L'erreur sur la valeur
Dissertation : L'erreur sur la valeur. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar aure.bro • 6 Novembre 2018 • Dissertation • 2 118 Mots (9 Pages) • 3 396 Vues
L’ erreur sur la valeur
Dans un arrêt du 3 juillet 1996, la 1è Chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que “l’erreur sur la valeur de ce qui est l'objet du contrat ne constitue pas un vice du consentement pouvant entraîner l'annulation ou la révision du contrat”.
Une erreur désigne une fausse perception de la réalité qui entraîne un comportement, une conséquence nocive pour celui qui l’a commise. En droit des contrats, l’ erreur correspond à une représentation inexacte de l’objet de l’ obligation. Elle est un vice du consentement pouvant entraîner la nullité du contrat d’après les articles 1130 et 1131. On distingue en droit français des contrats les erreurs excusables et celles qui sont indifférentes : l’erreur sur la valeur appartient à cette dernière catégorie. Elle ne permet pas d’obtenir l’annulation du contrat. On distingue deux raisons à cela. On considère d’abord que la victime de l’erreur est fautive, qu’elle a effectué une négligence, une mauvaise appréciation de la prestation : elle n’est donc pas excusable et ne peut demander l’annulation du contrat. Par ailleurs, on estime que le juge ne doit pas contrôler l’équilibre des prestations, mis à part quelques cas spécifiques comme la lésion ; dès lors, l’appréciation d’une erreur sur la valeur par le juge n’est pas possible puisqu’il est inapte à contrôler l’écart entre le prix et la chose fournie.
L’article 1136 du Code civil prévoit que « l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité.» L’erreur sur la valeur doit donc être entendue comme l’erreur sur l’évaluation économique de l’objet du contrat. Bien que l’erreur sur la valeur consiste en un décalage entre la croyance de l’errans et la réalité, ce déséquilibre objectif des prestations ne constitue cependant pas une cause de nullité du contrat. Il convient de rappeler que la définition doctrinale antérieure à la réforme du 10 février 2016 était plus précise et énonçait que l’erreur sur la valeur est une appréciation économique inexacte qui n’est pas la conséquence d’une erreur sur les qualités essentielles de la prestation. L’appréciation économique est inexacte puisqu’il y a erreur sur le prix, et celle-ci a été commise à partir de données exactes, sans erreur sur les qualités essentielles de la prestation fournie ou reçue. Le cas fréquent concerne l’art, et plus particulièrement la peinture, puisqu’on considère que l’erreur sur l’artiste qui entraîne une erreur sur le prix est excusable car la notoriété d’un artiste est une qualité essentielle d’une peinture, selon G. Goubeaux.
Si le législateur avait adopté la solution inverse, cela serait revenu à admettre la lésion. Or, conformément à l’article 1168 du Code civil « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement.». La jurisprudence antérieure a toujours refusé de reconnaître l’erreur sur la valeur, on note ainsi que la Chambre des Requêtes de la Cour de Cassation avait reconnu dans un arrêt du 17 mai 1832 que l’erreur sur la valeur était déjà indifférente.
Comment l’erreur sur la valeur, a priori indifférente, peut entraîner tout de même la nullité du contrat ?
En droit des contrats français, une erreur sur la valeur n’est pas un vice du consentement et ne peut donc entraîner la nullité du contrat, par principe (I). Néanmoins, certains cas spécifiques rendent possible le prononcé de la nullité du contrat grâce à des mécanismes proches de l’erreur sur la valeur.
I. Par principe, une erreur sur la valeur non constitutive d’un vice du consentement
Tel que le dispose l’article 1136 du code civil, l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité. Il s’agit tout de même de bien préciser ce qu’est une erreur sur la valeur (A), puis de montrer la justification de cette indifférence (B).
A. L’erreur sur la valeur, une erreur bien définie et indifférente
Il faut tout d’abord s’attacher à bien distinguer l’erreur sur la valeur de l’erreur sur le prix. L’erreur sur le prix est en fait une erreur d’écriture ou d’étiquetage. Article 2058 “L’erreur de calcul dans une transaction doit être réparée”, et la solution peut être dans une certaine mesure étendue aux autres contrats. Par exemple, dans un arrêt du 15 septembre 1995, la Cour d’appel de Paris a admis que le propriétaire d’un appartement qui avait fait une offre de vente à 900 000 francs au lieu de 2 360 000 avait commis une erreur matérielle dans l’indication du prix en raison du maniement défectueux d’une machine à traitement de texte et d’une disquette non mise à jour. Dans une affaire semblable, la Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 27 mai 1997, a considéré qu’il y avait erreur sur le prix alors qu’un vendeur d’un lot immobilier avait cru écrire 600 000 francs alors qu’il avait écrit 60 000.
Il faut par ailleurs distinguer l’erreur sur la valeur avec l’erreur sur la substance. Dans un arrêt du 7 février 1987, la Cour d’appel de Versailles a affirmé qu’“Il convient de distinguer entre l’erreur monétaire, qui procède d’une appréciation économique erronée à partir de données exactes, et l’erreur sur la valeur qualitative de la chose qui n’est que la conséquence d’une erreur sur une qualité substantielle”.
J. Ghestin fait aussi une distinction entre erreur sur la valeur directe (au sens propre) et indirecte, c'est-à-dire une erreur sur les qualités essentielles de la chose mais qui de facto entraîne un déséquilibre entre la chose et le prix (affaire Poussin). C’est un moyen pour le juge d’aller redresser le déséquilibre entre le prix et la valeur estimée, en retournant sur le terrain de l’erreur sur une qualité essentielle. Mais dans ce cas là, qui sera traité après, il ne s’agit pas d’une erreur uniquement sur la valeur.
B. Une indifférence justifiée par l'objectif de sécurité juridique
Si l’on admettait que toutes les erreurs commises par un cocontractant puissent entraîner la nullité du contrat, ce serait une véritable source d’insécurité juridique en matière contractuelle. Il ne faut pas que par la voie de l’annulation certains contractants puissent
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