La société peut-elle faire sans religion ?
Thèse : La société peut-elle faire sans religion ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar happyred • 27 Janvier 2014 • Thèse • 2 575 Mots (11 Pages) • 745 Vues
La société peut-elle se passer de religion ?
De fait, les religions sont en recul dans les pays occidentaux. De moins en moins de gens pratiquent. D’ailleurs, ont-ils encore le souci de la transcendance, du « tout-Autre ? Rien n’est moins sûr. Il semble que ces sociétés modernes puissent se passer de toute référence à la religion. Le fondement et le fonctionnement de la société seraient donc autonomes par rapport à une référence au sacré, à la révélation d’un tout-Autre, de même qu’à l’égard de toute institution ecclésiastique.
Mais, en droit, est-il certain qu’une société puisse se passer de religion ? N’y occupe-telle pas un rôle qui la rende définitivement nécessaire ?
L’Etymologie du terme religion est incertaine. Le mot viendrait de « religare » signifiant « relier » . Selon Cicéron le terme viendrait de « religere »signifiant « respecter », « soigner ». La religion a donc pour fonction d’unir les hommes et la nature avec un ordre surnaturel transcendant qui fonde l’accord des hommes entre eux et à l’égard duquel ceux-ci doivent être soumis.
La religion a donc d’emblée le statut d’un fondement de l’ordre social. Et c’est non seulement les institutions politiques qu’elle fonde, mais également les mœurs, les tabous, les interdits, les prescriptions sociales.
Mais, que les premières sociétés aient été de l’ordre du sacré, ne peut expliquer le fait « qu’il n’y a jamais eu de sociétés sans religion »(cf, Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion). En effet, par delà la fonction fondatrice du politique sur le théologique, la religion occupe selon Bergson une fonction idéologique de renforcement du lien social qui, sinon, pourrait être dissout par l’intelligence.
Bergson distingue la « religion dynamique », de « la religion statique ». La première est celle des mystiques qui sont censés prendre un contact direct avec l’Absolu, soit : la source même de l’Etre ou « l’élan vital ». La religion statique, celle que nous évoquons, a une fonction sociale. Par ses « fabulations » elle donne une triple assurance à l’homme qui garantit l’ordre moral contre les désordres que pourraient y introduire l’intelligence rationnelle.
Ainsi les interdits, les tabous sont irrationnels du point de vue de l’individu, mais ils servent les intérêts de la communauté sociale. De plus, la religion offre un salut individuel contre la pensée désespérante de la nécessité de la mort. L’intelligence désespérant de la vie, s’en détache. La religion en affirmant l’immortalité au-delà de la mort constitue « une réaction défensive de la nature » elle-même (cf, Les deux sources de la morale et de la religion) . Enfin, l’intelligence peut se représenter « une marge décourageante d’imprévu entre l’initiative prise et l’effet souhaité »(cf. ibid). La religion réagit en affirmant quel’homme peut prédire l’avenir grâce à la divination, et se rendre maître de l’imprévisible.
Réaction défensive contre le déficit éventuelle de l’attachement à la vie que peut produire l’intelligence, la religion a donc pour fonction d’assurer l’ordre social et la préservation de l’espèce humaine.
Mais, à cette fonction politique et idéologique de la religion nécessaire à la société, s’oppose la thèse selon laquelle la société peut être un facteur de rupture du lien social. Une ambiguïté de la religion dans son rapport au social est décelable.
Ainsi Rousseau, dans le dernier chapitre du Contrat social, distingue trois types de religion, dont l’utilité sociale et donc le lien à la société ne sont pas les mêmes.
La « religion de l’homme » ou religion tournée vers l’humanité, et donc l’universalité du genre humain ( laquelle est identifiée comme étant le christianisme originaire ou « religion de l’Evangile ») ne convient pas à un Etat politique particulier. Le « principe chrétien » détourne les forces et les énergies vers les préoccupations de l’au-delà au détriment de la cité. Il affaiblit le sentiment patriotique car, « à la différence des religions purement nationales, il ne prêche que servitude et dépendance »(cf. L IV chap VIII. Contrat Social).
Même si cette religion est jugée la « plus véritable », au sens très particulier où elle vise l’universalité du genre humain, par delà l’espace et le temps, il reste qu’elle détache trop l’homme de l’ordre temporel de la cité. Du point de vue de l’utilité publique, elle est même nuisible.
La « religion du citoyen » ou « religion nationale », est liée purement et simplement à une cité particulière. Telles sont, pour Rousseau, toutes les religions païennes et polythéistes de l’antiquité. Ce type de religion est éminemment favorable à la cité, à l’Etat. On croit en des Dieux propres à la cité, ce qui donne consistance au patriotisme. Mais une telle religion repose sur l’erreur et les mensonges que recouvrent les mythes et les faux-dieux. Les contenus sont par trop absurdes pour la raison. De plus, en liant l’homme à la particularité de son groupe, elle le sépare de l’universalité du genre humain, elle rend les peuples intolérants entre eux et en état de guerre permanent.
Le troisième type de religion est « la religion du prêtre », identifiée au christianisme romain et catholique. Celle-ci est un mixte, « dont il est à peine besoin de parler »(cf, ibid) puisqu’elle donne aux hommes deux chefs, deux législations qui, évoluant pour eux-mêmes, livre l’homme à des devoirs contradictoires. Plus précisément, le catholicisme, par exemple, utilise la religion de l’homme ou tente d’établir une religion universelle, alors même qu’il n’y a pas d’Etat universel. Ainsi le catholicisme est-il destructeur de l’Etat et de la religion ; entendons : de « la religion de l’homme », « le vrai théisme », religion « bornée au culte purement intérieur du Dieu suprême et aux devoirs éternels de la morale »(cf. L IV chap VIII. Contrat Social).
Le dilemme est donc qu’il est impossible de choisir entre une « religion de l’humanité », vraie mais sans valeur politique, et une « religion nationale » qui possède une valeur politique mais sans contenus valides.
Rousseau tente un compromis entre ces deux religions. Tout en ayant une vocation universelle,
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