Entre inconscience et liberté
Cours : Entre inconscience et liberté. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 9 Décembre 2013 • Cours • 1 093 Mots (5 Pages) • 1 786 Vues
L’inconscient exclut la liberté si l’on conçoit qu’il implique une réduction de la pensée à la matière, ne laissant à l’homme rien qui soit véritablement en son pouvoir. La pensée, au lieu de renvoyer à une puissance proprement humaine, et à un recul par rapport au monde, ne serait plus qu’un ensemble d’effets, renvoyant à des causes physico-chimiques ou biologiques. En un autre sens, l’inconscient exclut la liberté si l’on voit en lui une nécessité proprement psychologique. Dans ce cas, la pensée suivrait des lois propres, non spécifiques à la matière, mais relevant d’un déterminisme tout aussi rigoureux. La liberté ne serait que l’illusion propre à l’ignorance de ce déterminisme : faire l’hypothèse de l’inconscient, c’est exclure que cette illusion puisse avoir une quelconque validité. Enfin, si l’on pose la question de l’inconscient non plus au niveau des conséquences quant à la condition humaine, mais au niveau des actions ou du devenir possible de la personne, l’inconscient exclut la liberté comme tâche à réaliser. Il ne s’agit pas de réaliser une liberté qui ferait d’abord défaut, mais de défaire le sujet d’une conception trompeuse et nuisible pour lui-même d’une responsabilité trop large, inadéquate avec l’inconscient, et qui ne peut que le rendre malheureux.
Les deux premiers sens en lesquels l’inconscient exclut la liberté sont peu compatibles si l’on considère que le premier inclut la pensée dans un ordre de nécessité plus large, et dans ce cas c’est parce que la pensée ne serait pas un phénomène spécifique qu’elle exclut la liberté. Dans le second, la pensée exclut la liberté justement par ce qui lui est spécifique : l’inconscient désignant alors un ordre de nécessité sans commune mesure avec les autres phénomènes. Il y a donc deux versions antagoniques du déterminisme attribuable à l’hypothèse de l’inconscient. Mais chacune de ces versions s’oppose encore à la troisième raison qu’aurait l’inconscient d’exclure la liberté : reconnaître une nécessité implique en même temps le moyen de l’utiliser pour agir grâce à elle, une nécessité connue étant un moyen supplémentaire disponible pour l’action. Si l’hypothèse de l’inconscient exclut la réalisation de la liberté, c’est qu’au-delà du déterminisme, elle implique une fatalité qu’il s’agirait d’accepter sans disposer d’aucune prise sur elle.
L’inconscient vise à rendre compte du conflit psychique, la libération que permettrait l’hypothèse de l’inconscient est celle d’un dépassement de ce conflit. Ce conflit prend la forme d’une censure exercée contre l’inconscient et trompée par lui. Or, pour Sartre, le concept de censure est lui-même contradictoire s’il n’est pas interne de part en part à la conscience, et ne permet pas de rendre compte de la spécificité d’un conflit strictement interne à la pensée. Soit on est amené à concevoir la personnalité consciente trompée par une autre personnalité, inconsciente, mais dans ce cas on perd l’idée de conflit interne, soit on fait de la personnalité consciente une instance trompée par une puissance radicalement impersonnelle, mais dans ce cas, on fait de la pensée une pure passivité, ce qui est incompatible avec l’idée de conflit et de mensonge à soi.
L’hypothèse de l’inconscient signifie donc pour Sartre une double dépossession pour le sujet : une dépossession du sens de ses actes, renfermé à l’écart de la conscience comme en un réceptacle, et une dépossession de sa responsabilité, de sa capacité à répondre de soi et à se poser comme l’auteur de ce qu’il
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