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Peut-il Y Avoir Une Morale Du Plaisir ?

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Par   •  20 Janvier 2014  •  3 030 Mots (13 Pages)  •  1 855 Vues

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Sujet : Peut-il y avoir une morale du plaisir ?

« Le plaisir est le bonheur des fous, le bonheur est le plaisir des sages. » A travers cette phrase, Jules Barbey d’Aurevilly, écrivain français du 19ème siècle, critique la conception du plaisir comme unique morale, et vient mettre en exergue les différentes opinions concernant le plaisir. En effet, le plaisir peut être en philosophie à la fois considéré comme une règle de vie, un idéal de sagesse, mais aussi à la fois comme une étape vers bonheur, c’est à dire un moyen d’accéder au bonheur plutôt qu’une fin en soi.

Ainsi, on parle de morale du plaisir lorsque l’ensemble des règles de conduites et nos valeurs sont régis par le plaisir. Dans ce cas la morale sert donc à éclairer nos choix pratiques, à définir ce qu’est le bien et à poser le plaisir comme un fondement d’une vie heureuse. Le plaisir correspond à un sentiment agréable, une satisfaction physique ou morale. Sa représentation engendre désir et intérêt. Cependant, le plaisir est souvent associé à l’égoïsme et à un mode de vie dissolu, par opposition à la morale que l’on associe facilement à une vie d’ascète, de respect des multiples conventions voire de renoncement à nos désirs propres.

De fait, en considérant cette opposition, nous pouvons donc nous demander si il peut y avoir une morale du plaisir.

En premier lieu, nous nous pencherons donc sur la corrélation entre plaisir et morale, puis sur l’antagonisme des deux notions, pour finir avec la vision du plaisir selon Aristote, qui place le plaisir comme un couronnement de l’action morale.

Pour commencer, de nombreux philosophes affirment que la morale doit absolument avoir une relation avec le plaisir. De fait, le plaisir ne découle d’aucune convention et est commun à chacun : le désir, qui forme une certaine attirance pour les actes procurant du plaisir, quelque soit la nature de celui-ci, est un désir universel, qui vient guider nos actes dès notre enfance : ainsi, l’homme est, par nature, moralement guidé par le plaisir, de même qu’il repousse par nature les actes provoquant une douleur répulsive. Il semble donc logique de dire que la morale prend en compte le plaisir, tout autant que la douleur.

Historiquement parlant, il semblerait qu’il existe déjà une morale du plaisir, de par l’hédonisme, incarné par l’école des Cyrénaïques (390 avant JC). Ce courant philosophique antique place le plaisir comme Souverain Bien, ce vers quoi la morale doit tendre : on parle alors de quête permanente du plaisir. Les hédonistes effectuent une absolutisation de la valeur du plaisir : le plaisir trouve sa valeur en lui même. De plus, ils le considèrent comme la fin (et non le moyen), c’est à dire que bonheur et plaisir sont étroitement liés. Pourtant, l’Hédoniste, qui recherche des plaisirs illimités a finalement un comportement qui reste moral, ce qui peut prêter a confusion car le comportement moral est généralement perçu dans les différentes doctrines comme un comportement juste, modéré et soucieux du bien commun, tandis que la recherche des plaisirs sans fin semble très égoïste ou même destructrice. En ce sens, nous verrons en seconde partie que l’hédoniste est parfois dans l’illusion. Cependant, la morale hédoniste, qui cherche à donner un sens aux actions en définissant le plaisir en tant qu’élément vers quoi tendre tout au long de la vie, est supposée guider vers le bonheur en agissant selon la raison et ce qui est « bien » ; elle est donc loin d’être dénuée de sens.

D’autre part, il existe d’autres mouvements considérant, souvent à des degrés moindres, le plaisir comme élément essentiel du chemin vers le bonheur.

C’est notamment le cas de l’épicurisme, doctrine fondée par Épicure au IIIe siècle avant JC. À défaut d’être considéré comme le Souverain Bien, place occupée par l’absence de troubles de l’âme et du corps (ataraxie et aponie), le plaisir est davantage perçu comme un moyen, un moyen d’arriver à un état d’équilibre qui constitue le bonheur pour Épicure. Cet état d’équilibre repose sur une gestion raisonnable du plaisir et de la douleur : on peut donc parler d’une certaine relation entre la morale et le plaisir chez Épicure, sans toutefois parler d’une morale du plaisir telle que celle de l’hédoniste. En effet, chez Épicure, il ne s’agit pas de varier les plaisir, il ne s’agit pas de rechercher le plaisir de façon permanente, il s’agit d’utiliser le plaisir pour arriver à cet état d’équilibre, de sérénité, tout en sachant y renoncer quand le plaisir admet pour conséquence un désagrément ou une souffrance qui le dépasse : il faut donc savoir y renoncer, c’est un plaisir réfléchi et non pas un plaisir spontané comme chez l’hédoniste. Il estime que certains plaisirs sont vains, comme par exemple celui de déguster un repas trop copieux, ce qui aura pour conséquence une indigestion, désagrément dépassant le plaisir. Épicure explique cela dans sa Lettre à Ménécée : « Nous n’avons en effet besoin du plaisir que quand par suite de son absence nous éprouvons de la douleur ; et quand nous n’éprouvons pas de douleur, nous n’avons plus besoin de plaisir. » Ainsi, Épicure croit finalement au plaisir dans le sens le plus simple du terme, et recommande une certaine prudence. En effet, il préconise par exemple s’habituer aux plaisirs simples et non luxueux pour être prêt en cas de changement, par exemple si une famine fait son apparition. Ainsi, il s’agit en quelque sorte d’une morale ascétique, qui prône la discipline et le contrôle des affects et des plaisirs : une morale des plaisirs selon Épicure est une morale de la discipline.

D’autre part, on peut donc s’interroger sur cette corrélation entre morale et plaisir, en se demandant si une morale du plaisir est plutôt une morale qui prône le plaisir comme une fin en soi, tel l’hédonisme, ou une morale qui l’utilise comme principe compensateur de la douleur, un moyen qui permettrait d’atteindre le bonheur. Il semble difficile à croire qu’une morale qui repose seulement sur le plaisir et la douleur puisse suffire à donner du sens à notre existence. La jouissance de l’hédoniste a-t-elle un sens? Le fait qu’un homme puisse trouver son bonheur dans l’accumulation des plaisirs peut paraître illusoire.

De plus, on peut considérer qu’il existe certainement une morale incluse dans les plaisirs, c’est à dire qu’il existe des plaisirs immoraux, ou pervers : ainsi certains plaisirs sont parfois vus de façon négative, notamment le plaisir charnel ou les plaisirs

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