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Peut-on Assimiler Le Vivant à Une Machine ?

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Par   •  10 Juin 2012  •  3 932 Mots (16 Pages)  •  2 797 Vues

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Assimiler quelque chose à, c’est traiter comme semblable. L’assimilation est une opération de l’esprit

par laquelle on réduit les différences. Elle suppose donc la priorité de la différence des termes que l’on

va assimiler l’un à l’autre. On n’assimile pas un chat à un chat, cela n’a pas de sens. D’où une remarque

importante : l’assimilation n’est pas une stricte identification. Il est fort possible de traiter quelque chose

comme semblable à autre chose sous un certain rapport, tout en maintenant une différence entre les

deux termes en question, en eux-mêmes ou sous un autre rapport. Assimiler le vivant à une machine

n’implique pas une identification stricte, à moins de supposer que seule une réelle identité de nature

entre le vivant et la machine autorise l’esprit à assimiler le premier à la seconde. Faut-il supposer

une identité de ce type pour que l’assimilation soit légitime ? Faut-il supposer que le vivant n’est en

lui-même rien d’autre qu’une machine ? Mais si c’était le cas, si le vivant n’était rien d’autre qu’une

machine pourquoi faudrait-il déployer tant d’efforts et d’ingéniosité, de ruse, pour l’y assimiler ? Ces

efforts devraient alors être consacrés à le distinguer de la machine.

Les questions liées de la possibilité et de la légitimité de l’assimilation du vivant à la machine impliquent

nécessairement, pour leur résolution, la question de la finalité de cette assimilation. Historiquement

cette assimilation a pour fin la connaissance du vivant.

Que signifie assimiler le vivant à une machine ? C’est affirmer que les phénomènes vitaux peuvent être

expliqués suivant les lois de la mécanique et donc qu’il y a une unité des phénomènes naturels, qu’il

s’agisse des êtres inanimés ou des êtres animés. La biologie n’est alors rien de plus qu’un prolongement

de la physique comme l’est la mécanique dans la représentation cartésienne de l’ensemble de

la philosophie, c’est-à-dire l’étude de la sagesse, c’est-à-dire de l’ensemble du savoir, sous forme d’un

arbre dont le tronc est la physique et l’une des plus hautes branches la mécanique (les deux autres

étant la médecine et la morale).1

Sommes-nous autorisés cependant à opérer cette assimilation ? Oui, si le mécanisme permet une

connaissance du vivant et ceci est le cas si les phénomènes vitaux peuvent être connus par des lois

physico-chimiques. En est-il ainsi ? N’y a-t-il pas une hétérogénéité radicale entre le vivant et la machine ?

N’est-ce pas la différence qui frappe d’abord ?

Pour la résolution de ces problèmes, il faut commencer par se demander ce qui caractérise en propre

le vivant par rapport à l’inanimé, pour ensuite se demander si on peut considérer que ces caractères

propres fonctionnent suivant les lois de la mécanique. Ce qui nécessite une interrogation sur la notion

de machine et la prise en compte de l’évolution et de la complexification des machines.

L’être vivant est un organisme doté de certaines capacités : il peut s’auto-réguler, se reproduire, croître

et dégénérer. Lorsque ces caractères sont présents, on peut parler d’êtres vivants. Faut-il supposer

l’existence d’une force spécifique à l’oeuvre dans l’accomplissement de ces fonctions, une sorte de

force vitale différente dans sa nature des forces qui opèrent dans le monde physico-chimique de la

matière inanimée ? Cette hypothèse préserve la spécificité du vivant mais risque d’introduire en lui

quelque obscurité qui le rendrait impénétrable et imperméable à la connaissance scientifique. Par

opposition à cela, l’assimilation du vivant à une machine en rend possible une connaissance scientifique.

Mais ne risque-t-on pas d’avoir alors affaire à une « biologie réduite » selon l’expression de Georges

Canguilhem ?2 « Biologie réduite » qui annule en effet l’objet biologique en tant que tel, qui efface sa

spécificité par rapport à l’objet physique.

Le problème, on l’a compris, est celui d’une approche légitime du vivant. Qu’est-ce que connaître le

vivant en tant que tel ? Pour répondre, il faut se demander ce qu’il est et si on peut le connaître indépendamment

de la vie. Si c’est le cas, l’assimilation à une machine est légitime. Mais alors, on réduit

le vivant au corps. En assimilant le vivant à une machine, on compose un modèle théorique qui permet de rendre compte des phénomènes vitaux, mais on saisit uniquement le corps et non la vie.

L’idée de vivant renvoie cependant spontanément (peut-être trop spontanément d’ailleurs) à celle

d’intériorité. Intériorité dont fait l’expérience l’être vivant qui étudie la vie et ses manifestations. Ce

qui apparaît d’emblée, c’est qu’il n’y a pas de ressemblance extérieure entre une machine et le vivant.

De plus, on a tendance à prêter au vivant une sensibilité, une intériorité, alors que ce n’est pas le cas

pour la machine. L’écart paraît trop important pour autoriser une assimilation. La machine est produite

par l’homme pour servir

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