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Peut-on Partager Des Intérêts ?

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Par   •  13 Mars 2013  •  10 132 Mots (41 Pages)  •  1 200 Vues

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A première vue, partager des intérêts paraît à la fois impossible, et nécessaire. Impossible dans la mesure où l'intérêt, prenant sa source dans l'amour de soi, signifie immédiatement la recherche d'un avantage dont l'individu est le bénéficiaire exclusif. L'intérêt est lié aux appétits individuels, et par conséquent, il porte en lui une conflictualité qui peut être latente ou manifeste, et qui rend l'idée même d'un partage des intérêts contradictoire, c'est ce qu'observait Durkheim en soutenant que les intérêts divisent les hommes, portent au conflit et à la désunion, plutôt qu'à l'entente et à la concorde. Cependant, l'opposition et le conflit ne sont-ils pas préjudiciable aux intérêts eux mêmes ? Et n'est-il pas dans l'intérêt des intérêts que les hommes s'accordent ? Dans ce cas, l'accord des intérêts semble nécessaire aux intérêts eux mêmes. Mais comment penser un tel accord ? Sous quelle forme le partage des intérêts est-il envisageable ? Est-ce qu'il s'agit de s'accorder sur les moyens de satisfaire nos intérêts individuels ? Dans ce cas, l'échange apparaît comme le point de convergence des intérêts particuliers, c'est la position d'Adam Smith. Mais s'agit-il d'un véritable partage ? Le partage n'implique-t-il pas le dépassement des intérêts particuliers, et la commune participation à un même intérêt définit comme bien commun ? Mais si l'on considère que les seuls intérêts qui sont naturellement donnés se sont les intérêts particuliers, comment l'émergence d'un tel intérêt est-elle possible ?

{Première partie}

Lorsqu'on dit d'un individu qu'il agit de manière intéressée, ou qu'il suit sont intérêt, qu'il défend ses intérêts … on entend par là que son attitude est guidée par la recherche d'un avantage dont-il tire tous les bénéfices en tant que particulier. L'intérêt est toujours mon intérêt, il est toujours particulier, dans la mesure où il décrit la manière dont le particulier se rapporte à lui même dans le recherche d'une satisfaction strictement individuelle. L'intérêt est ainsi solidaire d'une valorisation du moi, et la preuve en est que lorsque le centre de gravité d'une action ou d'une conduite, n'est plus moi mais l'autre, on ne parle pas d'intérêt, mais de désintéressement. L'intérêt est par nature polarisé sur le moi et (ce qui préfigure un partage des intérêts ?) sur les avantages individuels qu'il peut retirer de son action ou de sa relation avec les autres. D'ailleurs, à quoi renvoie la notion d'intérêt dans son sens premier ? Elle renvoie initialement à la pratique de l'usure. L'intérêt c'est le bénéfice retiré de l'argent prêté, le profit que l'on réalise au moyen de l'argent lui même. L'intérêt c'est le bénéfice pécuniaire obtenu au moyen de l'argent. Aristote le souligne dans Les Politiques 1258a5 : « L'intérêt est de l'argent naît de l'argent. ». Le mot grec pour intérêt est tokos qui signifie le produit de l'argent prêté, l'usure, tout comme il désigne la progéniture. Le rapport qu'il y a entre ces deux significations c'est qu'elles renvoient l'une et l'autre au même principe, à savoir le principe selon lequel le même engendre le même en se multipliant. L'intérêt c'est la progéniture de l'argent. Alors cette signification première permet de mettre en relief à la fois la fin poursuivie (le profit) et le principe moteur (le désir d'enrichissement), lié à l'égoïsme primitif de tout un chacun. L'intérêt est par nature égoïste, ce qu'affirmera Rousseau en disant que lorsque l'intérêt inspire la conduite des hommes, chacun est conduit « à faire plus de cas de soi que de tout autre. ». Dans ces conditions, l'intérêt apparaît comme un principe de division entre les hommes, davantage que comme une source d'entente et d'accord. Les intérêts ne s'affirment eux mêmes qu'à travers leurs propres antagonismes. Par conséquent, aussi longtemps que les hommes sont animés par le soucis exclusif de leurs intérêts, ils ne peuvent que s'opposer les uns aux autres, sur le modèle de cette guerre de chacun contre tous, qui d'après Hobbes caractérise l'état naturel de l'humanité. Ainsi, partager des intérêts paraît contradictoire si l'on estime que le désir d'intérêt exclut, par nature, le souci de l'autre et la volonté de partage. De ce fait, l'intérêt divise les hommes plutôt qu'il ne les unis, il fait d'eux des ennemis plutôt que des partenaires et des amis, et il alimente le sentiment d'hostilité mutuel, ce que remarque Rousseau lorsqu'il dit, « les hommes sont portés à s'entrehaïr à proportion que leurs intérêts se croisent ». L'idée de partage au sens d'une mise en commun semble contredite et rendue impossible par le privilège que chacun accorde naturellement à ses intérêts. On peut dire que les intérêts partagent les hommes au sens où ils les divisent, plutôt qu'ils ne font l'objet d'un partage au sens d'une commune participation. Les intérêts renvoient chacun dans la sphère privée de son bien propre et exclusif, et tend à atomiser la société. L'intérêt apparaît comme une vecteur de distinction, d'opposition. Une société où les intérêts dominent c'est une société divisée en autant de parti qu'il y a d'intérêt. Or, lorsque l'intérêt des parties prime sur l'intérêt du tout, on a affaire à une agrégation et non pas à une véritable association. Au contraire, une société où il y a du partage c'est une société où l'intérêt des parties est transcendé par une volonté de cohésion et d'entente. Autrement dit, c'est une société où la préservation et le renforcement des liens, priment sur le soucis individuel d'appropriation des biens. C'est une société qui se construit contre cette logique, marquant à quel point la logique des intérêts et celle du partage peuvent être opposées et contradictoires. Qu'il y ait un antagonisme entre la logique des intérêts et celle du partage est ce qui peut être illustré à partir de données ethnologiques. Les types de sociétés qu'étudient les ethnologues (comme Claude Levi-Strauss) sont des sociétés holistiques (≠ individualiste) : des sociétés qui affirment la prévalence du tout sur les parties (alors qu'au contraire dans nos sociétés dites « modernes », l'individu

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