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Commentaire d'arrêt, Conseil d'Etat, 17 avril 2020

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Par   •  25 Janvier 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 946 Mots (12 Pages)  •  1 488 Vues

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Commentaire d’arrêt – Conseil d’Etat, 17 avril 2020

   Le Conseil d’Etat, dans un arrêt de rejet, rendu le 17 avril 2020, ayant eu les honneurs du bulletin, se prononce sur les pouvoirs de police générale du maire en période de crise sanitaire.

   En l’espèce, le maire de la commune de Sceaux a pris un arrêté le 6 avril 2020 obligeant toute personne de plus de 10ans à porter un masque lors des déplacements dans l’espace public en raison de l’épidémie de Covid19.

   Cependant, la Ligue des droits de l’Homme demanderesse, a assigné la commune de Sceaux, défenderesse sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales afin d’obtenir l’annulation de l’arrêté du 6 avril 2020 relatif au port du masque obligatoire dans la commune. Les juges de première instance ont accueilli la Ligue des droits de l’Homme de sa demande. Un appel est interjeté. La cour d’appel a confirmé le jugement. Un pourvoi est alors formé par la commune de Sceaux.

   Le maire de Sceaux estime avoir pris cet arrêté conformément à ses pouvoirs de police générale lui permettant de prendre des mesures nécessaires notamment au bon ordre et à la salubrité publique dès lors que cet arrêté fait état de circonstances locales de nature à justifier son intervention parallèlement à la police spéciale. En effet, le maire de Sceaux a pris cet arrêté dans le but de protéger la population composée à 25% de personnes âgées et vulnérable et afin de prévenir la transmission du virus dans les lieux de rassemblement. Il estime que l’arrêté ne portait en aucun cas atteinte à la liberté de circulation puisque les personnes pouvaient continuer à circuler en portant un masque. De même, elle ne portait pas atteinte au respect de la vie privée et familiale et à la liberté du commerce et de l’industrie qui peuvent s’exercer malgré le port du masque. Ainsi, en l’espèce, le maire de Sceaux estime que son arrêté est nécessaire, adapté et proportionné à l’objectif de protection de la population contre une épidémie.

   Le maire était-il en capacité de prendre des mesures de police générale visant à protéger la population d’un virus alors qu’une police spéciale existait déjà dans le domaine ?

   Le Conseil d’Etat répond par la négative et rejette le pourvoi. Il considère en effet que la commune de Sceaux n’avait pas à prendre de telles dispositions alors qu’une police spéciale avait déjà pris des mesures. Le Conseil d’Etat estime de plus qu’il n’existait alors pas de motifs impérieux propres à la commune de nature à justifier ces prises de décisions, que de plus ces décisions venaient contredire les mesures prises par l’Etat à travers la police spéciale et qu’enfin ces mesures portaient atteintes de façon démesurer à des libertés fondamentales.

   C’est ainsi que nous verrons dans un premier temps quelles sont les limites aux pouvoirs de police générale (I.) puis nous nous intéresseront plus en profondeur à la position du Conseil d’Etat dans cette période exceptionnelle qui peut être critiquable (II.).

  1. Les pouvoirs de police générale : la pose des limites

   Les pouvoirs de police générale exercés par le maire peuvent se voir limiter dû à la présence d’une police spéciale (A.) et si les mesures de police générales nécessitent quelques fois la limitation de certaines libertés fondamentales, elles doivent se faire proportionnellement à leur atteinte (B.).

  1. La présence d’une police spéciale restreignant les pouvoirs de police générale

   Le régime de la police spéciale vient remplir les fonctions de sauvegarde de l’ordre là où la police générale ne le fait pas. En l’espèce, la police spéciale relative à la crise d’urgence sanitaire instituée par la loi du 23 mars 2020 ne fait en principe pas obstacle à la compétence de police générale (énoncé par l’article 2212-1 Code Général des Collectivités Territoriales) que possède le maire qui est censé pouvoir prendre des mesures à l’échelon communal en termes de salubrité notamment (consacré par la loi du 5 avril 1884). Cependant, le principe veut que pour que le maire prenne des mesures en parallèle d’une police spéciale qui en prend déjà, il faut le justifier par des mesures impérieuses et urgentes à l’échelle communale. Il faut par ailleurs que ces mesures de police générale ne soient pas en contradiction avec celles de police spéciale qui agit quant à elle à l’échelon national. Ici, suite à l’urgence sanitaire, le Premier ministre ainsi que le ministre chargé de la santé prennent des mesures qui s’appliquent à l’échelle nationale de sorte à lutter contre l’épidémie.

   En l’espèce, le maire de Sceaux a jugé bon, en utilisant ses pouvoirs de police générale, d’obliger toute personne de plus de 10ans à circuler dans sa commune afin d’éviter la propagation du virus et de protéger ainsi sa population. Il justifie l’obligation par une forte concentration de personnes âgées dans sa commune, personnes jugées vulnérables par le ministre en charge de la santé et devant faire l’objet d’une protection toute particulière. De plus, il pose un argument géographique et architectural dans le sens où certains endroits de la ville sont des lieux étroits rassemblant une partie des commerces, qui peuvent alors faire l’objet de rassemblements à certains horaires de la journée. Tout cela amène le maire de Sceaux à prendre des mesures visant à protéger sa population comme l’y autorise ses pouvoirs de police générale en matière de salubrité. Cependant, le Conseil d’Etat rejette ces arguments dans son considérant 11 au motif qu’ils ne constituent pas des motifs impérieux spécifiques à sa commune.

   Le Conseil d’Etat justifie sa décision souverainement. En effet, on peut facilement supposer que la situation exceptionnelle de la pandémie a amené une toute nouvelle jurisprudence et que cet arrêt du 17 avril 2020 concernant la place de la police générale en cette période en est une. Le Conseil d’Etat a donc justifié qu’il ne s’agissait pas là de motifs impérieux en ne se basant sur aucune jurisprudence ancienne ni aucune quantification prédéfinie concernant la densité de la population ou l’architecture rurale. Ainsi le Conseil d’Etat estime souverainement que le maire de Sceaux n’avait pas à prendre de telles mesures à l’échelle de sa commune car d’une part la police spéciale fait normalement obstacle mais d’autre part que les raisons invoquées liées aux circonstances locales ne sauraient être selon lui impérieuses. De plus, les motifs avancés par le maire de Sceaux viennent porter atteinte à des libertés fondamentales.

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