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Commentaire d’arrêt : CJUE, gr. ch., 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c. Marie Elisabeth Bauer et Volker Willmeroth c. Martine Broßonn, C-569/16 et C-570/16.

Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt : CJUE, gr. ch., 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c. Marie Elisabeth Bauer et Volker Willmeroth c. Martine Broßonn, C-569/16 et C-570/16.. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Novembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  2 106 Mots (9 Pages)  •  1 386 Vues

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Alessandro Carpi                                                        TD Droit de l’UE

        Commentaire d’arrêt : CJUE, gr. ch., 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c. Marie Elisabeth Bauer et Volker Willmeroth c. Martine Broßonn, C-569/16 et C-570/16.

Mme Bauer et Mme Broßonn, après le décès de leurs propres maris, agissent en justice, respectivement contre M. Volker Willmwroth et Stadt Wuppertal, les employeurs de leurs maris, pour obtenir une indemnité correspondent aux jours de congés annuels payés non pris par leurs maris à la date de leur décès.

Selon les demandeurs, la directive 2003/88/CE, article 7 et l’article 32, paragraphe 2 de la Charte seraient applicables directement, tandis que, selon les employeurs, une application du droit national exclut le droit à une compensation pour l’héritier.

Mmes Bauer et Broßonn ont donc saisi l’Arbeitsgericht qui a accueilli leurs demandes. Ensuite, le Landesarbeitsgericht a interjeté les appels de la ville de Wuppertal et de M. Willmeroth. Ces derniers ont alors saisi la juridiction de renvoi, Bundesarbeitsgericht, qui a décidé d’adresser à la Cour de deux questions préjudicielles.

Le problème de droit concerne, en premier lieu, la règle de droit à appliquer en cas d’apparente incompatibilité entre droit allemand (article 7 paragraphe 4 du BUrlG et article 1992, paragraphe 1 du BGB), qui empêche la conversion du congé annuel en un droit à une indemnité financière après le décès de l’employé, et le droit de l’Union (directive 2003/88/CE, article 7 et article 32, paragraphe 2 de la Charte), qui, au contraire, semble prévoir un bénéfice de compensation financière à l’héritier.

En deuxième lieu, on se demande si, en cas d’incompatibilité entre droit européen et droit national, la directive et les dispositions de la Charte soient applicable aussi entre particuliers.

En ce qui concerne la première question, la Cour a donné une interprétation de la directive qui donne à l’héritier le droit à une compensation financière et donc, en appliquant l’effet direct de la directives, la ville de Wuppertal devra réspecter cette disposition même si elle n’a encore été transposée.

En ce qui concerne la seconde question, donc l’admissibilité d’un effet direct horizontale de la directive, la Cour répond que, même si cet effet est, en principe, exclu par la jurisprudence constante de la Cour, dans ce cas, il trouve un fondement dans l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, qui a un caractère impératif inconditionnel. Le droit conféré par cette disposition est donc invocable dans un litige entre employeur et employé et confère à la directive un pouvoir horizontale.

L’importance de cet arrêt concerne donc l’applicabilité d’un effet horizontale des directives et, avec l’arrêt Egenberger, C-414/16, il constitue un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure de la Cour (I). La solution ainsi donnée par la CJUE, bien si contestable du point de vue de son argumentation parfois contradictoire, adresse un problème de cohérence et égalité dans l’application du droit de l’Union (II).

 

  1. Un revirement de jurisprudence

Cet arrêt, avec le déjà mentionné arrêt Egenberger du 17 avril 2018, constitue une interversion de jurisprudence dans la mesure où, après une jurisprudence constante en sens contraire, la cour reconnait l’effet horizontale des directives qui appliquent une disposition impérative et inconditionnelle de la Charte des droits fondamentaux. Ce revirement concerne, donc, en premier lieu l’effet directe et notamment horizontal des directives (A) et en deuxième lieu un nouvel champ d’application de la Charte (B).

  1. L’extension des effets des directives

L’effet horizontal des directives a été, en principe, dénié par la jurisprudence constante de la Cour, qui a souligné plusieurs fois l’impossibilité d’appliquer une directive à l’occasion d’un litige entre particuliers. Cela représente l’aboutissement d’une longue jurisprudence.

En effet, l’article 288 TFUE dispose que la directive lie tout état membre « en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Avec une interprétation à contrario, pour la première fois, la cour a clarifié dans l’arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 que les directives sont bien susceptibles de produire un effet direct, notamment, comme le spécifique l’arrêt Ratti du 5 avril 1979, un effet vertical ascendant, en excluant, donc, un effet vertical descendent ou horizontale.

Ce limite général à l’application des directives n’a été jamais dénié par la Cour, qui a néanmoins développé un certain nombre de palliatifs pour légitimer une application horizontale des directives, inter alia, par une conception particulièrement large d’état (arrêt Fratelli Costanzo), par l’obligation d’interpréter le droit, en tout litige, conformément aux directives, ou en reconnaissant la possibilité, au justiciable, d’engager la responsabilité de l’état en cause de défaut de transposition.

Dans le cas présent (arrêt Bauer) le palliatif concerne la possibilité d’appliquer une directive entre particuliers par l’application de certaines dispositions de la Charte, ce qui constitue une véritable Drittwirkung. Le leading case de cette jurisprudence peut être considéré l’arrêt Kücükdeveci, où la CJUE a mis en exergue l’imbrication d’une directive et d’un principe général du droit (non-discrimination). Le binôme directive-principe général est devenu, ensuite, avec l’arrêt Egenberger et l’arrêt en question (arrêt Bauer), un binôme directive-Charte, qui légitime une application entre ressortissants d’une disposition de la Charte précisée par la directive : « ladite disposition (art 31 paragraphe 2) se suffit à elle-même pour conférer aux travailleurs un droit invocable en tant que tel dans un litige qui les oppose à leur employeur dans une situation couverte par le droit de l’Union et relevant, par conséquent, du champ d’application de la Charte ».

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