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Texte De séneque

Mémoire : Texte De séneque. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  10 Décembre 2014  •  3 132 Mots (13 Pages)  •  1 284 Vues

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Dans ce texte, Sénèque entend démontrer que la bienfaisance est une vertu qui, en tant que telle, est « désirable en soi ». En d'autres termes, l'homme vertueux est généreux parce que la générosité est en soi un bien, indépendamment des satisfactions qu'elle pourrait lui apporter.

Certes, je peux fort bien ne pas me montrer avare de mes bienfaits envers autrui, mais au fond seulement parce que j'espère (de façon claire ou même inconsciente) être payé en retour d'une quelconque façon : que ce soit par un « calcul » qui ne laisserait pas d'être « vil », en supputant à l'avance les profits que mon aide pourrait bien me rapporter si je me décidais à l'octroyer ; voire par désir de reconnaissance, parce qu'il est agréable de voir ma générosité louée par autrui, ou ma grandeur d'âme étalée au vu et au su de tous. Si toutefois je consens à faire le bien d'un autre parce que je compte plus tard en retirer quelque avantage, ou même si je le fais par désir de paraître vertueux et aimable, en ce cas, mon acte n'aura que l'apparence de la générosité, lors même que ce sera tout et uniquement mon propre intérêt que je poursuivrai, en prétendant aider autrui.

Mais alors, l'homme est-il seulement capable du désintéressement que réclame la vertu ? Selon Sénèque, la réponse est à l'évidence affirmative. La conduite exemplaire de l'homme bon n'est pas sans exemple : pour montrer que nous sommes capables de vertu (si nous ne sommes pas toujours vertueux), il faut et il suffit d'attester que certains de nos actes demeureraient inexplicables, si l'intérêt particulier était leur seul moteur. Notre texte commence donc par établir que si nous n'étions généreux que par intérêt, alors nous serions en fait incapables de générosité vraie : est véritablement généreux celui qui consent à faire le bien d'autrui alors même qu'il sait qu'il ne sera jamais payé en retour. Si donc nous étions incapables de désintéressement, nous n'aiderions jamais ceux qui sont exilés pour toujours, ni les mourants qui n'auront guère le temps de rembourser leurs dettes ; nous n'aiderions plus personne lorsque nous-mêmes serions proches de notre terme, et destinés à mourir avant d'être payés de nos avances.

Or, tel n'est à l'évidence pas le cas : nous aidons l'étranger qui a fait naufrage afin qu'il puisse retourner chez lui, même quand nous ne connaissons pas son nom, même s'il n'aura jamais l'occasion de nous remercier ; autant dire que nous sommes capables d'être véritablement désintéressés, c'est-à-dire capables d'actions dont nous n'attendons nul profit matériel, et pas même quelque témoignage de reconnaissance que ce soit. Davantage, c'est quand nous sommes assurés de ne pas avoir agi par intérêt, que nous goûtons au « charme » de la vertu : agir moralement, sans prendre aucune considération de nos intérêts quels qu'ils soient, nous donne le sentiment d'une satisfaction, celle qu'il y a à avoir fait ce qu'il fallait faire, quoi qu'il en pût coûter. Preuve en est que lorsque c'est à notre tour de mourir, loin de ne plus nous soucier de rien ni de personne, nous passons nos derniers jours à régler une bonne fois nos « dispositions testamentaires ». Tous les biens que nous avons pu retirer de la vie, nous les confions à d'autres, dans un souci d'équité et de justice : ultimement, nous faisons le bien avec nos biens – mourir n'est rien ; ce qui serait tragique, ce serait de mourir en commettant une injustice, ou en manquant une dernière occasion d'être bon. L'approche de la mort dissipe la confusion que l'intérêt introduit dans l'esprit : celui qui devient aveugle à la concupiscence, à l'envie, à la vanité du désir de plaire et d'être aimé, celui-là voit par d'autres yeux (ceux de l'esprit) ce qui s'impose à tout homme, l'idée du bien, qui seule doit régler notre conduite.

La position ici défendue par Sénèque semble cependant bien instable : si le bien est effectivement ce qui est accompli en dehors de tout intérêt, n'y a-t-il pas contradiction à trouver du « charme » au sentiment d'avoir bien agi ? Car enfin, peut-être est-ce précisément pour connaître une telle satisfaction que je fais le bien, et non par amour du bien en lui-même… et telle serait la position au sens propre rigoriste, qui sera défendue par Kant. D'autre part, ne peut-on penser avec Nietzsche que l'amour-propre et le plaisir qu'il y a à se montrer vertueux sont peut-être plus puissants que ne l'affirme Sénèque lui-même ?

I. L'analyse détaillée du texte

1. L'hypothèse selon laquelle nous n'agissons jamais que par intérêt

a) Cette hypothèse rendrait certains actes impossibles

Notre texte est tout entier bâti sur une hypothèse de départ que de simples exemples suffisent à réfuter. Cette hypothèse est la suivante : nous n'agirions en toute chose que par intérêt, que ce soit sous la forme immédiatement compréhensible de la recherche du profit matériel, ou sous les formes plus subtiles que peuvent revêtir la complaisance, et la vanité. Cette hypothèse revient en fait à concevoir la bonté morale à partir de la logique de l'échange, selon laquelle je consens à échanger un service ou un bien contre autre chose, dans le but d'en retirer un profit ou un avantage quelconque. Certes, il est incontestable que les hommes agissent parfois (et même souvent) par calcul : chacun soupèse par avance ce qu'il risque de perdre, et le compare à ce qu'il pourrait gagner. Ce que conteste Sénèque en revanche, c'est l'idée selon laquelle ce comportement intéressé ferait le tout de la conduite humaine : l'échange suppose réciprocité, en sorte que devraient être réputées par avance impossibles toutes les bontés gratuites, accordées sans espoir de retour sous quelque forme que ce soit. Si en vérité on investissait ses bienfaits comme autant de judicieux placements, en espérant leur retour avec usure, alors effectivement, nul n'aiderait celui qui part « pour des pays situés sous d'autres cieux » sans devoir en revenir, puisqu'il ne pourra jamais s'acquitter de sa dette ; non plus que le malade, à qui il ne reste pas assez de temps à vivre pour pouvoir seulement nous payer de retour. De même, celui qui se saurait sur le point de mourir n'aurait plus d'yeux pour personne, pas même pour ceux chez qui un peu d'aide judicieusement

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