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L’ordre public et la moralité

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Par   •  4 Mars 2021  •  Dissertation  •  2 594 Mots (11 Pages)  •  1 931 Vues

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Dissertation

« L’ordre public et la moralité »

Maurice Hauriou considérait que : « L’ordre public au sens de la police, est l’ordre matériel et extérieur (…); la police … ne poursuit pas l’ordre moral (…), elle ne pourchasse pas les désordres moraux, elle est pour cela radicalement incompétente ». Ces propos écrits en 1933 résultent du Précis de droit administratif où M.Hauriou donne sa vision de la notion d’ordre public.

La notion d’ordre public a déjà été évoquée sous la Révolution. En effet, l’article 10 de la DDHC dispose que  « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. ». Cet article consacre la liberté d’opinion et de conscience sous condition qu’elle ne contrevienne pas à la sauvegarde de l’ordre public.

Ensuite, la loi du 5 avril 1884 vient mentionner à nouveau l’ordre publique car celle-ci dispose que : « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ». Le contenu de cette loi traitant notamment des pouvoirs du maire, a été repris par l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales.

L’ordre public est garanti par la police administrative qui, ensemble avec la prestation des services est une finalité du droit administratif. Relèvent de la police administrative les opérations qui ne concernent pas la répression d’une infraction pénale mais qui visent la réalisation d’une « mission de contrôle et de surveillance (TDC, 7 juin 1951, Noualek). Même si la répression des infractions pénales est une mission de la police judicaire, il peut arriver qu’une même opération ait les caractères de la police administrative et judicaire à la fois. Dans un tel cas, le juge regarde quelle est l’opération dominante ( TDC, 12 juin 1978, Sté Le profil).  

La police administrative est composée de la police administrative générale et de la police administrative de la Constitution) disposent des pouvoirs de la police générale. Sur l’échelle locale, le Préfet et le Maire sont également dépositaires des pouvoirs de la police générale. En ce qui concerne les autorités de la police spéciale désignées par des textes, elles sont très nombreuses mais les ministres, les préfets et les maires en sont les autorités principales.

Aujourd’hui, l’idée d’un ordre public matériel et extérieur qui exclue la moralité qui, elle, fait partie de quelque chose d’immatérielle, semble un peu incohérente par rapport aux évolutions de la notion d’ordre public. Initialement, la moralité ne faisant pas partie de la trilogie de l’ordre publique, la jurisprudence a progressivement ajouté une « quatrième composante de la notion d’ordre public », selon R. Chapus. L’évolution de la composition tripartite d’ordre public conduit à penser que l’ordre moral pourrait effectivement être une autre composante d’ordre public. 

Dès lors, il s’agit de savoir dans quelle mesure la moralité a influencé la vision traditionnelle de l’ordre public ?

L’intégration de la moralité dans la notion d’ordre public (I) risque éventuellement porter atteinte aux libertés individuelles (II)

I) Le remise en cause du principe de la matérialité de l’ordre public

Pendant longtemps, l’ordre public se définissait par trois termes : la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques (A). Cependant, l’entrée dans cette trilogie sous certaines conditions d’un élément immatériel et intérieur a été admis par la jurisprudence (B)

A. La trilogie classique de la notion d’ordre public

La notion d’ordre public n’ayant pas de définition exacte, elle est vue à l’aune de la loi du 5 avril 1884 qui définit l’ordre public comme étant « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité. Codifiée, cette loi se retrouve dans l’article L. 2212-2 du CGCT qui évoque la trilogie suivante : tranquillité, sécurité et salubrité publiques. La notion de « bon ordre » a ensuite été rajoutée.  Les juges se réfèrent également à ces trois éléments comme dans l’arrêt du 9 juillet 1975 « Commune de Janvry » du Conseil d’Etat, qui sont maintenus devenus traditionnels.

Selon certains auteurs, la sécurité est la condition première à l’exercice des libertés. Cela signifie que pour permettre véritablement d’exercer les libertés, il faut assurer la sécurité des lieux et des personnes. Dans cette logique, la police administrative est tout à fait légitime de prendre des mesures de protection des lieux, des individus et des individus contre eux-mêmes. Cela est illustré dans l’arrêt du Conseil d’Etat « Sieurs Bouvet » datant du 4 juin 1975 concernant la légalité d’un décret sur l’obligation du port d’un casque ou encore du port de la ceinture de sécurité dans les véhicules (CE, 22 janvier 1982, Association auto-défense »)

La salubrité, elle, traite de la protection de l’hygiène et de la santé publique. Par exemple, l’interdiction de fumer dans les lieux publics se justifie complétement par le souci de garantir la salubrité publique ( CE, 19 mars 2007, « Mme le Gac »). La gestion des ordures ménagères ou l’inspection des marchés suivent également le même but.

Et enfin, l’idée de la tranquillité publique est d’éviter les émeutes, les bagarres ou tout autre bruit qui pourrait troubler la tranquillité publique. Le maire disposant des pouvoirs de la police générale mais aussi spéciale, a le devoir de veiller à l’ordre public dans sa commune, par exemple en interdisant la mendicité dans un temps et lieu déterminés (CE, 9 juillet 2003, « M. Lecompte »)

En plus, pour préserver la définition classique de l’ordre public, les composantes comme l’esthétique et l’ordre public économique sont, en principe, exclus de celle-ci. Ainsi, il est évident que les trois composants traditionnels de l’ordre public sont uniquement matériels et extérieurs et alors l’action de la police administrative se limite là aux troubles concrets et visibles qui n’ont rien à voir avec la morale.

Cependant, dans la jurisprudence administrative il y a des cas où l’ordre public prend également en compte les composantes relevant du for intérieur, de la moralité.  

B. Admission conditionnelle de la moralité dans l’ordre publique

Malgré la volonté des juges de limiter la notion d’ordre public à ses aspects matériel et extérieur, la nécessité du bon fonctionnement de celui-ci a contribué à l’avènement de la morale dans cette notion.

L’intégration de la notion de la moralité se fait progressivement et commence le 7 novembre 1924 par l’arrêt « Club sportif châlonnais » du Conseil d’Etat. En l’espèce, un maire a légalement interdit les combats de boxe dans sa commune car il les considérait comme contraire à l’hygiène morale. En plus, avec l’arrêt « Beaugé » du 30 mai 1930 du Conseil d’Etat où le maire interdit aux baigneurs de se déshabiller sur les plages, on voit que depuis longtemps les autorités de la police administrative ont commencé à s’intéresser à la notion de la moralité afin de préserver l’ordre public dans leurs communes.

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