L'éloge De L'age De Christian Combaz
Recherche de Documents : L'éloge De L'age De Christian Combaz. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sax.alt59 • 10 Juin 2015 • 674 Mots (3 Pages) • 797 Vues
Quand j'avais dix ans, je posai ma main sur celle de mon grand-père. Je trouvai miraculeux que
nous fussions si dissemblables et pourtant de la même espèce. C'était une chose si troublante qu'il
m'arrivait d'enfiler Ia veste de son costume afin de voir si, par hasard, ma peau n'allait pas devenir
grise et ressembler comme la sienne à celle des tortues, mais je restais lisse, blafard et songeur
devant la glace, et je me disais qu'un jour, j'aurais moi aussi les cheveux blancs, des plis au coin de la
bouche et un costume rayé.
Cette idée me causait une grande satisfaction. Atteindre la vieillesse représentait l'accomplissement
d'une ambition. Ce n'était pas la chute, mais le sommet. Mon grand-père se plaignait bien un peu de
la fatigue, mais je trouvais que c'était un prix modeste à payer pour la satisfaction de porter une
canne et de jouir enfin du privilège d'être vieux, car je ne doutais pas que ce fût un privilège.
(…) Ma famille n'était pas d'avant-garde. J'ai donc été élevé à l'abri de la modernité. A table on
n'interrompait pas les grandes personnes. Mon père n'interrompait pas mon grand-père. Dans les
livres, on célébrait l'âge et l'expérience comme de grandes vertus. Les illustrations qui ornaient nos
manuels d'histoire représentaient un tas de vieillards célèbres, et la sagesse avait pour moi la tête de
Victor Hugo.
Plus tard, vers quatorze ou quinze ans, j'ai fait l'expérience d'une réalité différente. En vérité, ma
génération entière, soit, grossièrement, celle de l'après-guerre, a découvert qu'on lui avait menti. Le
temps est venu des voitures à crédit, de la consommation, des vacances au soleil. Nos parents n'ont
pas vieilli comme iIs l'auraient dû. En fait, ils n'ont pas vieilli du tout. Ils ont acheté des
électrophones. Ils ont découvert les chemises imprimées. Ils sont allés danser. Nos grands-parents
eux-mêmes auraient, à cette époque, donné toute la sagesse du monde pour une croisière.
Un peu plus tard, le prix des croisières ayant baissé, ils sont partis visiter la planète dans le but de
nous accabler, ensuite, avec leurs projections de diapositives. Les enfants de ces milieux qu'on
appelle «
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