TAEG erroné
Dissertation : TAEG erroné. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Aleksandre Paichadze • 11 Octobre 2018 • Dissertation • 5 294 Mots (22 Pages) • 565 Vues
Dissertation : Le TAEG erroné
L’utilisation des termes « boîte de pandore »[1] et « monstre juridique »[2] par le Professeur Lasserre Capdeville pour qualifier le contentieux autour du TAEG erroné illustre le défaut de prévoyance de la Cour de cassation lorsqu’elle a assimilé l’erreur à l’omission[3]. L’auteur s’aventure dans une analogie sensiblement déraisonnable en accusant la Cour d’avoir commis des « coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner » à l’encontre des établissements de crédit. Cette dernière, animée par la seule intention de rectifier une injustice par une décision innocente, n’a pas su maîtrisé toute la portée de son acte, ni les conséquences dramatiques qui l’ont suivie.
Ainsi, le papier s’intéressera particulièrement aux conséquences du TAEG erroné dans les prêts consenties par les établissements de crédit.
Pour permettre une analyse approfondie, il est nécessaire de définir le terme « TAEG » et se retranscrire son histoire et sa fonction. Le Taux annuel effectif global (ou « TAEG ») est un indicateur composite qui incorpore dont le principe consiste à réunir tous les frais supportés par l’emprunteur en un seul indicateur. Il s’agit là de l’aboutissement de la quête du « coût réel d’un crédit » pour les crédits aux consommateurs[4]. La composition du TAEG est précisée par l’article L314-1 du Code de la consommation – l’indicateur comporte le taux d’intérêt conventionnel (le prêteur étant privé de la jouissance d’un capital pendant une certaine période à le droit d’obtenir une rémunération) auquel se rajoute « les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt ». L’article 314-5 du Code de la consommation et l’article 1907 du Code civil énoncent une règle d’ordre public qui est que les intérêts conventionnels et le TAEG doivent être mentionnés obligatoirement dans tous écrits constatant un contrat de prêt (en l’occurrence les contrats aux consommateurs). Le TAEG répond à une double fonction[5] 1° permet de comparer les coûts effectifs du crédit entre eux et 2° permet d’appliquer les dispositions de plafonnement légal des taux des crédits (la législation sur le taux d’usure) – seule la première fonction fait l’objet de notre analyse. L’obligation d’un écrit étant d’ordre public et ayant été édictée dans le seul intérêt de l’emprunteur, leur méconnaissance est sanctionnée par la nullité relative de la reconnaissance de l’obligation de payer des intérêts conventionnels.
Une distinction mérite d’être dressée entre le TAEG et le TEG – ces deux indicateurs répondent aux mêmes impératives, mais la différence principale réside dans la méthode de calcul utilisé. En 1966, la méthode proportionnelle TEG est adoptée pour l’ensemble des crédits. En 2002, après avoir essuyé les critiques virulentes de la Commission européenne sur l’inadéquation du taux proportionnel pour le convertissage d’un taux annuel vers un taux mensuel – source de l’augmentation artificielle du coût du crédit, discréditant sa capacité informative et dommageable aux emprunteurs, la France a adopté la méthode actuarielle équivalente pour les crédits à la consommation. L’ordonnance du 25 mars 2016 portant en droit interne la Directive « Crédits immobiliers » a permis l’harmonisation des taux globaux des crédits aux particuliers par l’instauration unique de la méthode équivalente TAEG. Les crédits professionnels sont exclus du champ d’application du TAEG et reste subordonnés à la méthode TEG. Seuls les crédits aux consommateurs (crédit à la consommation et crédit immobilier) seront traités et l’analyse se concentrera par ailleurs sur les prêts à taux fixe (le TAEG est extrêmement malaisé à manier en présence d’un crédit à taux variable).
La problématique se focalisera sur l’appréciation des conséquences de l’erreur dans le TAEG communiqué, sur la base de l’article 38 de la Directive « Crédits immobiliers » qui requiert à la sanction d’être « effective, dissuasive et proportionnée ». Ainsi, le postulat de base est qu’une sanction effective et dissuasive est nécessaire pour protéger l’emprunteur (consommateur) contre l’abus de position dominante de la banque au moment de l’octroi du crédit – permettant de mieux garantir les conditions de son consentement (dépourvu de vices)[6]. Cette sanction doit être proportionnée à la faute commise par le banquier. Ainsi, le problème est le suivant : les critères fixés par l’article 38 de la Directive susmentionné sont-ils satisfaits par les sanctions du TAEG erroné ?
La première partie du commentaire s’intéresse à la rigidité du régime du TAEG erroné, à l’absence d’encadrement de la loi et à l’assimilation de la Cour de l’absence d’un TAEG écrit au TAEG erroné (i.e. le taux affiché n’est pas égal au taux réel du crédit) qui entraîne une sanction parfois démesurée des banques, privant les sanctions du caractère proportionnel (I). Pour rectifier le tir, la Cour de cassation a infléchi sa jurisprudence sur les conséquences de l’erreur et la constatation de celle-ci, mais paradoxalement par la réforme du taux légal a renversé la tendance en dépréciant les actions légitimes des consommateurs, posant cette fois si la question de la dissuasion (II).
NOTE : les arrêts mentionnés dans la dissertation sont majoritairement antérieur à la loi du 17 mars 2014 et à l’ordonnance de recodification du code du 14 mars 2016, mais les solutions sont parfaitement transposables sous l’empire des nouveaux textes, qui n’ont pas modifié substantiellement les règles gouvernant la fixation du TEG. Ainsi, pour des raisons de clarté pour le lecteur, le terme « TEG » sera remplacé par « TAEG ».
- Le fourvoiement du droit de la consommation en matière de TAEG erroné : une situation disproportionnellement favorable à l’emprunteur
La Cour de cassation n’a pas eu la prévoyance exigible lorsqu’elle a décidé d’assimiler l’absence de TAEG écrit au TAEG erroné puisque cette solution a entraîné un contentieux de masse aux répercussions financières dramatiques et à des comportements d’opportunité nocifs à la sécurité bancaire – a fortiori, l’imprudence imputable à la Cour a été amplifiée par l’incertitude du contenu même du TAEG (en raison notamment du caractère lacunaire des dispositions législatives gouvernant le contenu de l’indicateur, partiellement rectifiées par l’ordonnance de 2016 sur la base des solutions dégagées par la Jurisprudence) (A). Toutefois, les conséquences de cette assimilation auraient pu être nuancées par une approche in concreto de l’application des sanctions, mais la rigidité et l’automaticité des sanctions civiles prononcées ont véritablement conduit à une situation critique pour les banquiers (B).
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