L'homme Est Il Violent Par Nature
Documents Gratuits : L'homme Est Il Violent Par Nature. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Antonio • 24 Février 2015 • 6 835 Mots (28 Pages) • 2 714 Vues
Lorsqu'on s'interroge sur la violence, on ne peut pas ne pas se demander quelles sont ses causes. Deux possibilités s'offrent à notre réflexion : les hommes sont-ils violents par nature ou à cause de la vie sociale ? La violence trouve-t-elle ses causes en nous, dans la nature humaine ou se trouvent-elles en dehors de nous, dans l'organisation de la vie sociale ? On pourrait être tenté de dire qu'elle peut venir à la fois de l'une et de l'autre. Seulement, l'une ne provoque-t-elle pas l'autre ? L'une n'est-elle pas derrière l'autre ? Mais laquelle ? De deux choses l'une : ou bien l'homme est violent parce qu'il est disposé par nature à la violence, la vie sociale ne lui fournissant alors que l'occasion de manifester une violence inhérente à sa nature, ou bien rien ne prédispose naturellement l'homme à la violence, et donc s'il lui arrive de l'être, c'est parce qu'il a été rendu violent par la vie sociale.
Peut-on soutenir que l'homme est violent par nature et non à cause de la vie sociale ? La vie sociale n'est-elle pas au contraire la source de la violence de l'homme ? Peut-on venir à bout de la contradiction qui oppose ces deux thèses ?
Il ne suffit pas de parler de la violence dont les hommes sont capables pour savoir de quoi on parle, encore faut-il définir la violence. Elle correspond à tous les actes qui portent atteinte à l'intégrité physique ou psychologique d'une chose ou d'un être, et, par extension, à tous les actes qui contrarient une spontanéité ou un projet. La violence, c'est ce qui brise, fait mal ou met des obstacles. Soutenir que les hommes sont violents par nature n'est possible que s'il existe en eux quelque chose qui, par nature, les disposerait de manière spontanée à porter atteinte à l'intégrité ou à la spontanéité des êtres et des choses. Or, qu'est-ce qui pourrait les y pousser sinon ce qu'on appelle l'agressivité puisqu'elle est justement une disposition à l'agression, donc à la violence. D'où cette question : l'homme est-il agressif par nature ? La réponse ne fait pas de doute : en tant qu'être vivant, l'homme est doté d'instincts par lesquels tant de manière offensive que défensive, il se conserve et se perpétue. Les hommes sont donc par nature disposés à être violents dès lors que leur survie est en jeu.
Mais ses instincts le disposent aussi à une violence qui va bien au-delà de ce qu'exige sa survie. En effet, il ne semble pas possible de rendre compte de la violence seulement en terme d'utilité par rapport à la survie : bien des violences peuvent sembler tout à fait gratuites de ce point de vue. Ce qui dresse de l'homme un sombre tableau qui rejoint une des thèses que soutient Freud dans Malaise dans la civilisation : "L'homme n'est point cet être débonnaire, au cour assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit compter au nombre de ces données instinctives une bonne somme d'agressivité. [.] L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépends de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagement, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer." La violence dont l'homme est capable ne se limite pas à celle, provoquée par les circonstances, de la légitime défense : elle est aussi le mode de satisfaction d'une pulsion, d'un désir qui ne doit rien aux circonstances et qui tient à notre constitution naturelle, à notre nature.
Du coup, on peut comprendre que les violences qui paraissent dues aux circonstances, à la vie sociale, par exemple celles des diverses formes de compétition, sont en réalité l'expression d'une agressivité naturelle qui trouve dans la compétition l'occasion de se manifester. Si les hommes se battent pour détruire, faire mal, tuer, pour accaparer des ressources naturelles, des richesses ou des honneurs, c'est non seulement pour vivre ou en tirer avantage mais aussi pour priver les autres de ce qui leur est pris. Ce qui rejoint la thèse développée par Hobbes : si dans la vie sociale, "L'homme est un loup pour l'homme.", c'est parce que chaque homme est en conflit avec tous les autres d'une part par nécessité, afin d'assurer sa conservation, mais d'autre part aussi du fait de passions naturelles qui l'incitent à les violenter et à jouir de certains avantages à leurs dépends. En somme donc, si l'homme est violent, c'est par nature qu'il l'est.
Notons que cette thèse selon laquelle l'homme est violent par nature est toujours associées soit à une explication, c'est le cas chez Freud, soit à une justification, c'est le cas chez Hobbes, de l'organisation de la vie sociale et en particulier de la rigueur des restrictions qu'elle impose à tous. Puisque l'homme constitue par son agressivité naturelle un danger pour ses congénères, il est sage que la vie sociale y mette bon ordre par des lois et le recours à la force publique. Autrement dit, cette thèse de la naturalité de la violence est solidaire de celle selon laquelle l'organisation sociale et politique a pour fonction essentielle de pacifier la vie sociale, parce que si elle était abandonnée à elle-même, elle serait un champ de bataille permanent. A l'agressivité naturelle des individus doit répondre une répression sociale et institutionnalisée.
Or, dans la mesure où l'organisation sociale peut avoir d'autres fins que celle d'établir la paix civile par le strict encadrement des individus, on peut se demander si cette relation entre la violence individuelle et sa répression sociale ne devrait pas être renversée. A savoir : la violence des individus, qu'on attribue à l'agressivité naturelle, ne doit-elle pas plutôt être mise au compte de l'organisation sociale et politique, précisément parce qu'elle serait en réalité loin de permettre simplement de juguler la violence naturelle ? Mais dans ce cas, l'homme ne serait pas violent par nature, mais à cause de la vie sociale.
Si on doit admettre que toutes les sociétés se dotent des moyens de juguler la violence des individus, néanmoins toutes les sociétés ne se ressemblent pas. Elles n'ont pas toutes les mêmes règles morales, les mêmes mours, les mêmes institutions ni les mêmes lois. Par conséquent, elles
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