Commentaire d'arrêt cass soc 28 janvier 2014
Dissertation : Commentaire d'arrêt cass soc 28 janvier 2014. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar geog • 1 Février 2016 • Dissertation • 2 972 Mots (12 Pages) • 1 132 Vues
Commentaire de l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la cour de cassation en date du 28 janvier 2014.
Introduction :
La jurisprudence ainsi que les dispositions législatives décident aujourd’hui que la cessation d’activité peut constituer un motif économique de licenciement. Apprécier ce que recouvre cette notion s’avère néanmoins complexe en pratique, c’est ce que relève cet arrêt rendu par la Chambre sociale de la cour de cassation en date du 28 janvier 2014.
En l’espèce, une salariée exerçant les fonctions de formatrice, engagée le 1er mars 2003 par la société Sud performance a été licenciée pour motif économique par lettre du 24 mars 2010.
La société employeuse soutenait éprouver des difficultés économiques résultant de la perte de son unique marché public et de la cessation de toute l'activité de formation des assistantes maternelles qui représentait 30 % de son chiffre d'affaires. L’emploi de la salariée exclusivement affectée à cette activité était donc supprimé.
La salariée soutient néanmoins que le licenciement n’est pas fondé sur un motif économique.
Engageant une action en justice, les juges du fond devaient donc se prononcer sur l’incidence de la perte d’un marché public sur la cessation d’activité d’une entreprise et plus globalement sur les licenciements ayant un motif économique, ainsi que sur l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur.
La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt rendu en date du 19 avril 2012 considère que la perte du marché mentionné dans la lettre de licenciement était de nature à établir les difficultés économiques de l'employeur et à légitimer le licenciement de la salariée, et estime, contrairement à la juridiction prud’homale, que l’employeur n’a pas manqué à son obligation de reclassement car un poste de formateur des élites aux méthodes managériales ne pouvait être confié à la salariée car il nécessitait d'être formé aux sciences de la psychologie et à l'exercice de la communication pour adultes.
La salariée forme alors un pourvoir devant la Chambre sociale de la cour de cassation. Le problème posé est alors le suivant : la perte d’un marché public ayant pour conséquence la cessation d’une activité importante de l’entreprise peut-elle constituer une cause de licenciement pour motif économique ?
Dans son arrêt rendu en date du 28 janvier 2014, la Chambre sociale de la cour de cassation répond par l’affirmative en considérant que les difficultés économiques de la société résultant de la perte de son unique marché public et de la cessation de toute l'activité de formation des assistantes maternelles qui représentait 30% du chiffre d'affaires étaient réelles et que l'emploi de la salariée exclusivement affectée à cette activité était supprimé. Elle estime également que la salariée n'avait pas les compétences requises pour occuper les postes disponibles du secteur de la formation à la psychologie du travail, du management et des ressources humaines et considère alors que le reclassement dans l'entreprise était impossible.
Dans cet arrêt, la Chambre sociale de la cour de cassation revient donc sur le contrôle judiciaire de la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique (I), et analyse la perte d’un marché public justifiant un licenciement pour motif économique en cas de respect de la procédure d’adaptation et de reclassement (II).
I. Le contrôle judiciaire de la cause réelle et sérieuse du licenciement pour ME
Les juges de la cour de cassation reviennent ici sur les causes admises au titre des motifs économiques (A), et plus précisément sur la cessation d’activité (B).
A. La cessation d’activité
La cour de cassation énonce dans son premier attendu que « la perte d'un marché ne constitue pas en soi un motif économique de licenciement », et dans son deuxième attendu « qu'une baisse de chiffre d'affaires ne constitue pas à elle seule un motif économique de licenciement ».
Il convient donc de revenir sur les causes admises au titre des motifs économiques afin de mieux comprendre le raisonnement des juges de la cour de cassation.
Au regard de l’article L1233-3 du code du travail, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.». D’autres causes sont admises par la jurisprudence, comme la réorganisation de l'entreprise depuis un arrêt rendu par la chambre sociale de la cour de cassation en date du 1er avril 1992 Madrelle (Bulletin 5e partie n°223), et dans un arrêt rendu en date du 16 janvier 2001 (n°98-44.647), la Chambre sociale de la cour de cassation a consacré la cessation de l’activité de l’entreprise comme étant également une cause économique de licenciement.
Concernant les difficultés économiques, ce motif est situé au premier rang des causes de licenciement. En effet ce motif est celui qui est le plus à même de justifier le licenciement. En pratique, les situations permettant d'établir des difficultés économiques sont généralement variées : pertes financières de l'entreprise, endettement très important, graves difficultés de trésorerie, déficit budgétaire important, détérioration des résultats et du chiffre d'affaires…
En revanche, la Chambre sociale de la cour de cassation a déjà pu considérer que ne permet pas d'établir la réalité des difficultés économiques une légère baisse de l'activité (Cass. soc. 26 juin 1991, n° 89–44033), un simple ralentissement des ventes (Cass. soc. 22 févr. 1994, n° 92–41891), la réalisation d'un chiffre d'affaires ou de bénéfices moindres durant l'année précédant le licenciement (Cass. soc. 6 juil. 1999, n° 97–41036) ou encore les résultats négatifs de l'entreprise dus aux prélèvements personnels de l'employeur, supérieurs au chiffre d'affaires (Cass. soc. 5 oct. 1999, n° 97–42057).
De même, la Chambre sociale de la cour de cassation a estimé dans son arrêt rendu en date du 27 mai 1998 (n° 96–41327) que la seule perte d’un marché ne permet pas d'établir la réalité des difficultés économiques. Cette solution est intéressante car dans l’arrêt d’espèce du 28 janvier 2014, l’employeur évoquait également la perte d’un marché. Mais si le licenciement pour motif économique a pu être validé, c’est parce que cette perte a eu une incidence sur la cessation d’activité.
Par l’arrêt précité du 16 janvier 2001, la Cour de cassation a consacré la cessation d’activité comme un motif autonome de licenciement. Ainsi, dès lors qu’elle n’est pas liée à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable, qu’elle est totale et définitive, la cessation d’activité constitue ainsi une cause réelle et sérieuse suffisante. De plus, l’employeur n’a pas à démontrer que la fermeture trouve sa cause dans des difficultés économiques ou dans la nécessité de sauvegarder la compétitivité.
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