La Peopolisation De La Politique

POLITIQUE PEOPLE

Selon une enquête réalisée par la TNS Sofres pour le compte du Centre d’étude de la vie politique française de Sciences Po, intitulé « Baromètre de la confiance politique », 68% des Français déclarent ne pas faire confiance au gouvernement, 65% à l’institution présidentielle et 64% à l’assemblée nationale. Pire encore, la moitié de l’opinion considère que la démocratie ne fonctionne « pas bien » en France. Dans ce contexte criant de crise de la démocratie, à l’heure où le dialogue a cessé entre représentants et représentés, révolutionner la pratique politique apparaît comme une nécessité. La France est loin d’être le seul pays touché par cette crise de confiance, et la majeure partie de l’Europe souffre de ce fossé qui sépare les hommes politiques du peuple. Alors, dans les années 2000, quand apparaît la notion de peopolisation de la politique, celle-ci se retrouve tout de suite au cœur des débats sur l’évolution de la vie politique et des médias. En effet, cette nouvelle pratique à la fois politique et médiatique, basée sur l’association entre gens célèbres et responsables politiques et sur l’intégration aux stratégies de communication politique de méthodes people, interroge sur la manière dont doit être modifié le comportement des politiques pour regagner la confiance des citoyens. En effet, en offrant un visage plus humain aux yeux de tous et enparaissant plus accessibles, les responsables politiques révolutionnent leur stratégie de communication. Il nous faut alors cerner l’impact de ce phénomène sur la vie publique et se demander si la peopolisation entraîne un dévoiement de la démocratie ? Ou, au contraire, en s’inspirant de nouvelles pratiques et conceptions politiques, parvient-elle à revitaliser la sphère publique?

L’évolution constante et le caractère polymorphe de cette notion de peopolisation politique, dont l’orthographe même n’est pas encore figé, ne facilite pas cette étude. C’est pourquoi nous nous attacherons dans un premier temps à cerner tous les aspects et composantes de ce phénomène complexe, afin de pouvoir, une fois ce concept maîtrisé, nous interroger sur son impact de sur la démocratie et la vie politique.

I. Un phénomène complexe et polymorphe

A) Un double mouvement

Cette expression de pipolisation s’est construite durant les années 2000, revêtant des sens successifs. Aujourd’hui, cette notion est le reflet de plusieurs processus. Ainsi, la pipolisation de la politique est en premier lieu l’association entre gens célèbres et responsables politiques. Les leaders politiques n’hésitant pas à aller à l’encontre de ces stars, espérant que leur entrevue, si brève soit-elle, sera immortalisée par les médias : c’est que l’on appelle en anglais la « photo opportunity ».Ils peuvent aussi cultiver des liens plus étroits avec certaines vedettes, tel Sarkozy fréquentant les comédiens Jean Réno et Christian Clavier ou bien moins personnels, principalement par le biais de comités de soutien lors des campagnes électorales. Les relations amoureuses entre célébrités et leaders politiques consacrent quant à elles le mariage de la politique et du spectacle, au sens figuré mais aussi parfois au sens propre comme dans le cas du couple Sarkozy Carla Bruni.

Le deuxième processus de pipolisation de la politique réside dans l’exposition plus ou moins volontaire des élus dans la presse échotière, à savoir les magazines people. Ainsi, si certaines responsables politiques n’hésitent pas à poser dans des lieux personnels ou à dévoiler des informations sur leur vie privée à certains magazines people, d’autres sont la cible de ce voyeurisme, fait particulièrement marqué dans l’univers anglo-saxon des tabloïds.

Cette exposition des dirigeants politiques a fait des émules car désormais, on observe que ce ne sont plus uniquement ces médias « alternatifs » mais toutes sortes de médias, y compris la grande presse, qui consacre un nouveau traitement de l’actualité politique. Alors que la politique apparait originairement comme une affaire sérieuse tandis que le people semble plus dévolu au divertissement et à la frivolité, on assiste de plus en plus dans les médias à un mariage de ces deux éléments pour traiter de l’actualité. Ainsi, autrefois très sérieuse et élitiste, dans un format traditionnel, les émissions politiques se diversifient et les responsables politiques viennent s’exprimer dans des émissions de divertissement. Le divan rouge de Michel Drucker dans Vivement Dimanche est devenue un passage incontournable des politiques, tandis que des émissions telles que le Grand Journal sur Canal+ ou la semaine critique sur France2 traitent de l’actualité politique avec humour et frivolité, alliant l’information au divertissement. C’est ce que l’on nomme le concept d’infotainment.

Aujourd’hui, ces stratégies de communication politique et de marketing politique, majoritairement exportées par les américains et anglo-saxons, se multiplient et tout homme politique influent est conseillé par un spécialiste en communication, lui indiquant ou apparaître et comment communiquer afin de gagner en popularité.

Mais il est à noter que ce phénomène de pipolisation relève d’un double mouvement. Ce ne sont pas uniquement les hommes politiques qui reprennent les stratégies du show biz pour se rendre visible, mais également les peoples qui investissent l’espace public, participant de plus en plus aux affaires de la cité, définition originelle de la politique. Ainsi, au-delà de leur rôle de figuration auprès des politiciens soucieux de leur image, on observe également qu’ils deviennent de véritables acteurs de la vie politique. A l’image du footballeur Lilain Thuram ou du judoka David Douillet, ils usent de leur célébrité pour faire passer un message politique, ou endossent des rôles pour la communauté.

Ainsi, la pipolisation de la politique est un phénomène complexe, en constante évolution, dual dans le sens ou il peut être désiré comme subi, et dans le sens ou l’intrication entre monde du show biz et monde politique est double, chacun investissant la sphère de l’autre. Il convient alors de se demander si ce phénomène reconnu et analysé depuis les années 2000 est inédit, ou s’il procède d’une lente évolution.

B. Un phénomène ancien mais révolutionné

La sacralisation de la personne au pouvoir n’est pas un fait nouveau. Louis XIV, le roi soleil dans tous ses excès, est la preuve la plus tangible de cette vedettisation ancienne. C’est une pipolisation

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