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Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat du 17 avril 2020

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Par   •  8 Décembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  2 486 Mots (10 Pages)  •  5 085 Vues

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TD DROIT ADMINISTRATIF

Commentaire de l’arrêt du CE du 17 avril 2020, Commune de Sceaux

L’arrêt étudié est un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 17 avril 2020 concernant la commune de Sceaux.

En l’espèce le maire de Sceaux a pris un arrêté le 6 avril 2020 pour obliger les personnes de plus de dix ans à porter un masque protégeant la bouche et le nez lors de tout déplacement dans l’espace public de la commune de Sceaux. La Ligue des droits de l’homme saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour demander la suspension de l’exécution de cet arrêté. Le juge fait droit à leur demande dans une ordonnance du 9 avril 2020. La commune de Sceaux saisi le Conseil d’Etat et forme un recours pour demander l’annulation de l’ordonnance prise par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le paiement de la somme de 5000 euros par la Ligue des droits de l’homme.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a dû répondre à la question suivante : un maire peut-il prendre un arrêté aggravant l’atteinte aux libertés fondamentales ?

Le Conseil d’Etat a rejeté la requête de la commune de Sceaux. Il retient que le maire n’était pas compétent pour prendre, au titre de son pouvoir de police générale, de telles mesures car l’âge avancé de la population de Sceaux ne représentait pas une circonstance locale menant à une raison impérieuse de prendre cet arrêté. Il retient aussi que le décret pris par le Premier ministre le 23 mars 2020 concernant la crise sanitaire, interdit tout déplacement hors du domicile à l’exception de certains déplacements aux motifs déterminés, mais n’impose pas à ce jour le port du masque obligatoire dans l’espace public ce qui entraine que le maire de Sceaux ne pouvait édicter de telles mesures de lutte contre l’épidémie car elles compromettaient la cohérence des mesures prises par l’Etat et n’étaient pas exigées par des raisons impérieuses à la commune. Le Conseil d’Etat déclare donc que cet arrêté porte une atteinte immédiate à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle des habitants de la commune de Sceaux. Il ordonne que la requête de la commune de Sceaux soit rejetée et que celle-ci paye une somme de 3000 euros à la Ligue des droits de l’homme.

En l’espèce, nous répondrons à la question de savoir si les circonstances actuelles d’état d’urgence justifiaient que le maire prenne de telles mesures représentant une atteinte grave aux libertés fondamentales.

 L’arrêt s’inscrit dans une situation particulière qu’est l’état d’urgence sanitaire (I), ce qui entraine la mise en place de certains conditions à l’intervention du maire pour lutter contre l’épidémie (II).

  1. La situation d’état d’urgence

Cet arrêt s’inscrit dans la situation particulière qu’est la situation d’état d’urgence sanitaire lors de l’épidémie du coronavirus. Par la mise en place d’un état d’urgence sanitaire, le Premier ministre peut prendre des mesures de restrictions dans plusieurs domaines, ce qui entraine une restriction des libertés fondamentales (A) et une attribution particulière des compétences notamment au maire (B).

  1. Une restriction des libertés fondamentales

Le juge des référés statuant sur l’article L. 521-2 du code de justice administrative a ordonné la suspension de l’exécution de l’arrêté pris par le maire de Sceaux, le 6 avril 2020 portant sur l’obligation du port du masque dans l’espace public. Cet article dispose que : « saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. » L’arrêté pris par le maire de Sceaux rendait obligatoire le port du masque dès l’âge de 10 ans pour toute personne se déplaçant dans l’espace public. La Ligue des droits de l’homme avait donc fait valoir que cet arrêté portait atteinte aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté personnelle, la liberté de commerce et de l’industrie, et à la liberté d’entreprendre. Au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative, le respect des libertés fondamentales est garanti face à une atteinte grave. Les libertés fondamentales ne sont pas définies et le Conseil d’Etat ne se prononce pas par principe car il n’y a pas de règle générale concernant les libertés fondamentales. Le Conseil d’Etat a seul légitimité pour en faire émerger une. Lorsqu’un juge d’un tribunal administratif énonce une nouvelle liberté fondamentale il doit attendre l’approbation du Conseil d’Etat. Concernant une atteinte à une liberté fondamentale, le Conseil d’Etat s’érige en protecteur des libertés ce qui fonde en soit sa compétence de juge. Lors de la crise sanitaire, l’état d’urgence entraîne la restriction des libertés fondamentales de manière considérable. En effet, les personnes résidant sur le territoire de l’Etat voient leur liberté d’aller et venir limitée car les déplacements hors du domicile sont maintenant limités à certains déplacements pour des motifs énumérés dans le décret du 23 mars 2020 du Premier ministre. Les mesures sanitaires portant atteinte aux libertés fondamentales sont formées sur une base légale ce qui justifie cette atteinte aux libertés qui n’est donc pas illégale. La condition d’urgence établi par la Ligue des droits de l’homme pour demander la suspension de l’arrêté du 6 avril 2020 a été jugée remplie car l’arrêté contesté portait manifestement atteinte à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle des personnes se déplaçant sur la commune de Sceaux. Cette atteinte aux libertés fondamentales ne reposait pas ici sur une base légale car un intérêt public suffisant ne pouvait être énoncé. Les libertés fondamentale sont restreintes en cas d’état d’urgence mais elles doivent être légalement restreinte et cette restriction doit avoir pour but un intérêt public clairement défini. Lors d’une période d’état d’urgence, les compétences attribués aux autorités représentantes de l’Etat sont particulières et le maire lui-même à une compétence renforcée par la situation.

  1. La compétence spécifique du maire

En période d’état d’urgence, le Premier ministre et le ministre de la santé prennent des mesures relatives aux articles L.3131-15 et L.3131-16 du code de la santé publique, articles introduits par la loi du 23 mars 2020 d’urgence. Ces articles énoncent de nombreuses dispositions pour lutter contre l’épidémie et permettent aussi au premier ministre et au ministre de la santé « d’habiliter le représentant de l’Etat territorialement compétent à prendre toute les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions ». Les mesures de lutte contre l’épidémie et permettant la mise en place de l’état d’urgence sont donc délégués aussi au niveau départementale pour s’adapter au territoire concerné. L’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales dispose que « le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale. » Le maire est en effet l’autorité de police administrative au nom de la commune et il exerce ses pouvoirs au nom de la commune mais sous le contrôle du préfet. Le maire bénéficie d’un pouvoir de police générale qui lui permet d’assurer des missions de sécurité publique, de sureté et de salubrité publique. En période d’état d’urgence, le maire a compétence pour prendre des dispositions destinées à appliquer les mesures sanitaires décidées par les autorités compétentes de l’Etat. La Ligue des droits de l’homme, dans ses moyens, déclare que le maire n’était pas compétent pour prendre de telles mesures au terme de l’article L.3131-17 car comme cet article le dispose, seul le préfet pouvait prendre des dispositions pour l’application des mesures sanitaires. Le maire est en effet une autorité importante en ce qui concerne la police administrative, ce qui représente une attribution essentielle mais qu’il exerce sous le contrôle administratif du préfet. La finalité des pouvoirs du maire en sa qualité de police administrative est la sauvegarde et le maintien de l’ordre public. L’objectif d’ordre public dans le cas de l’état d’urgence est spécial car la loi du 23 mars 2020 précise le champ d’application et la mise en œuvre des pouvoirs de police en période de crise sanitaire. Le maire est titulaire des pouvoirs de police générale et les exerce normalement de plein droit et sans intervention de police spéciale. La loi du 23 mars 2020 institue une police spéciale pour les autorités de l’Etat, donnant la compétence d’édicter des mesures pour lutter contre la crise sanitaire. Cette police spéciale va contrôler les actions du maire qui ne peut pas prendre de mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire sauf en cas de raisons impérieuse justifiées par des circonstances locales. Le pouvoir de police générale du maire est contrôlé par plusieurs principes dont deux qui sont que les actes de police doivent respecter la hiérarchie des normes en surpassant pas les actes nationaux, et les mesures prises doivent être proportionnels au regard du respect des libertés individuels. Le maire dispose donc toujours de son pouvoir de police générale mais sa marge de manœuvre est étroite. En cette période d’état d’urgence et conformément à la décision donné par le juge des référés le maire ne pouvait pas prendre cet arrêté rendant le port du masque obligatoire car il n’en avait pas la compétence. Les seules mesures que peut prendre le maire doivent être justifiées par des circonstances locales et ne doivent pas présenter d’incohérences par rapport aux décisions prises par les autorités de l’Etat.

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