Sujet : La Philosophie Nous détache-t-elle Du Monde ?
Dissertations Gratuits : Sujet : La Philosophie Nous détache-t-elle Du Monde ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar bekany • 19 Mai 2014 • 1 850 Mots (8 Pages) • 4 885 Vues
Introduction
• Le langage commun a emprunté à la philosophie nombre de ses termes. Ainsi en est-il de mots tels que sceptique, cynique, stoïque, etc., qui désignent dans ce langage commun essentiellement une attitude particulière à l'égard de la vie; c'est aussi le cas des mots mêmes de " philosophe " ou de " philosophie " lorsque l'on dit de quelqu'un : " il prend les choses avec philosophie " ou " c'est un philosophe ", entendant par là une conduite qui consiste à se désengager du monde, à s'en détacher.
• Toutefois, Nietzsche a souligné que cette acception populaire de la philosophie révèle souvent une méconnaissance de ce qu'est la vraie philosophie. " Quand de nos jours, écrit-il, on entend dire d'un homme qu'il mène la vie du "sage" et du "philosophe", cela ne signifie presque rien de plus qu'une vie "prudente" et "retirée". La sagesse, aux yeux du vulgaire, c'est un refuge, un moyen, un artifice pour tirer son épingle du jeu. " Or, nous dit Nietzsche, " le véritable philosophe " est précisément celui qui " ne vit ni en "philosophe" ni en "sage", ni surtout en homme prudent, et sent peser sur lui le fardeau et le devoir des cent tentatives, des cent tentations de la vie"?
• La question se pose donc de savoir si la philosophie nous détache ou non du monde, à moins qu'elle ne soit paradoxalement ce qui nous détache du monde pour nous y attacher plus fortement.
1. La philosophie comme détachement
On connaît la célèbre mésaventure survenue au philosophe Thalès, que nous ont rapportée Platon (Théétète, 174 a) et Diogène Laërce : Thalès, étant sorti de chez lui pour contempler les astres, tomba dans un puits. " Comment, lui demanda en se moquant une vieille femme qui passait par la, Thalés, toi qui n'es pas capable de voir ce qui est à tes pieds, t'imagines-tu pouvoir connaître ce qui est dans le ciel ", Cette anecdote nous dépeint &emdash;de façon caricaturale certes&emdash;le philosophe comme celui qui, plongé dans ses méditations et sa contemplation d'un autre monde, se détache du monde dit " réel " jusqu'à l'oublier. Mais quel est le vrai sens de ce détachement ?
a) Se détacher des fausses valeurs mondaines
• Diogène le cynique, qui pour toute maison avait un tonneau, s'appliquait à mépriser systématiquement les valeurs établies : gloire, honneurs, argent, mariage, position sociale, etc. La philosophie, pour Diogène, est ce qui nous détache du monde en ce sens qu'elle nous permet de ramener certaines valeurs à leur juste valeur, c'est-à- dire à une valeur à peu près nulle. Semblablement, Épicure conseillait de " vivre caché " pour ne pas subir les inconvénients liés à la vaine quête des richesses, du pouvoir, des honneurs. Cette idée que la démarche philosophique consiste à procéder à une estimation objective des valeurs qui conduit à distinguer les vrais des faux biens, et ainsi à parvenir au véritable bonheur, était partagée par l'ensemble des écoles philosophiques de l'antiquité gréco-latine, qui ont, à partir de principes souvent opposés, presque toutes abouti à préconiser une attitude consistant à se détacher du monde, entendons à se détacher de ce que la majorité des hommes recherche avidement. Ainsi que ce soit les stoïciens, qui condamnent la recherche du plaisir, ou les épicuriens, qui la louent, les uns comme les autres finissent par convenir que le vrai bonheur consiste dans l'ataraxie, cette tranquillité de l'âme détachée des passions du monde, que plus rien ne peut venir troubler.
• La philosophie ne nous détache donc pas réellement de la vie en ce sens que l'exercice quotidien de la réflexion ferait oublier au philosophe, comme à son insu, le monde qui l'entoure. Au contraire, c'est un détachement conscient, volontaire et rendu possible par la philosophie elle-même, un détachement à l'égard de ce qui est susceptible d'empêcher d'atteindre au souverain bien.
b) Se détacher de l'opinion pour atteindre à la connaissance vraie
• Le mythe de la caverne
Si la jouissance du bonheur, en quoi consiste le souverain, bien exige un détachement des faux biens et des fausses valeurs du monde, la connaissance du vrai, au reste également nécessaire au bonheur, passe elle aussi par un certain détachement de ce monde des apparences et de l'opinion qu'est notre monde. C'est ce qu'entend montrer Platon avec le célèbre " mythe de la caverne ".
• Pour Platon (cf. République, VIII, 514 a), en effet, l'homme ressemble à un captif qui, enchaîné depuis son enfance dans une caverne, le visage tourné vers le mur, ne verrait que les ombres d'objets qui défilent derrière lui, éclairés en amont par la lumière du soleil. N'ayant jamais rien vu d'autre que ces ombres, I'homme les prend pour la réalité. Qu'on le détache, qu'on l'oblige à sortir de la caverne, il sera d'abord ébloui, les yeux blessés par la lumière, préférant même retourner à sa condition antérieure. Mais, qu'il s'habitue à l'éclat du jour, alors il comprendra que le monde qu'il tenait pour réel n'est qu'une illusion; que la réalité est d'un autre ordre, comme la vérité et la beauté. En sortant de la caverne, l'homme découvre le monde des idées pures, de l'intelligible.
• Cette conversion vers la lumière symbolise cet effort de la philosophie &emdash;la démarche philosophique même, selon Platon&emdash;pour nous détacher du monde de l'illusion et nous faire découvrir le monde réel. Mais chacun n'est pas capable d'opérer cette conversion, ou ne le veut pas; et ce qui distingue le philosophe du non-philosophe, c'est précisément la capacité à se détacher du monde pour accéder à la connaissance vraie: "Sont philosophes, dit Platon,
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