Oedipe / Incendies
Note de Recherches : Oedipe / Incendies. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar morgane6321 • 12 Mars 2014 • 974 Mots (4 Pages) • 3 914 Vues
Incendies regorge de résonances mythiques qui se cristallisent notamment autour du personnage d’Œdipe. On connaît d’ailleurs l’importance du motif de l’aveuglement dans la production de l’auteur, particulièrement sensible dans son dernier spectacle, Seuls, où un personnage finit par se crever les yeux. Le titre énigmatique Le Soleil ni le mort ne peuvent se regarder en face dans cette autre pièce de Wajdi Mouawad renverrait lui aussi, d’après le metteur en scène Dominique Pitoiset, à cette question d’une vision aveuglée 1.
Wajdi Mouawad affirme d’autre part que Jeanne n’est autre qu’Antigone 2. On est alors tenté de voir en Nawal « une nouvelle Jocaste » 3 livrée au fils maudit. Jeanne et Simon mis dans un seau devaient être noyés par une nuit d’hiver, mais l’eau était gelée. Ils sont alors confiés à Malak, « un paysan qui rentrait avec son troupeau » (p. 64). La présence de l’eau dans laquelle on veut perdre un nouveau-né et la figure du paysan ne sont pas sans rappeler une nouvelle fois le mythe d’Œdipe 4. L’exposition liée à un cours d’eau est un motif célèbre que l’on retrouve dans le récit de l’enfance de Moïse mais aussi dans la légende de Romulus et Rémus. Dans certaines versions, Réa, la mère des jumeaux aurait même été violée par le dieu Mars durant son sommeil 5, dimension qui pourra être rapprochée de la pièce.
Enfin, la gémellité est un autre aspect de cette résurgence mythique. Jeanne et Simon sont jumeaux comme le sont Romulus et Rémus. Cet écho est renforcé par le motif du loup récurrent dans la pièce mais aussi perceptible sur la première de couverture. Lino signe là une nouvelle illustration pour Wajdi Mouawad qui sera d’ailleurs utilisée comme affiche lors de la création de la pièce par l’auteur. On pense ici à la célèbre sculpture de la Louve romaine mais sous une forme inversée. Dans le dessin de Lino, un loup rouge (seul élément coloré) s’abreuve au sein d’une femme. La gémellité est effacée mais l’association fait sens. Charline Grand, l’une des comédiennes interprétant le rôle de Nawal dans le spectacle de Stanislas Nordey, reconnaît immédiatement Nawal en train de nourrir le monstre (lire l’entretien), Nihad, figure allégorique de la guerre.
Dans la pièce de Wajdi Mouawad, il ne s’agit pourtant pas de construire une ville comme le feront les célèbres jumeaux. À travers les villages évoqués dans Incendies, ce sont d’autres villes qui s’effondrent, celles du Liban mais aussi celles de tous les pays en guerre. On peut donc s’interroger sur cette présence du mythe. L’auteur emprunte bien des motifs, les ressemblances ne peuvent être fortuites, mais semble les superposer les uns aux autres. Certaines comédiennes de la pièce ont d’ailleurs été attentives à la contamination opérée. Jeanne serait bien sûr Antigone, mais aussi Œdipe, déjà représenté par Nihad. La jeune fille se retourne sur son passé quitte à y perdre la vue, cette rationalité mathématique qui la caractérise jusque-là. La plupart des entités féminines se répondent, comme si elles formaient un seul et même personnage, celui de la révolte. À la fin de sa vie, Nawal garde le silence, pourtant elle continue d’une autre manière à résister. Elle finit d’ailleurs par retrouver la parole, comme son nom, enfin gravé sur la tombe.
Si
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