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Morceau du développement de la dissertation: A quoi sert l’art ?

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Par   •  2 Mars 2014  •  734 Mots (3 Pages)  •  1 380 Vues

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Platon, en décrivant sa cité idéale, demande que les poètes en soient exclus, à cause de leur regrettable aptitude à susciter l’émotion plutôt qu’à fortifier la raison. Jean-Jacques Rousseau, théoricien du prérévolutionnaire Contrat social, approuve, dans sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles, l’interdiction du théâtre à Genève et recommande la disparition de cet art corrupteur « qui excite les âmes perfides ». Il s’agit, dans les deux cas, de subordonner le rôle de l’art à son utilité, politique ou morale. Aujourd’hui, ces propos sembleraient sans doute brutalement réactionnaires : qui pourrait remettre en cause la pure autonomie de l’art, comment accepter que des critères autres qu’artistiques fondent la valeur de l’œuvre ? Juger l’art en fonction de son message, de ses vertus sociales, ce serait non seulement courir le risque de le priver de sa liberté essentielle, mais plus profondément le dénaturer : l’art n’a définitivement pas de comptes à rendre, sinon à lui-même.

Le débat paraît clos, il ne l’est évidemment pas : au-delà de la censure sporadiquement réclamée pour atteinte à des croyances, aux bonnes mœurs, etc., le questionnement sur le rôle de l’art demeure, dilué dans les demandes faites aux institutions « culturelles », censées justifier leurs subventions notamment, hier, par leur contribution à l’émancipation démocratique et, aujourd’hui, par leur action sur le « lien social », quoi qu’on entende par là. Position « élitiste » ou position « populiste » ? L’art pour l’art, ou l’art pour l’autre ? Ce seraient là les seuls choix possibles. Il n’est pourtant pas certain que cette évidence binaire ne relève pas de la construction historique, de l’affrontement idéologique, plutôt que d’une logique incontestable.

La controverse qui, autour de l’œuvre de Gustave Courbet, a vu le jeune Emile Zola s’opposer à l’ouvrage (posthume) de Pierre-Joseph Proudhon est extrêmement éclairante. Proudhon est sollicité par Courbet pour écrire le texte d’un de ses catalogues d’exposition (1). Courbet est alors fêté et honni pour avoir encanaillé l’art : trop « réaliste », « matérialiste en art », selon l’expression de Louis Aragon. Proudhon entreprend de définir ce que sont l’art et l’artiste véritables. Il est intrépide. Il balaie l’opposition entre réalisme et idéalisme, en affirmant qu’il est impossible de séparer le réel de l’idéal, l’objet du regard qui lui donne sens. Et précise que l’artiste « est appelé à concourir à la création du monde social », en offrant une représentation idéaliste de la nature et de l’homme, « en vue du perfectionnement physique, intellectuel et moral de l’humanité, de sa justification par elle-même, et finalement de sa glorification (2). » C’est au nom du socialisme révolutionnaire qu’il peut sereinement affirmer que l’art pour l’art n’est rien. La beauté rêvée par les artistes a pour mission d’embellir l’homme, et le talent n’est jamais le propre d’un individu mais « le produit de l’intelligence universelle et d’une science générale accumulée par une multitude de maîtres, et moyennant le secours d’une multitude d’industries inférieures (3) ». Et l’artiste, s’il a des qualités différentes, n’est en rien supérieur à l’ouvrier. Evidemment, c’est saisissant.

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