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Arrêt Marc Robert - 30 décembre 2010

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Par   •  16 Novembre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  2 273 Mots (10 Pages)  •  2 624 Vues

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COMMENTAIRE D’ARRÊT

CE Sect., 30 décembre 2010, « M. Marc Robert » :

         « Il ne faut pas se dissimuler que, depuis quelques temps, le Conseil d'État se trouve à l’étroit dans ses pouvoirs d’annulation que lui confère le recours pour excès de pouvoir ». Cette citation de Maurice HAURIOU, présente dans ses notes sous l’arrêt « Daraux » du début du XXe siècle, a été prémonitoire de la situation actuelle qui reconnaît au juge administratif un pouvoir de modulation dans le temps des effets de l'annulation d'un acte administratif. 

L’application de ce principe en date du 30 décembre 2010 a fait grand bruit en raison du contexte politique dans lequel il intervenait. En effet, cette décision clôt un combat juridique mais avant tout politique mené par le requérant, qui du fait de ses protestations envers diverses réformes, et notamment la suppression du juge d’instruction, s’était vu « nommé » d’office par le pouvoir exécutif aux fonctions de Haut Magistrat.

Ainsi, dans un arrêt du 30 décembre 2010, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité de son décret de nomination aux fonctions d’avocat général près la Cour de Cassation, rappelant par la même occasion ses compétences quant à l’adaptation des conséquences de ses décisions.

En l’espèce, le requérant a été nommé avocat général à la Cour de Cassation par un décret du 23 juin 2009 du Président de la République alors qu’il était procureur général près la Cour d’Appel de Riom.

Celui-ci cherche à annuler ledit décret et il demande par la même occasion l’annulation d’un décret du 3 juillet 2009, qui nomme un procureur général près la Cour d’appel de Riom comme son successeur. Deux syndicats de magistrats, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats, ont soutenu ces demandes. 

Le défaut de consultation du Conseil Supérieur de la Magistrature dans la nomination d’un magistrat du parquet peut-elle entacher sa régularité ?

Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative et annule les deux décrets. En effet, bien que le président de la formation restreinte pour préparer les avis du Conseil ait rendu un avis favorable quant à cette nomination, le Président de la séance plénière du Conseil Supérieur de la magistrature, en l’occurrence le garde des sceaux suppléant le Président de la République, a différé l’examen du projet de nomination bien qu’il ait « rendu compte de la recommandation formulée ». Le Conseil d’Etat estime qu’au vu des conditions d’espèce, il « ne peut être regardé comme ayant donné son avis sur la nomination en litige dans les conditions prévues à l’article 65 de la Constitution ». Dans un souci de sécurité juridique, le Conseil d’Etat décide de différer l’application de cette décision trois mois après qu’elle ait été rendue et que ses effets ne valent que pour l’avenir.

Le non-respect d’une condition de consultation prévue par la Constitution en matière de procédure administrative peut-elle justifier la modulation des effets de l’annulation d’une décision ?

Le Conseil d’Etat rend ici une décision exigée par un vice de procédure (I) mais décide d’utiliser ses compétences en matière de modulation des effets de l’annulation pour encadrer et faciliter l’application de ses décisions (II).

  1. Une annulation justifiée par le respect de la procédure administrative

Le Conseil d’Etat affiche ici les garanties constitutionnelles dévolues à la procédure administrative et notamment la nomination des magistrats du parquet (A) et rend une décision justifiée par le non-respect des conditions inscrites dans la Constitution (B).

  1. Le respect de la procédure administrative garantie par la Constitution

La décision du 30 décembre 2010 rendue par le Conseil d’Etat met en lumière les garanties constitutionnelles dont bénéficient certaines procédures administratives. En l’espèce, l’arrêt soulève la protection relative à la nomination des magistrats du parquet. En effet, l’article 65 de la Constitution précise l’organisation et les compétences du Conseil Supérieur de la magistrature (CSM). Ainsi, cet article constitue le fondement juridique de cette décision puisqu’il précise que le CSM « donne son avis pour les nominations concernant les magistrats du parquet, à l'exception des emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres. » De plus, deux décrets permettent d’apprécier la procédure de nomination des magistrats du parquet. L’article 38 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique dispose que « Les magistrats du parquet placés hors hiérarchie sont nommés par décret du Président de la République après avis du Conseil supérieur de la magistrature. ». En outre, l’article 35 et 36 du décret du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature précisent les modalités de réunion et de direction du Conseil Supérieur de la Magistrature et de son ordre. Ces dispositions de valeur constitutionnelles constituent à la fois une notice de procédure administrative mais permettent également au justiciable de se prévaloir de toute forme de vice de procédure puisqu’elles constituent de véritables protections constitutionnelles à l’égard du public. La décision rappelle ainsi quels étaient, en l'état du droit antérieur à la réforme constitutionnelle de 2008, les rôles respectifs du président de la République, du ministre de la Justice et du Conseil supérieur de la magistrature en matière de nomination des magistrats. L'annulation repose alors sur les pouvoirs dévolus au garde des Sceaux lorsqu'il préside le Conseil supérieur de la magistrature en sa qualité de suppléant du président de la République et souligne également l'importance de la consultation du CSM qui constitue une garantie de rang constitutionnel.

  1. Une décision justifiée par un vice de forme en matière de procédure consultative

Le Conseil d’Etat conclue en l’espèce à un vice de forme substantielle. En effet, bien que l’avis de la formation compétente désignée antérieurement à la réunion du Conseil Supérieur de la Magistrature ait été favorable à la nomination et qu’il ait été traduit devant le CSM, les circonstances du cas d’espèce ne réunissent pas toutes les conditions exigées par les dispositions constitutionnelles. Ainsi, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice assurait la suppléance de la présidence du CSM, conformément aux dispositions de l’article 65 de la Constitution et bénéficiait de l’intégralité des attributions réservées au président en sa qualité de suppléant. C’est dans son bon droit qu’il a pu décider de différer la nomination de l’ordre du jour de la réunion. Ce point de détail de la procédure constitue pourtant tout le nœud de la procédure. En l’absence de l’examen de la nomination à l’ordre du jour, le CSM « ne peut être regardé comme ayant donné son avis sur la nomination en litige dans les conditions prévues à l’article 65 de la Constitution ». Ainsi, le Conseil d’Etat n’aurait pas pu rendre une décision différente dès lors qu’un défaut de consultation du CSM est établi et ce malgré l’avis positif rendu par la formation compétente antérieurement à la tenue du Conseil. Dès lors, cette décision montre que le juge administratif permet de vérifier la constitutionnalité des décrets. En effet, cette décision s’inscrit dans le mouvement de constitutionnalisation des branches du droit administratif et consacre l’office du juge administratif comme étant celui qui examine la constitutionnalité des actes réglementaires. Ces liens étroits entre Constitution et droit administratif ont notamment été mis en lumière par le doyen Vedel qui en 1954 écrit déjà dons son article « les bases constitutionnelles du droit administratif » que « la Constitution est la base nécessaire des règles dont l'ensemble compose le droit administratif ». Il faut donc voir dans cette décision l’importance que prennent les sources constitutionnelles dans le droit administratif mais aussi du respect de la constitutionnalité des acres auquel s’attache le Conseil d’Etat. En effet, ce simple avis qui fonde ici toute l’annulation du décret peut apparaître comme accessoire et la décision excessive au regard de l’atteinte de ce défaut de consultation. Le Conseil d’Etat s’est donc tenu de respecter précisément la procédure énoncée par la Constitution, ce qu’il n’aurait peut-être pas fait pour des dispositions moins importantes dans la hiérarchie des normes.

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