,
sociologues ou politicologues que celui de théorie. Peu sont
aussi équivoques. Un livre récent qui développe deux idées
— les vertus du non-engagement, l'influence favorable à la paix
qu'exercerait la primauté des considérations économiques dans
les sociétés modernes — a pour sous-titre théorie générale. Une
proposition telle que : les alliances sont fondées sur le calcul des
intérêts nationaux et ne résistent pas à la contradiction de ces
intérêts 1, est baptisée théorie dans le langage courant de la science
politique. En fait, la distinction est rarement faite explicitement
entre des concepts voisins mais distincts comme ceux de modèle,
de type idéal, de conceptualisation, voire de régularité empirique
mencotns tatée. Ce que les auteurs appellent théorie ressortit plus
ou moins à l'une ou l'autre de ces catégories ou peut-être contient,
en proportions variables, des éléments empruntés à l'une ou à
l'autre.
Cette absence de rigueur, dans l'usage d'un mot clé, s'explique
et peut-être se justifie par l'impatience de progrès. Les politicologues
ont probablement le sentiment que leur discipline apparaît sousdéveloppée
dès qu'on la compare à l'économie politique, sans parler
même des sciences de la nature. Il importe plus de faire que de
savoir ce que l'on fait. L'accumulation des connaissances importe
davantage que la conscience critique de ce savoir.
Cependant, la querelle des anciens et des modernes, des tra
ditionalistes et des novateurs, des littéraires et des scientifiques,
querelle que je déplore parce qu'elle a plutôt accru la confusion,
1. Dawson (Raymond), Rosecrann (Richard), «Theory and Reality, in
the Anglo-American Alliance», in World Politics, oct. 1966, p. 21.
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prouve que les spécialistes des relations internationales, venus d'ail'
leurs, au cours des vingt dernières années, de diverses provinces
de la science, ne sont pas indifférents au statut de leur discipline.
Il ne sera donc peut-être pas entièrement inutile de formuler l'i
nterrogation : qu'est-ce qu'une théorie des relations internationales ?
Le concept de théorie a. me semble-t-il, dans tout le monde
occidental, une double origine ou, si l'on préfère, deux significa
tionsc,h acune d'elles dérivant d'une tradition. Une théorie — con
naissance contemplative, saisie des idées ou de l'ordre essentiel
du monde — peut être l'équivalent d'une philosophie. En ce cas,
la théorie s'oppose non pas seulement à la pratique, à l'action, mais
à la connaissance qu'anime la volonté de « savoir pour prévoir et
pouvoir ». Moins une connaissance est pratique, moins elle suggère
ou permet la manipulation de son objet, plus elle est théorique.
A la rigueur, elle change celui qui en est le sujet, à savoir le
philosophe et ceux qui, par l'intermédiaire de celui-ci, en reçoivent
la lumière.
L'autre ligne de pensée aboutit aux théories authentiquement
scientifiques dont celles de la science physique offrent le modèle
achevé. En ce sens, une théorie est un système hypothético-déductif,
constitué par un ensemble de propositions dont les termes sont
rigoureusement définis et dont les relations entre les termes (ou
variables) revêtent le plus souvent une forme mathématique. Ce
système a été élaboré à partir d'une conceptualisation de la réalité
perçue ou observée ; les axiomes ou les relations les plus abstraites
commandent le système et permettent au savant de retrouver par
déduction soit des apparences désormais expliquées, soit des faits,
saisissables par des appareils sinon par les sens, qui confirment
provisoirement
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