La représentation proportionnelle permet-elle un véritable choix des gouvernants par les gouvernés ?
Dissertation : La représentation proportionnelle permet-elle un véritable choix des gouvernants par les gouvernés ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Constance Delétang • 2 Janvier 2022 • Dissertation • 3 088 Mots (13 Pages) • 491 Vues
Émile de Girardin déclare que le vote promet d’être « relativement à l’opinion publique, ce que le chronomètre est au temps, dont il donne la mesure avec une précision rigoureuse ; ce que le baromètre est à la température, dont il indique toutes les variations ». Autrement dit, il en dégage les principes fondateurs du vote, qui doit être le reflet de l’opinion publique dans son intégralité.
Tout d’abord, rappelons que la représentation proportionnelle est un mode de scrutin dans lequel les sièges sont attribués en fonction de la proportion du nombre de voix que les partis ont obtenu, ou selon Jean-Marie Amédée Paroutaud qui nous propose la définition pertinente suivante « tout système de représentation dans lequel une relation plus ou moins élastique existe entre la répartition des voix et celle des sièges » et un gouvernant est selon le Larousse « une personne qui détient le pouvoir politique, qu’il s’agisse d’un parlementaire ou d’un membre du gouvernement, par opposition à gouverné » .
En examinant dans quel contexte social et politique le scrutin proportionnel a été envisagé, et pour répondre à quels besoins s’est-il imposé, c’est une véritable réflexion sur cette dynamique de réforme que nous pourrons engager. L’enjeu majeur que soulève cette question de représentation revient en fait à « trouver un mode de scrutin qui garantisse à la fois une majorité claire pour soutenir le gouvernement et assurer la représentation au Parlement de tous les grands courants de la vie politique. » comme nous dit Bernard Accoyer. Il est nécessaire de toujours associer la question du mode de scrutin avec la question de la stabilité des institutions. En effet, nous pouvons distinguer deux modes de scrutin : le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel.
Le scrutin majoritaire, bien qu’il assure a priori une certaine stabilité, a tendance à favoriser les grandes formations politiques, les gros partis. Le scrutin à un tour renforce le phénomène du bi-partisme, autrement dit l’émergence de deux grands, tandis que le scrutin à deux tours renforce le phénomène de bi-polarisation, autrement dit un effet de loupe sur deux bords politiques. Le scrutin majoritaire favorise la démocratie d’alternance, c’est-à-dire deux grandes tendances politiques qui alternent régulièrement au pouvoir. C’est pourquoi nous nous intéresserons au scrutin proportionnel, en guise d’alternative au scrutin majoritaire.
Le scrutin proportionnel permet de représenter fidèlement l’opinion de la population. Les petits partis auront autant de chance d’être représentés que les gros partis mais il sera plus complexe de déterminer une ligne politique claire, en ce qu’elle sera source de compromis. La proportionnelle favorise donc, elle, une démocratie de consensus. En réalité, la véritable distinction entre système majoritaire et proportionnel revient à faire la distinction entre la répartition en voix à la répartition en sièges. Cette représentation plus fidèle aurait des incidences sur la stabilité et le fonctionnement des institutions.
La proportionnelle a laissé un mauvais souvenir en France avec l’instabilité gouvernementale de la IVe République entre 1946 et 1958. Pendant cette période, la France a connu plus de vingt gouvernements en seulement trois législatures. La France a eu recours à la proportionnelle sous la Ve République pour des législatives qu'une seule fois, en 1986, lorsque François Mitterand avait voulu limiter la défaite du Parti socialiste.
Les autres pays européens ont des systèmes d’élections comportant la proportionnelle, souvent avec des mécanismes instaurés par sécurité afin d’assurer plus de stabilité politique. Les défenseurs de la proportionnelle en France prennent souvent l’exemple des pays tels que la Belgique, le pays où fut inventée et mis en application la représentation proportionnelle, qui fait cohabiter sept partis, l’Autriche dont sa première expérience date de seize années déjà, ou encore l’Italie, qui depuis la Seconde Guerre mondiale a permis aux deux parties (nord et sud) et aux deux partis dominants d’exercer un pouvoir.
Pour appréhender cet enjeu, nous nous concentrerons sur la France ainsi que les autres pays ayant la représentation proportionnelle effective, de sa création à maintenant, afin d’aborder la notion de représentation proportionnelle dans son intégralité. Dominique Turpin, enseignant de droit public, nous explique les problèmes du scrutin majoritaire effectif en France aujourd’hui : « Il débouche sur une sur-représentation du parti majoritaire, une sous-représentation du parti minoritaire et une quasi-absence de représentation des autres partis, laminés par la dureté de la règle du jeu ». C’est précisément sur cet enjeu que réside l’intérêt pour nous d’aborder ce sujet : il nous permettra de mettre en perspective le scrutin majoritaire effectif en France actuellement avec d’autres modes de scrutin, ici le scrutin proportionnel, dans l’objectif de garantir au maximum les notions telles que la justice, la légitimité et la stabilité. De ce fait, la représentation proportionnelle permet-elle réellement l’expression de la souveraineté populaire ? Dans un premier temps, nous nous demanderons si la représentation proportionnelle est un système qui favorise l’expression de la volonté générale (I), puis nous nous demanderons si elle incarne un obstacle à la stabilité gouvernementale (II).
I. La représentation proportionnelle, un système qui favorise l’expression de la volonté générale ?
Comme son nom l’indique, la représentation a le devoir de refléter la volonté du peuple, en ce que le peuple est souverain au sein d’une démocratie. L’expression de la souveraineté populaire incarne le fondement même de la démocratie. Les gouvernants se doivent de traduire en faits les revendications des gouvernés. Autrement dit, le mode de scrutin doit soulever deux critères : la recherche de la justice (A) et la recherche de légitimité démocratique (B).
A. La recherche de justice
Nous observons depuis un certain temps maintenant, la crise du scrutin majoritaire. Pour cause, le gouvernement ne représente plus aussi bien le peuple qu’il le devrait. Pourtant dans une démocratie, le gouvernement représentatif ne devrait-il pas être le « miroir de la nation », comme le qualifie Prévost-Paradol ? C’est la position que soutient Pierre Razous qui déclare « Le suffrage universel doit fournir une représentation de plus en plus exacte et de plus en plus judicieuse de la volonté nationale. Or le système électoral de la majorité, qui consiste à attribuer
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