Les logiques de recrutement des entreprises politiques et la concurrence à l’intérieur et entre elles
Dissertation : Les logiques de recrutement des entreprises politiques et la concurrence à l’intérieur et entre elles. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dudududu73 • 11 Novembre 2019 • Dissertation • 2 130 Mots (9 Pages) • 607 Vues
Séance 6 : Les logiques de recrutement des entreprises politiques et la concurrence à l’intérieur et entre elles
« Mû secondairement par la recherche du gain, son intérêt premier est créer et de gagner. ». C’est cette définition de l’entreprise donnée par M. Offerle dans Les partis politiques, qui permet de faire le lien entre le terme économique et la notion d’ « entreprise politique ».
Si l’on considère l’entreprise comme le fait d’entreprendre et de produire, une entreprise politique est alors un lieu où un ou des agents investissent des capitaux pour obtenir des profits politiques en échange d’une production de biens politiques. Le profit recherché est alors l’accès au pouvoir, où tout du moins à l’autorité politique. Le terme d’entreprise politique englobe tous les acteurs en concurrence pour la conquête de cette autorité : les partis, think-tank, organes de presse, groupes d’intérêts, etc. L’accès à ces entreprises politiques, et plus particulièrement aux partis, est réservé à des « professionnels » de la politiques, ceux qui disposent des capitaux permettant la compréhension des mécanismes du jeu politique et ainsi le passage du champ social au champ politique. Le parti politique est une structure qui va permettre de s’investir dans le champ politique, car il va donner un appareillage financier, idéologique, un réseau. Les entreprises politiques sont une des conséquences de la représentation, car elles sont nécessaires pour l’accès au sommet du champ politique, mais ce sont aussi elles qui vont la modeler : en effet, ce sont ceux au sommet du champ politique qui vont réguler le jeu politique et définir les conditions d’accès à celui-ci. On distingue donc cette première concurrence d’accès aux entreprises politiques de la concurrence interne aux entreprises politiques, pour savoir qui a la légitimité de définir la ligne idéologique propre à chacune et enfin la concurrence sur les marchés politiques entre les différentes entreprises.
L’intérêt du sujet va alors être de comprendre quelles sont les logiques de recrutements des agents au sein de ces entreprises politiques et comment ces dernières agissent-elles au sein du champ politique et sur les marchés des biens politiques (en général) ou des biens électoraux (dans le cas des partis politiques).
Dans ce contexte, on peut se demander en quoi l’étude d’une notion jusqu’alors propre à l’économie, l’entreprise, nous permet-elle de comprendre les mécanismes du système politique actuel, influencé par le modèle représentatif ?
Pour répondre à cette problématique, nous verrons d’abord la question des professionnels politiques au sein des entreprises politiques puis, dans une seconde partie, la concurrence entre ces entreprises politiques sur les marchés de produits politiques.
- Les professionnels politiques au sein des entreprises politiques
Les entreprises politiques, et plus particulièrement les partis, sont un lieu auquel l’accès est sélectif. En effet, bien qu’en principe, dans notre démocratie, chacun peut se présenter pour accéder à l’autorité politique, les mandats ne sont accessibles que pour des professionnels de la politique, c'est à dire des personnes qui en ont fait leur carrière.
- L’inégal accès aux entreprises politiques
L’accès aux entreprises politiques n’est en majorité possible que pour les agents qui occupent certaines positions dans l’espace social. Ces positions sont définies « par la position qu’ils occupent dans les différents champs » (P. Bourdieu, Espace social et genèse des classes), cette position change en fonction du volume global du capital possédé et en fonction de la composition de ce capital, c’est à dire le ratio entre capital culturel, social ou économique. Dans Les logiques du recrutement politique, D. Gaxie montre que la probabilité d’exercer un pouvoir politique s’accroit avec la hauteur dans la hiérarchie sociale : plus on monte dans cette hiérarchie, plus le volume global de capital est élevé et ainsi la poursuite d’une carrière politique est aisée. De plus, la position sociale d’origine d’un homme politique est d’autant plus élevée qu’il occupe des positions plus hautes dans la hiérarchie politique. Ainsi, plus un groupe est haut dans l’échelle sociale, plus il est probable qu’il soit fortement représenté politiquement. La représentation parlementaire fournit alors une image inversée de la structure sociale. Le texte de B. Pudal, Les dirigeants communistes présente une sorte de contre-exemple. En effet, en étudiant les autobiographies de cadres du Parti Communiste, il montre que, bien que la majorité soit issue de milieux populaires voire ouvriers, ils ont mis leurs dispositions à l’étude à disposition de la doctrine du parti, ce qui leur a permis d’accéder à des postes haut placés. L’ambiance culturelle de la famille d’origine, dont le militantisme semble avoir joué un rôle non négligeable dans la réussite de ces dirigeants. Il révèle aussi d’autres formes d’apprentissage culturel : la rencontre avec des travailleurs intellectuels par exemple. D’après D. Gaxie, il existe aussi des relations privilégiées entre les partis politiques et les fractions de classes. La sélection sociale se manifeste dans tous les partis, mais ses modalités sont différentes selon les liens que chaque organisation entretient avec la structure sociale. Ainsi, on trouve plus d’ouvriers au PC, plus de professions libérales au RPR… A chaque fraction de classe correspond une organisation politique où l’ascension d’hommes politiques issus de cette fraction semble favorisée.
Les travaux de C. Achin et S. Leveque, Femmes, énarques et professionnelles de la politiques. Des carrières exceptionnelles sous contraintes révèlent que bien qu’il y ait eu une hausse du taux de femmes à l’ENA, le taux d’accès des femmes au sommet de la politique n’a pas changé. Ce serait donc dans la connexion entre la sortie de l’école et l’entrée en politique que se trouve le mécanisme le plus puissant de mise à l’écart des femmes. Pourtant, celles-ci possèdent les mêmes structures de capitaux que le reste de la classe politique. Leurs reconversions dans d’autres domaines témoignent de la difficulté de se conformer aux règles du jeu politique pour celles et ceux qui, de par l’une de leurs propriétés (sexe, origine sociale ou ethnique) restent des « outsiders » de la politique : spécificité du métier politique du point de vue de sa « clôture ». Ainsi, seule l’introduction de contraintes peut modifier la logique de recrutement politique : la loi de 2007 visant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives en est un exemple.
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