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Le débiteur

Commentaire d'arrêt : Le débiteur. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  13 Mars 2016  •  Commentaire d'arrêt  •  3 012 Mots (13 Pages)  •  1 384 Vues

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LE DEBITEUR

« TERTIIS NUNDINIS PARTIS SECANTO. SI PLUS MINUSVE SECUERUNT, SE FRAUDE ESTO » autrement dit : « Au troisième jour de marché qu’on le coupe en morceaux. S’ils (les créanciers) en prennent plus qu’il ne leur en est dû, que cela se fasse en toute impunité ». L’adage est extrait de la loi des XII tables, première édification du droit des quirites en -450 avant JC. En cette table III intitulée « La dette » le débiteur défaillant peut-être enchainé ou vendu. Si la fonction comminatoire paraît effective, l’intérêt pour les créanciers semble plus douteux. L’évolution quant au statut du débiteur interroge donc. En effet depuis une loi du 22 juillet 1987 la contrainte sur la personne est prohibée en droit civil français. L’évolution du droit positif s’est ainsi traduite par une incidence patrimoniale comme garantie de l’acquittement de ses dettes.

D’emblée le débiteur se définit comme une personne (physique ou morale) passivement tenu d’une obligation à l’égard d’un ou de plusieurs créanciers. Un rapport d’obligation s’établit alors entre l’accipiens et le solvens, c’est à ce dernier qu’incombe l’exécution active de la prestation à laquelle il est tenu. En effet, « dette » vient du latin debere : « devoir ». L’obligation, qui en est l’objet se conçoit comme un lien de droit contraignant (vinculum juris, au sens du doyen Cornu). Ainsi l’obligation constitue un « pouvoir de contrainte » (selon les mots du doyen Carbonnier) au profit du créancier, celle-ci figure en effet à l’actif de son patrimoine en tant que droit personnel.

Les sources de l’obligation sont par ailleurs multiples. Au sens de l’article 1370 du code civil celles-ci peuvent résulter : d’un contrat, d’un quasi contrat (c’est-à-dire d’un fait licite mais exempt de convention), d’un fait illicite ou de la seule autorité de la loi. L’obligation elle-même est polymorphe : en matière contractuelle elle réside dans le triptyque : faire, ne pas faire ou donner (comme en dispose l’article 1101 du code civil). Distinction toutefois abandonnée par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. En outre, en matière extracontractuelle l’article 1382 du code civil met à la charge de tout individu l’obligation de réparer les conséquences dommageables de ses actes.

Toutefois la notion d’obligation transcende la seule dichotomie contractuelle/extracontractuelle, en effet il existe d’autre type d’obligations telles l’obligation naturelle qui, n’étant pas contraignante, repose sur le seul devoir moral envers le créancier, celles-ci n’embrassent toutefois qu’un exigu domaine du lien de l’obligation que nous restreindront à son acceptation juridiquement contraignante. En effet la responsabilité civile induit une nécessité de réparer un préjudice au regard des conditions prévues conventionnellement ou légalement. Au demeurant une obligation peut aussi constituer un bien au sens du régime général des obligations. En ce sens une cession de dette conventionnelle est envisageable, néanmoins c'est avant tout le statut du débiteur qui demeure intéressant même dans le cas de la circulation de l'obligation. Et partant le lien de droit l’unissant au créancier.

A ce titre le droit des obligations est le témoin des rapports sociaux en vigueur au sein d’une société donnée. Il encadre en effet les interactions entre individus. Lorsqu’une obligation est mise à la charge d’un individu, lui conférant ainsi la qualité de « débiteur » au sens juridique, celui-ci est tenu de l’exécuter. Selon les mots d’H.Capitant : « Exécuter ses obligations relève aussi bien de la morale que du droit ». Le paiement (dans son acceptation large d’exécution de l’obligation) est alors un gage de sécurité juridique, condition sine qua none de rapport sociaux pacifiés.

 

Si le droit est tout entier est orienté vers le paiement de l’obligation il incombe au juge d’en moduler la portée. En effet de manière empirique la jurisprudence ne se cantonne pas à sa fonction première de « bouche de la loi ». Un traitement juste nécessite donc de considérer la singularité des situations que la loi entend régir ainsi que l’évolution des impératifs sociaux. Le passage d’une contrainte sur la personne à une contrainte sur le patrimoine du débiteur en droit des obligations traduit par exemple une considération des intérêts des deux parties et non plus du seul créancier. L’idée même d’équité est fondée sur la reconnaissance des droits de chacun. Elle est nécessaire au tempérament des effets de la loi (selon les préconisations d’Aristote). L’équité se pose alors comme un principe modérateur du droit positif, au fondement de ses évolutions. Portalis n’en faisait-il pas « la béquille de la justice » ?

Ainsi un souci de particularisme va amener le juge à s’immiscer dans la sphère contractuelle au risque d’en menacer la prévisibilité. Le primat de l’autonomie de la volonté consacrée par les législateurs de 1804 dû en effet s’adapter à une appréciation prétorienne croissante de l’économie générale des conventions. Notamment par l’appréhension de possible parties faibles souffrant d’un déséquilibre contractuel. De même, toujours dans une finalité commutative, les articles régissant la responsabilité délictuelle semblent avoir connu une interprétation extensive. En ce sens la charge de l’obligation pesant sur le débiteur responsable évolua conformément à une volonté indemnitaire renforcée.

Il convient alors de se demander : Dans quelle mesure des considérations croissantes d’équité viennent-elles moduler la place du débiteur en droit des obligations ? 

Par un interventionnisme croissant le législateur et le juge entendirent policer les relations individuelles. De ce fait le rôle du débiteur a évolu. En matière contractuelle, le postulat de l’autonomie de la volonté est contre balancé par une volonté d’équilibre dans les obligations à la charge des parties. De même en matière extracontractuelle la volonté d’indemnisation croissante des victimes eu pour conséquence le recul du rôle de la faute dans l’obligation de réparer et l’avènement d’une responsabilité objective. Ainsi la sphère contractuelle semble soumise à un encadrement prétorien aux côtés de l’autonomie de la volonté (I), tandis qu’au plan extracontractuelle c’est le souci d’indemniser la victime aux dépend du débiteur qui semble primer (II).

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