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La certitude est-elle le signe d’une pensée morte?

Dissertation : La certitude est-elle le signe d’une pensée morte?. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  1 Octobre 2022  •  Dissertation  •  3 335 Mots (14 Pages)  •  608 Vues

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   La certitude est-elle le signe d’une pensée morte?

                                      Nous avons l’habitude de faire un lien entre la vérité et la certitude; mais quel est la nature de ce lien? La pensée se meut , se développe d’une affirmation à une autre, d’une négation à une autre; dans ce mouvement se constituent la vérité et l’erreur. Pourquoi faut-il que ce qui est vrai, apparaisse, en plus, comme certain à la conscience qui acquiesce? La vérité serait donc la cause de la certitude subjective que nous ressentons. La certitude serait le signe de la vérité comme la fumée est le signe du feu. Il y aurait donc deux plans, celui d’une conscience qui s’affirme certaine et celui d’une pensée vraie. La certitude serait le moyen pour une conscience de s’approprier une pensée qui lui resterait extérieure. Notre conscience reconnaîtrait la vérité d’une idée, en y apportant son adhésion. Mais quel rapport faire entre la vérité et une pensée morte? Au contraire la vérité n’est-elle pas la fin qui met en mouvement la pensée? La fin impose une tension à une pensée inquiète, à la recherche de la vérité, donc d’une pensée qui, prise dans le temps de son mouvement interne, est vive. Alors la conscience de cette inquiétude de la pensée se manifeste comme incertitude, voir doute sur la possibilité d’atteindre ce but. En revanche, si ce but semble atteint, définitivement peut-être, la pensée peut se reposer; cette quiétude a pour signe la certitude; elle est, alors, bien ici l’effet d’une pensée au repos donc, en un sens, d’une pensée morte; mais cette mort n’est-elle pas le signe d’une éternité enfin conquise?Ou bien, la pensée ne pouvant échapper au temps, la certitude serait le signe d’une pensée dépassée, tombée dans l’histoire? L’idée se serait épuisée, aurait perdu ses capacités créatrices, deviendrait pur objet de mémoire; malgré sa présence apparente, elle serait morte. Si l’essence de la pensée est d’avoir des idées, peut-on espérer que la pensée échappe au temps, se devine comme éternelle, en prenant une conscience certaine de son pouvoir à produire le vrai? Ou bien faut-il, croire que notre pensée n’a de certitude que dans la mesure où elle pense une idée n’appartenant plus qu’à l’histoire, répétant mécaniquement les vérités du passé?

                                                      En premier lieu, il convient de réfléchir à la simple possibilité qu’aurait la pensée de produire en nous la certitude. Nous lions de fait, une certaine force de l’impression, voir de la sensation à la certitude; et à l’origine de toutes nos idées nous avons une tendance naturelle à exhiber une sensation. Ainsi, pour confirmer à quelqu’un la présence d’une personne, nous affirmons  fortement:” J’en suis certain, il est là , je te dis que je l’ai vu!”; si notre compagnon ne veut pas y croire, reste donc incertain, nous ne connaissons qu’un moyen pour confirmer cette certitude, le mettre lui-même en présence de la chose même. La vivacité de l’impression immédiate produira la certitude de notre sceptique. Comme le souligne Hume, dans l’enquête sur l’entendement humain, lorsque des pensées”opèrent avec la plus grande vigueur, c’est qu’elle représentent leur objet d’une manière si vivante que nous pouvons presque dire que nous les touchons ou les voyons.” Il semble donc bien que loin d’être le signe d’une pensée morte, la certitude soit le signe d’une idée vive, du souvenir d’une impression dont la force vive nous engage à y adhérer. Pourtant, la plupart du temps, lorsque nous affirmons notre certitude, c’est que la sensation est absente. Si, nous sommes certains que le feu brûle, c’est parce que nous nous sommes brûlés par le passé. Le souvenir ramène donc à la présence une idée dont la vivacité a disparu. Nous sommes donc certains de ce dont notre mémoire  conserve la trace. Mais une trace mnésique, n’est-ce pas une pensée en train de mourir. La certitude la ramène alors à la vie. Mais de quel droit?

                                          En effet, si toute la vie de la pensée tient dans la plus ou moins grande vivacité avec laquelle une idée impose sa présence, lorsque nous nous éloignons de l’impression, nous perdons ce qui fait la vie de l’idée. Notre pensée se développe pourtant en dépassant sans cesse ce qui en droit nous autorise à être certain. Nous sommes certains que le soleil se lèvera demain. Ne s’agit-il pas d’une simple croyance subjective? Nous pensons que ce qui s’est produit se produira encore.”L’accoutumance est donc le grand guide de la vie humaine”(Hume, idem).Ce qui nous persuade, c’est la reproduction habituelle du même événement. Mais de cette persuasion dont  nous sentons bien la subjectivité, pouvons-nous faire une conviction?Notre certitude fait d’une idée vivace une chose en soi. L’idée devient ainsi un dogme. Ce qui avait une vivacité et était soumis à disparition et apparition, devient par habitude subjective une idée fixe, toujours identique à elle-même. Nous risquons alors sans cesse de ne pas voir une nouvelle expérience qui contredirait la valeur d’une pensée qui a le poids de la tradition. Le seul moyen de ranimer notre pensée n’est-il pas d’examiner sans cesse nos idées au moyen du doute?

                                Si la pensée n’a de vie que par le continuel renforcement des sensations qui enrichissent son expérience, il faut, pour lui redonner vie, dépoussiérer ses vieilles certitudes qui ne sont que des impressions moribondes. Pour cela, notre tendance à anticiper l’avenir à partir du passé, à transformer en réalité en soi ce qui ne vaut que pour nous, doit être soumise au doute de façon à ce que notre expérience du présent soit ouverte. Ainsi dire à un habitant des Indes que l’eau peut devenir solide sous l’effet du froid et qu’un éléphant peut alors marcher sur l’eau, s’est s’apprêter à subir le poids de sa certitude que l’eau est toujours liquide. Il n’acceptera pas la nouvelle idée. Mais ce qui est vrai de l’indien  l’est aussi pour nous. Nous sommes certain qu’une boule de billard qui en rencontre une autre projettera la seconde dans la direction nécessitée par la nature du choc et avec une impulsion due à la force de la première. Et pourtant qu’est-ce qui fonde notre certitude?L’idée paraît bien vivace, mais n’y a-t-il pas possibilité d’envisager que d’autres conditions transformeraient notre habitude et ainsi renverseraient notre certitude. Celle ci est ainsi toujours le produit de notre dogmatisme quotidien qui induit de ce qui s’est passé une fois ce qui se passera toujours. Notre réflexion montre qu’une pensée vivante ne doit jamais se reposer et doit suspendre tout jugement définitif pour maintenir son attention éveillée au monde. Pour ne pas se tromper elle-même, elle ne doit pas se terminer, se déterminer et donc s’achever dans la certitude. Pour rester vive il lui faut donc douter. Mais qu’en est-il de ce doute? Parce que nous ne pouvons jamais prouver définitivement ce que nous croyons, il faut douter. Il s’agit en réalité d’un doute qui se laisse prendre au piège de la certitude sensible. A chaque nouveau renforcement d’une idée il devra répéter inlassablement: rien n’est certain sinon l’impression immédiate qui donne vie dans la présence à notre pensée. Quoiqu’il en soit aucun raisonnement ne sera légitime sinon le raisonnement qui suspend tout pouvoir à la raison. Conçu pour redonner vie à la pensée notre doute sceptique n’en fait que tuer l’élan hors du dogme de la sensation présente.

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