Peut-on encore parler d'un modèle européen de justice constitutionnelle ?
Dissertation : Peut-on encore parler d'un modèle européen de justice constitutionnelle ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Maikeru • 17 Mars 2019 • Dissertation • 2 503 Mots (11 Pages) • 871 Vues
Dissertation : Peut-on encore parler d’un modèle européen de justice constitutionnelle ?
C’est Hans Kelsen, avec sa théorie de la Pyramide des normes, qui instaure le principe de Constitutionnalité. En effet, selon cette théorie, toute norme doit être conforme à la norme qui lui est supérieure. Dans la plupart des pays européens, c’est la Constitution qui prime, et qui est donc la norme suprême.
On notera néanmoins que si aux Etats-Unis, la Constitution est, dès 1803, avec l’Arrêt Marbury vs Madison, considérée comme la norme suprême, pour autant en Europe, jusqu’au milieu du XIXe siècle, c’est le légicentrisme qui prime. En effet, le principe de constitutionnalité n’apparaît qu’aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, en remplacement du principe de légalité, selon lequel toute norme devait être conforme à la loi. Ce revirement vient notamment du fait qu’après la Seconde Guerre Mondiale, on se rend compte que «la loi peut mal faire», puisqu’on a noté des dérives législatives, par le biais de normes et de lois, adoptées selon la procédure régulière. Alors commence un mouvement de constitutionnalisation du droit dans les pays européens, phénomène qui induit la mise en place d’une justice constitutionnelle.
La justice constitutionnelle, au sens large est le mécanisme par lequel on contrôle la constitutionnalité des lois, fonction généralement exercée par un juge constitutionnel.
Le juge constitutionnel est l’organe institué par la Constitution pour assurer le contrôle de constitutionnalité. Ce contrôle de constitutionnalité consiste en un contrôle destiné à assurer la conformité des lois à la Constitution rigide. On parle de Constitution rigide lorsqu’on a une Constitution qui se démarque des lois ordinaires, puisque ses modalités de modification et d’élaboration sont différentes de celles des lois ordinaires. Ce formalisme lui confère la première place dans la hiérarchie des normes.
Selon Kelsen, la théorie de la hiérarchie des normes est une organisation des règles juridiques, selon laquelle les normes de valeur inférieure doivent être conformes aux normes qui leur sont supérieures. Dans de nombreux Etats, c’est sinon la Constitution, du moins l’ensemble des normes à valeur constitutionnelle, qui priment. C’est donc le bloc de constitutionnalité, ensemble des normes constitutionnelles, qui est pris en compte lors du contrôle de constitutionnalité des lois, exercé par le juge constitutionnel, pour lequel ce dernier estime que le législateur est lié dans l’exercice de son pouvoir.
Lorsqu’on parle de justice constitutionnelle, on oppose généralement deux grands modèles, que sont le modèle dit américain, et le modèle dit européen de justice constitutionnelle. En effet, il semble que d’un coté à l’autre de l’Atlantique, les mécanismes de saisine, et de fonctionnement de la justice constitutionnelle diffèrent.
Cependant, si ces deux grands modèles paraissent clairement définis et distincts, on note une certaine hétérogénéité des justices constitutionnelles européennes. D’ailleurs, même si certaines caractéristiques se retrouvent dans beaucoup de pays, la question d’un modèle européen de justice constitutionnelle se pose.
Les caractéristiques principales du modèle européen seraient, d’une part, l’existence d’un contrôle abstrait de constitutionnalité, consistant à confronter des normes entre elles, par opposition au contrôle concret des Etats-Unis, qui place la confrontation dans le cas d’un litige particulier; d’autre part, l’existence d’un contrôle concentré, dans la mesure où un seul organe peut juger de la constitutionnalité des lois, ou autres normes, par opposition au contrôle diffus des Etats-Unis, selon lequel le contrôle de constitutionnalité peut être exercé par toutes les juridictions. On pourrait ajouter à ces caractéristiques, l’existence d’un contrôle par voie d’action déclenché par des autorités publiques ou politiques, qui s’oppose à l’application quasi-exclusive d’un contrôle par voie d’exception, qui fonctionne au cas par cas aux Etats-Unis. De plus, dans le modèle européen, on constate que la décision du juge constitutionnel est revêtue d’une autorité absolue de chose jugée, toujours par opposition au modèle américain qui veut que la décision du tribunal statuant sur une exception d’inconstitutionnalité peut seulement être dotée d’une autorité relative de chose jugée.
Mais on note que les degrés du caractère abstrait d’une part, et du caractère concentré d’autre part, comme les autres caractéristiques supposées propres au modèle européen de justice constitutionnelle varient beaucoup d’un pays à l’autre.
La question se pose alors de savoir si on peut encore parler d’un modèle européen de justice constitutionnelle.
Il apparaît dès lors que, considérant la justice constitutionnelle européenne comme un grand arbre, des racines communes aux justices constitutionnelles européennes sont incontestablement présentes (I). Cependant, on note on houppier hétérogène dans l’application du modèle dit européen de justice constitutionnelle (II).
- Des racines communes aux justices constitutionnelles des pays européens
Il faut rappeler que la justice constitutionnelle en Europe ne naît véritablement qu’à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. Et, cette apparition de la justice constitutionnelle en Europe prend l’apparence d’un seul ensemble qui s’élève autour d’un même évènement, la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, les différents mécanismes qui se mettent en place ont de nombreuses convergences.
Il convient d’appréhender la Seconde Guerre Mondiale comme la semence à l’origine de la mise en place de la justice constitutionnelle en Europe (A), justice constitutionnelle dont les caractéristiques propres, formeront le tronc du modèle dit européen de justice constitutionnelle (B)
A - La semence : la Seconde Guerre Mondiale, cause de l’apparition de la justice constitutionnelle en Europe
La Seconde Guerre Mondiale a, en Europe, deux conséquences majeures quant aux constitutions des pays. En effet, c’est aux lendemains de la Guerre que le principe de constitutionnalité est affirmé; d’une part, par le biais de l’éradication du principe de légalité (1), d’autre part par le bourgeonnement de la justice constitutionnelle (2).
- L’éradication du principe de légalité
- Il faut noter qu’aux Etats-Unis, la conformité des normes à la constitution est obligatoire et sanctionnée depuis 1803. Ce n’est pas le cas dans les pays européens.
- Avant la Guerre, c’est le principe du légicentrisme qui prime.
- Avec la Guerre, on se rend compte que la loi peut «mal faire».
- Le principe de légalité tombe en désuétude au profit du principe de constitutionnalité.
- Véritable reconnaissance des constitutions par les autorités.
- Il faut noter cependant que certains pays, comme la Grande-Bretagne, ont conservé le principe de légalité.
- Le principe de constitutionnalité impose le respect de la Constitution à toutes les normes inférieurs.
- Phénomène de constitutionnalisation du droit, puisque toutes les normes doivent être, directement ou indirectement, conformes à la constitution.
- Diffusion des normes constitutionnelles dans toutes les branches du droit
- La diffusion est plus ou moins rapide selon les pays. Par exemple, en Espagne, le processus démarre très tôt, dès la promulgation de la nouvelle constitution en 1978.
La constitutionnalisation du droit implique nécessairement la mise en place d’une justice constitutionnelle, chargée d’assurer le respect du principe de constitutionnalité.
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