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Commentaire d'arrêt Conseil d'Etat 6 mars 2019 Coulibaly

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Par   •  6 Février 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  2 765 Mots (12 Pages)  •  324 Vues

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Commentaire d’arrêt : CE, Coulibaly, 06.03.2019

        « L’acte administratif unilatéral traduit l’inégalité dans les relations administration-administrés. En effet, par cet acte l’Administration peut conférer des droits et imposer des obligations aux administrés ». Mais au-delà, est-ce que l’administration peut revenir sur les droits et obligations qu’elle aurait créé unilatéralement ? On cherche à savoir si l’administration possède un pouvoir unilatéral de retour. C’est la question qu’a eu à se poser le Conseil d’Etat dans l’arrêt Coulibaly du 6 mars 2009.

        En l’espèce, un homme a obtenu le grade de docteur de la part de l’université de Montpellier en 1992 ainsi que le diplôme de docteur en chirurgie dentaire en 1993, celui-ci ayant été délivré par l’institut d’odonto-stomatologie d’Abidjan. Il a, par la suite, poursuivi sa formation en France et obtenu trois certificats d’études supérieures. Le médecin a acquis la nationalité française en 2003 et a été inscrit en 2004 au tableau de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère en vue de l’exercice de sa profession comme salarié.

Mais, alors qu’il a sollicité un transfert de résidence professionnelle en Isère, le conseil départemental a décidé, le 4 juillet 2006, de mettre fin à son inscription au tableau de l’ordre, estimant qu’il ne satisfaisait pas à la condition de diplôme telle que prévue à l’article L.4111-1 du code de la santé publique. Cette décision a ensuite été confirmée par le conseil régional de Rhône-Alpes. L’homme a sollicité l’annulation de cette décision pour excès de pouvoir.

Le conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes peut-il abroger sa décision d’inscription d’un médecin au tableau de l’ordre pour non-respect de la condition de diplôme deux ans après avoir procédé à cette inscription ?

Le Conseil d’État répond par la négative et annule la décision de la section disciplinaire du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes du 22 décembre 2006 au motif que, hors le cas où il s’agit de répondre à la demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans les quatre mois suivant l’intervention de cette décision et si elle est illégale, sauf en cas de fraude. Ainsi, s’il appartient bien au conseil départemental, selon l’article L.4112-1 du code de la santé publique, de tenir à jour le tableau de l’ordre et de radier les praticiens qui ont cessé de remplir les conditions pour y figurer. Il ne peut décider, après quatre mois, de radier un praticien du seul fait du non-respect de la condition de diplôme au moment de son inscription. Or en l’espèce, il ne résulte pas de l’examen des pièces du dossier que le requérant ait eu recours à des manœuvres frauduleuses pour obtenir son inscription, de sorte le conseil départemental ne pouvait, deux ans après, décider de mettre fin à son inscription au tableau.

Dans sa solution, le conseil d’État qualifie une décision créatrice de droit acquis (I) et précise un régime jurisprudentiel de retrait et d’abrogation des actes administratifs créateurs de droits (II)

  1. La qualification d’une décision créatrice de droit acquis

Le Conseil d’État estime que la décision d’inscription au tableau de l’ordre des médecins est une décision créatrice de droit (A) tout en considérant que le conseil départemental ne pouvait radier le praticien sans méconnaitre les droits que celui-ci avait acquis grâce à la décision d’inscription (B).

  1. Un acte administratif créateur de droit

Le Conseil d’Etat qualifie la décision d’inscription au tableau de l’ordre des médecins prise par le conseil départemental de décisions créatrices de droits. Cette décision crée des droits au profit de son bénéficiaire qui peut par la suite les opposer aux tiers et notamment à l’administration.

Comment reconnaitre une décision créatrice de droits ?

D’abord, une décision créatrice de doit être individuelle. Il y a cette idée qu’une décision Réglementaire au sens matériel, actes du pouvoir réglementaire qui comprennent des règles générales et impersonnelles. Elles ne créent pas de droit, elles font du droit. Elles imposent des règles qui s’imposent à tous. Alors que l’acte individuel est un acte administratif unilatéral concernant une personne nommément désignée. Cet acte va pouvoir faire bénéficier des droits ou imposer des obligations à la personne. En vertu de cette dichotomie, on comprend difficilement comment est- ce qu’un acte impersonnel et général pourrait créer des droits au profit de quelques individus. Dans cet arrêt, il n’y a pas de doute sur le fait que c’est un acte individuel. Par ailleurs, il ne fait pas de doute non plus sur le fait que cette décision est créatrice de droit. Par un raisonnement à contrario, tous les actes administratifs unilatéraux individuels ne sont pas créateurs de droit. Ne le sont pas notamment les actes qui sont dit recognitifs. Une décision recognitive n’est pas créatrice de droit car elle se borne à reconnaître l’existence d’une situation déterminée ou l’existence et l’étendue d’un droit déterminé.  La décision d’inscription au tableau ne fait pas partie des actes individuels non créateurs de droit. En effet, ce n’est pas une décision. Or l'inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'est pas purement recognitive. Elle suppose, au-delà de la simple vérification de la condition de nationalité, que le conseil départemental vérifie certaines conditions prévues par le code de la santé publique et énoncées par le Conseil d’Etat. Cet arrêt suggère d’ailleurs que ces conditions doivent faire l’objet d’un véritable contrôle, pas d’un constat. En conséquence, elle autorise son bénéficiaire à exercer l'art dentaire alors que, sans cette inscription, cet exercice est illégal. Elle vaut donc affirmation de ce que, à la date à laquelle il y est procédé, son bénéficiaire remplit toutes les conditions d'exercice de la profession. Elle produit ainsi des effets juridiques favorables à son bénéficiaire. Par ailleurs, il n’apparait pas que la décision ait été obtenue par fraude selon les faits. Or, fraus omnia corrumpit, la fraude corrompt tout, adage de droit privé qui peut être repris ici. Si la décision avait été obtenue par fraude, elle n’aurait pu produire aucun effet.

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